Huawei est certainement l'un des constructeurs chinois les plus ambitieux. Présent sur la scène internationale depuis plusieurs années déjà, il a évidemment forte affaire avec la concurrence qui ne cesse de se renforcer mais ce n'est peut-être pas la bataille la plus difficile qu'il a à mener. Il a également entrepris de mettre fin aux préjugés sur les smartphones chinois en misant sur une gamme P aux finitions soignées. Dommage, les performances n'ont jamais suivi. C'est désormais au P8 d'entrer en scène.
Officialisé à la mi-avril, le P8 arrivera sur le marché français au mois de mai avec l'objectif de faire mieux que l'Ascend P7. Et il a été équipé en conséquence avec, notamment, un nouveau chipset et plus de mémoire. Ce n'est évidemment pas la seule amélioration apportée. Ecran et appareil photo ont également été remplacés. Voici la liste des principales caractéristiques du P8 pour y voir un peu plus clair :
- Android 5.0 Lollipop + EmotionUI 3.1
- Ecran IPS Neo HD 1080p de 5,2 pouces
- Processeur octa-core avec 4 Cortex-A53E 2 GHz + 4 Cortex-A53 1,5 GHz
- GPU Mali-T624
- 3 Go de RAM
- 16/64 Go de mémoire interne (+ microSD)
- Connectivités 4G / Wi-Fi b/g/n / NFC / Bluetooth 4.1
- Double-SIM (hors opérateur)
- Appareil photo 13 mégapixels avec capteur RGBW, stabilisateur optique et chipset dédié
- Webcam 8 mégapixels
- Batterie 2680 mAh
- Dimensions : 144,9 x 72,1 x 6,4 mm
- Poids : 144 grammes
Cet équipement plus robuste vient néanmoins avec un petit surplus sur la facture. Alors que son prédécesseur avait été lancé au prix de 449 ?, il faudra compter 499 ? pour le P8. Une hausse de 50 ?, ce n'est tout de même pas rien. Espérons donc qu'elle est justifiée. C'est évidemment ce que nous allons tenter de découvrir.
Plus de métal, plus d'allure
Avant d'en arriver à découvrir les différents composants listés ci-dessus à l'oeuvre, attardons-nous un peu sur le châssis qui les abrite. Car il le mérite. Huawei nous avait déjà habitués à des designs réussis avec sa gamme P mais le P8 met la barre un peu plus haut encore avec, premièrement, des coloris un peu plus clinquants : titanium grey ou mystic champagne pour la version 16 Go, carbon black et prestige gold pour la version 64 Go. Vous noterez également que le métal a gagné du terrain, que les traits ont été affinés et que des courbes sont apparues afin de rendre la prise en main plus confortable alors que les faces restent parfaitement plates.
A l'avant, nous retrouvons comme toujours un haut-parleur, des capteurs et une LED de notification en haut. La configuration a légèrement changé. Les seconds entourent désormais le premier alors que la dernière occupe le coin droit. En-dessous, l'écran prend évidemment beaucoup de place mais pas autant qu'il n'y paraît. Huawei a cette fois décidé de masquer les bordures avec un cadre noir plutôt que de relier la bande blanche du haut à celle du bas, laissé totalement vierge. Éteint, l'écran semble alors couvrir toute la largeur.
A l'arrière, le P8 est presque intégralement couvert de métal. Il n'y a qu'aux extrémités que l'on n'en trouve pas. En haut, car Huawei a opté pour un large empiècement assorti à la face avant pour encadrer l'appareil photo et son flash, placé dans le coin gauche. En bas, car une antenne traverse le capot. Elle est évidemment aussi assortie à la face avant. Il n'y a pas grand chose d'autre à signaler au dos, si ce n'est la présence de marquages. Et, oui, le haut-parleur a enfin été déplacé. S'il n'est ni au dos ni à l'avant, cela veut évidemment dire qu'il est sur une tranche. Il s'agit de celle du bas.
