Un article du quotidien britannique The Guardian paru le jeudi 28 janvier a attiré notre attention. Sorti en marge de la publication des résultats d’Apple pour la période d’octobre à décembre dernier, il démarre par un témoignage intéressant : un développeur talentueux nommé James Knight, démissionnaire de Google pour trouver un poste qui lui rapporterait plus d’argent, a décidé de ne pas postuler chez Apple, alors qu’il aurait très bien pu y trouver une place. La raison : il n’y fait pas bon travailler. Un témoignage qui corrobore ceux de recruteurs de la Silicon Valley : ces derniers estiment que l’attractivité de l’entreprise n’est plus ce qu’elle était et préfèrent aller chez Google, Facebook, Uber ou Airbnb...
Un catalogue qui tourne en rond
Au-delà de l’ensemble des témoignages qui dépeignent le campus d’Apple comme un environnement difficile pour y travailler (notamment parce qu’elle entretient le culte du secret autour de ses produits, ce qui est légitime d’une certaine manière), il semble que l'entreprise ne parvient pas à renouveler ses équipes d’ingénieurs avec du sang frais. Ce qui veut dire que les jeunes prodiges ne lui apportent pas des idées neuves pour créer les futurs produits qui font rêver. D’où une certaine tendance à tourner en rond : iPhone, iPad, MacBook et iMac, tout cela est vu et revu chaque année.
Le postulat de l'article va encore plus loin. Quand Apple se lance dans une nouvelle catégorie, les montres connectées, le succès escompté n'est pas au rendez-vous (même si la firme se satisfait du fait qu’il s’est vendu plus d’Apple Watch que d’iPhone de première génération lors de leur lancement commercial respectif). L'Apple Watch est belle, elle est bien finalisée, mais elle n'est pas dotée du petit truc en plus qui la rend incontournable. Un constat qui s'applique à toutes les sorties récentes : il n’y a pas eu de produits « waouh » chez Apple depuis le premier iPad (nous ne comptons pas Apple Pay et l’iPhone Upgrade Program qui ont fait fantasmer les financiers).
Apple n'est plus un hâvre pour les ingénieurs
Sur le marché du travail californien, Apple n’a pas la cote auprès des jeunes diplômés. Ils considèrent qu’Apple n’est plus une entreprise à la culture d’ingénieurs depuis le départ de Steve Jobs. C’est sûr : Tim Cook est d’abord un spécialiste du management et des chiffres qui a su s’entourer de personnes capables de comprendre les nouvelles technologies. Mais sans la jeunesse pour lui inspirer de nouveaux besoins à combler, comment Apple pourrait-il redevenir l’entreprise innovante et surprenante ?
Ces témoignages sont à rapprocher de deux informations. D’abord, l’action d’Apple a toujours été sous-évaluée, comme le constatent régulièrement les analystes financiers (de Morgan Stanley par exemple), malgré des résultats toujours plus impressionnants. La raison : les financiers sont prudents parce qu’ils ne voient pas comment Apple pourrait rebondir si l’iPhone perdait son attractivité. Ensuite, les derniers résultats d’Apple n’ont pas atteint les prévisions des mêmes analystes, malgré une hausse du chiffre d’affaires et des ventes de smartphones. Une hausse qui est cependant contenue et qui sera suivie d’une baisse historique des volumes entre janvier et mars 2016 (annoncée par Tim Cook en personne).
Comment se renouveler quand les équipes ne changent pas ?
Et c’est là où nous en revenons au manque d’inspiration : avec son line-up convenu, Apple n’est plus inspiré comme il l’était il y a 10 ans. Et la firme n’attire plus les consommateurs comme ce fut le cas précédemment. La disparition de Steve Jobs y est peut-être pour quelque chose. Mais pas uniquement, car le haut management d’Apple n’a pas beaucoup changé depuis : Jony Ive, Phil Schiller, Eddy Cue, Craig Federighi, etc. Reste à savoir si, avec cette même équipe, la firme de Cupertino retrouvera son « mojo ».