Ce n'est toujours pas l'idéal. Vous avez toutes les chances de le découvrir en regardant une vidéo ou en jouant. Néanmoins, les sonneries ne seront plus étouffées lorsque le smartphone est posé sur une table. C'est déjà bien. Notez également que si deux grilles ont été percées de chaque côté du port microUSB, une seule laisse en fait échapper du son... Pas de son stéréo. Terminons le tour du propriétaire avec la tranche supérieure, pour la prise casque, et la tranche droite, pour tout le reste : commandes du volume, mise en marche/sortie de veille et tiroirs pour une carte nanoSIM et une carte microSD ou, pour les P8 achetés en open market, deux cartes nanoSIM.
L'ensemble a été assemblé avec précision et respire la solidité une fois en main même si nous regrettons un peu le passage à une diagonale de 5,2 pouces pour l'écran. Traverser l'écran avec le pouce n'est plus aussi facile et empêche de le tenir fermement... Gare aux chutes. Huawei propose néanmoins des outils pour faciliter l'utilisation à une main, dont un qui tasse l'interface dans un coin mais à quoi bon agrandir l'écran si c'est pour ne pas en profiter au final ?
La définition QHD, pour quoi faire ?
D'autant qu'il y a de quoi profiter. C'est sûr, l'écran du P8 n'offre pas l'affichage le plus fin que nous ayons vu. Sur une diagonale de 5,2 pouces, la définition HD 1080p permet d'atteindre une résolution d'environ 420 pixels par pouce. Les meilleurs smartphones frôlent les 600 pixels par pouce mais c'est déjà suffisant pour profiter de tous types de contenus, pages web incluses, et, surtout, il s'en sort très bien dans les autres domaines.
La technologie IPS Neo employée ici parvient à rendre des couleurs profondes et des contrastes élevés sans tomber dans la saturation excessive, travers du Super AMOLED de Samsung. Les angles de vision sont évidemment bien ouverts puisque nous sommes toujours sur de l'IPS. La luminosité est de plus assez bonne pour permettre une bonne lisibilité en plein soleil.
Android Lollipop et EmotionUI 3.1
L'OS est évidemment Android Lollipop, ici en version 5.0 mais n'espérez pas y retrouver les dernières nouveautés graphiques de Google. EmotionUI les écrase toutes : le Material Design, les notifications sur fond blanc, le gestionnaire de multitâche avec présentation en cartes... Rien n'a bougé depuis notre dernière rencontre avec EmotionUI, ce qui n'est pas un mal. Si certains regretteront l'absence de menu pour les applications, à ranger sur le bureau avec les widgets, les lignes épurées et l'ambiance feutrée des menus sont très agréables. Sans oublier quelques fonctionnalités pratiques comme le menu flottant où l?écran de veille et ses raccourcis cachés, en plus de nouvelles apportées par la version 3.1 de la surcouche de Huawei.
La première est une nouvelle interaction avec l'écran. Huawei l'a baptisé Knuckle Touch. Pliez un doigt et frappez deux fois l'écran avec l'articulation pour une capture d'écran. Il est également possible d'entourer un élément à l'écran pour effectuer une capture sélective. Et cela fonctionne très bien. Nous sommes même étonnés par la précision de la reconnaissance des articulations des doigts. Dommage que le Knuckle Touch ne serve qu'à ça. L'idée aurait sans doute pu être mieux exploitée. Nous pouvons en dire de même pour la Sensibilisation au discours, une fonctionnalité censée permettre à l'utilisateur de retrouver son téléphone égaré en déclenchant une sonnerie et le flash à distance grâce à des phrases pré-enregistrées. Hic, seul l'anglais est reconnu et le déclenchement se fait en deux étapes. Il faut d'abord le réveiller puis, ensuite, demander « where are you ? ». Or, avec le téléphone hors de vue, difficile de voir s'il s'est bien réveillé et on se retrouve souvent à parler dans le vide.
Nous avons également trouvé la possibilité d'activer des zones tactiles supplémentaires autour de l'écran dans les Paramètres mais nous n'avons pas réussi à les faire fonctionner. Dommage, elle devait permettre de débarrasser l'affichage de la barre de navigation en utilisant la bande blanche sous l'écran et d'utiliser les coins supérieurs en raccourcis. Notons également la présence de nouvelles options visant à améliorer la connexion Wi-Fi (Wi-Fi+) et l'accroche réseau (SIGNAL+).
Du côté des applications, rien de réellement nouveau. Huawei complète comme toujours la suite de Google avec ses propres créations, parmi lesquelles un outil de maintenance plutôt complet (gestionnaire de mémoire et batterie, antivirus?), un bloc-note, une loupe, un miroir ou l'incontournable Thèmes pour modifier l'interface à sa guise. La suite bureautique WPS Office, ancien Kingsoft Office, est également pré-installée. Pour le reste, il faudra vous rendre sur le Play Store.
Le Kirin 930 assure même si ce n'est pas un monstre de puissance
Il est désormais temps de passer à la partie la plus délicate de ce test : les performances. Le P8 était attendu au tournant et nous devons bien avouer que la présentation du Kirin 930 ne nous avait pas franchement rassuré. Huawei a préféré se contenter de coeurs Cortex-A53 pour composer son nouveau chipset haut de gamme plutôt que de les mélanger à des coeurs plus performants. Il y en a huit mais il a tout de même pris la peine d'en customiser la moitié pour améliorer leur rendement. Ils sont cadencés à 2 GHz, contre 1,5 GHz pour les autres. Un Mali-T628 prend en charge la partie graphique alors que l'ensemble est livré avec 3 Go de RAM tout de même. De quoi assurer la fluidité du système, et même un peu plus puisque le smartphone ne s'en est pas si mal sorti dans nos tests habituels, à commencer par les benchmarks.
AnTuTu attribue environ 50 000 points, plaçant le P8 un poil derrière les plateformes sous Snapdragon 810. Ce n'est donc pas si mal même si les derniers Galaxy de Samsung sont plus loin devant. Les résultats obtenus sur Basemark OS II sont similaires. En revanche, sur 3Dmark, le Mali-T628 d'ARM ne fait clairement pas le poids. Moins de 10 000 points, c'est à peine la moitié du score obtenu par tous les autres flagship de ce début d'année. Néanmoins, derrière ces scores se cachent finalement un smartphone relativement capable, autant en jeu qu'en lecture multimédia.
Pour le premier cas, nous avons comme toujours lancé Dead Trigger 2. Mauvaise surprise, les graphismes sont d'office réglés au plus bas mais l'option la plus haute est bien présente et le P8 l'accepte finalement sans trop rechigner. Dans le second cas, nous avons eu quelques bonnes surprises avec certains codecs vidéo souvent non pris en charge par les lecteurs natifs, le tout servi sur un très bel écran. Le bilan est bien moins glorieux en audio, que ce soit du côté des formats lus ou du son produit par le haut-parleur qui, s'il est puissant et d'assez bonne qualité, restera souvent bloqué derrière une partie de votre main? Le diriger vers la gauche limitera les risques puisque cela placera la seule grille utile en haut, au niveau du doigt plutôt que celui de la paume.
Des belles photos à la portée de tous
Terminons avec la photo, domaine dans lequel Huawei est souvent parvenu à tirer son épingle du jeu. C'est encore le cas ici même si l'appareil photo du P8 ne paie pas forcément de mine sur le papier puisqu'il conserve la même résolution que celui de l?Ascend P7, à savoir 13 mégapixels. Néanmoins, des améliorations autrement plus importantes ont été apportées, dont l'ajout d'un système de stabilisation optique avec correction jusqu?à 1,2° et l'ajout d'un filtre supplémentaire W pour compléter le schéma habituel RGB. Le processeur d'images a évidemment été remplacé pour en tirer profit et rendre, théoriquement, des clichés plus lumineux et moins bruités dans toutes les situations.
Promesse tenue. Nous avons été agréablement surpris par la qualité des clichés réalisés avec le P8 et principalement par la restitution des couleurs. Elles sont généralement fidèles à la réalité et particulièrement lumineuses, ce qui est d'autant plus appréciable en faible luminosité. Inutile de sortir le flash. L'exposition est également bien contrôlée dans la plupart des cas. Les textures sont par ailleurs détaillées avec un bruit peu prononcé, même dans les zones sombres. Preuve, s'il en fallait encore, que la résolution ne fait pas la qualité du cliché.
Le P8 est sans nul doute capable de rivaliser avec les autres flagships en photo, même s'il ne les dépasse pas forcément comme le prétendait Huawei lors de sa présentation. Il est de plus livré avec une application plutôt sympathique. Le viseur n'est pas trop chargé et inclut un outil de mise au point rapide et efficace capable de se dédoubler pour la mesure de la lumière (appui long).
Huawei propose de plus quelques modes de prise de vue sympathiques (en plus des désormais classiques HDR, mise au point à la carte, etc) pour permettre même aux plus néophytes d?épater les copains. Rendez-vous pour cela dans l'onglet « Peinture légère en bas ». Quatre modes y sont regroupés. Tous utilisent des temps d'exposition longs pour des effets différents : Traces de feu arrière produit des traînées au passage de voitures en circulation, Grafitti léger permet de dessiner avec de la lumière, Eau soyeuse adoucit les chutes d'eau et Titre phare permet de capturer le mouvement des étoiles.
Nous n'avons malheureusement pas eu l'occasion (les chutes d'eau, ça ne court tout de même pas les rues à Paris) de tester ces quatre modes mais les deux premiers, qui sont certainement ceux que vous utiliserez le plus, ont donné des résultats sympathiques sans pour autant demander trop de doigté. Mieux vaut tout de même ne pas avoir trop la tremblote, au risque de ne plus reconnaître le paysage derrière les traînées de lumière derrière les voitures. Le problème est le même avec le mode Nuit noire, lequel enregistre 20 secondes de vidéo en modifiant l'exposition pour en faire un cliché? généralement flou mais l'idée était bonne.
Les bidouilleurs risquent en revanche d?être un peu plus déçus. Accéder aux contrôles manuels (ISO, exposition, saturation, etc) demande de nombreuses manipulations. Il faut ouvrir le menu, puis les Paramètres, faire défiler un menu interminable et enfin taper sur la commande voulue pour afficher le curseur ou les différents choix. Heureusement, le menu est transparent. Pas besoin de sortir du menu pour observer les résultats, le viseur est toujours visible mais c'est tout de même dommage.
Un flagship qui le vaut bien
Huawei semble finalement avoir réussi son pari avec le P8. Les finitions sont toujours aussi impeccables et la bonne impression se confirme cette fois à l'utilisation grâce à un écran de qualité mais surtout à un chipset qui, s'il ne vaut pas forcément les monstres de puissance que l'on trouve dans d'autres flagships, ne vient pas freiner l'exploration d'Android. Ce dernier est de plus servi avec une surcouche agréable et bourrée de bonnes idées. Sans oublier l'appareil photo que l'on peut, sans hésitation, ajouter à la liste des atouts du P8.
Cela ne veut évidemment pas dire qu'il est exempt de tous défauts. L'autonomie laisse un peu à désirer mais c'est peut-être un mince sacrifice compte tenu du prix. C'est certain, le P8 est plus cher que l?Ascend P7 à son lancement mais, puisque Huawei ne fait que suivre une tendance générale, il reste bien moins onéreux qu'un Galaxy S6, qu'un One M9 ou même qu'un G4 et cette différence doit bien se payer d'une manière ou d'une autre. Le Honor 6 et le MX4 de Meizu sont d'autres alternatives possibles, à moindre prix cette fois, mais d'autres sacrifices seront à faire : design, appareil photo...