De quoi ont besoin les professionnels pour travailler avec leur smartphone ? D'une bonne connexion Internet. D'un navigateur Web. D'applications pour consulter des fichiers PowerPoint, Word et Excel. D'envoyer des mails et des messages à un réseau professionnel. D'une continuité de service entre le PC et le mobile. D'une bonne batterie pour tenir toute la journée. Et d'une plate-forme relativement puissante, car les applications métier sont gourmandes. Le Lumia 650, que Microsoft positionne comme une solution économique et pertinente pour les entreprises, répond-il à toutes ces exigences ? Autant le dire tout de suite : non.
Une alternative crédible à un BlackBerry ?
Car il ne suffit pas de préinstaller Office et Skype pour prétendre être calibré pour le monde des pros. Continuum (l'application étant certainement l'une des meilleures armes de Microsoft face à la concurrence de BlackBerry et Apple), dont l'absence a créé une polémique, n'est pas le problème. En effet, quel professionnel l'utilise vraiment aujourd?hui avec le Lumia 950 ? En revanche, c'est un symptôme : il confirme que la plate-forme n'est pas calibrée pour cet usage, et donc, par extension, pour tous les usages exigeants. Et cela se ressent à l'usage, comme nous le verrons dans ce test. Voici en préambule la fiche technique de ce téléphone :
- dimensions : 142 x 70,9 x 6,9 mm
- poids : 122 grammes
- ratio écran / taille : 67,1 %
- écran AMOLED ClearBlack 720p de 5 pouces (résolution de 297 pixels par pouce)
- protection de l?écran Corning Gorilla Glass 3
- chipset Qualcomm Snapdragon 212 quad-core avec quatre coeurs Cortex-A7 cadencés à 1,3 GHz
- GPU Adreno 304
- 1 Go de mémoire vive
- 16 Go de stockage interne (extensible par microSDXC)
- batterie de 2000 mAh (amovible)
- compatible LTE catégorie 4, WiFi n, Bluetooth 4.1, GPS (Glonass), NFC, DLNA, Radio FM
- capteur photo 8 mégapixels, flash simple LED, objectif ouvrant à f/2.2. Compatible 720p en vidéo
- webcam 5 mégapixels, objectif ouvrant à f/2.2
- Windows 10 Mobile
Si vous connaissez bien la gamme Lumia, vous remarquerez que cette fiche technique est la réunion de deux mobiles précédemment sortis chez Microsoft : le Lumia 640 et le Lumia 550. Du premier, le 650 reprend le positionnement. Il est clair qu'il en est le successeur, puisqu'ils partagent le même type de chipset, le même capteur photo, la même taille d?écran, lequel est doté de la même définition. Du second, il reprend les améliorations offertes par la gamme Lumia x50 : un chipset plus actuel (Snapdragon 2XX), un écran Amoled, une petite batterie et Windows 10 Mobile, naturellement.
Le croisement entre Lumia 640, un Lumia 550 et un Lumia 950
Autre différence entre le 640 et le 650, le nouveau Lumia est visuellement moins marqué « Lumia low-cost » que son prédécesseur. Il adopte même un positionnement très tendance cette dernière année (merci Samsung) : un châssis plus premium que la plate-forme qu'il contient. Comme les premiers Galaxy A, comme certains Wiko Highway, comme le OnePlus X, l'effort a visiblement été davantage fait sur le contenant que le contenu. Comprenez que le châssis téléphone est visuellement beau. Et qu'il ressemble beaucoup à celui du Lumia 950.
Ce design, radicalement différent des séries précédentes de Lumia, se distingue par des tranches droites, des angles ronds et une belle vitre en Gorilla Glass 3. Le Lumia 650, comme le 950, a été dessiné avec un souci d?équilibre extérieur. Pratiquement tous les éléments sont alignés par rapport à des lignes médianes verticales : haut-parleur, écouteur, objectif photo, port micro USB, logos de la marque, encoche pour la coque extractible. Il y a bien des exceptions (capteurs frontaux, webcam, port jack 3,5 mm, flash LED), mais ils ne font que renforcer cette impression.
Vous remarquerez que Microsoft a eu l'excellente idée de conserver, même sur l'entrée/milieu de gamme, un haut-parleur en façade presque caché dans l?épaisseur des bordures entre le verre Gorilla Glass et le contour en aluminium. Ce dernier est d'ailleurs l?élément le plus distinctif et visuellement le plus premium du téléphone. Coupée en deux parties seulement (et non en quatre comme cela est fait habituellement avec les châssis métalliques, la bordure est grise avec un effet ciselé sur ses côtés, offrant deux liserés argentés qui marque le périmètre de l?écran. C'est classe.
Comme cela a été indiqué dans la fiche technique et rappelé précédemment, la coque est extractible et la batterie amovible. L'encoche est située derrière le port microUSB. Le système s'apparente davantage au Swap Cover du OnePlus 2, et non à l'esthétique du Lumia 950, par exemple. Puisque les ports SIM et microSD sont accessibles en retirant la protection dorsale, les tranches du téléphone sont assez dépouillées, les boutons mécaniques ayant été regroupés à droite. Remarquez l'absence du déclencheur photo physique...
Très agréable à manipuler
Très léger, le Lumia 650 est un mobile très agréable à prendre en main. Le plastique de la coque, qui ne retient pas les empreintes des doigts, contraste totalement avec les contours métalliques. Sa taille, plutôt contenue (malgré des bordures assez larges autour de l?écran), offre une bonne préhension. Bénéficiant d'une bonne construction, ce téléphone nous rappelle beaucoup la première génération de Galaxy A, dont les propriétés physiques sont très similaires.
Côté écran, nous remarquons l'effort réalisé ici par Microsoft pour proposer un téléphone avec un écran qualitatif, malgré le positionnement entrée/milieu de gamme de ce téléphone. La dalle Amoled ClearBlack offre des contrastes profonds, des angles de vision très larges et de belles couleurs. Rien d?étonnant : ce sont les trois grandes forces de la technologie de Samsung. La résolution est un tout petit peu faible (sous la barre des 300 ppp), les pixels se voyant à l'oeil nu. La dalle Gorilla Glass offre une glisse très agréable et transmet aussi bien que possible les sollicitations. Car, la fluidité n'est pas au rendez-vous, mais nous doutons que cela vienne de l?écran...
Windows 10 Mobile, ni plus ni moins
Une fois le mobile allumé, nous retrouvons Windows 10 Mobile dans son plus simple appareil. Rien de bien nouveau à dénicher par rapport à notre prise en main du système d'exploitation de Windows 10 l'automne dernier. Système de tuiles interactives repositionnables avec fonds d?écran. Menu applications avec tri par ordre alphabétique et remontée automatique des nouveautés en haut de l?écran. Action Center pour les notifications et les paramétrages rapides. Multitâche avec un appui long sur la touche retour. Cortana, dans sa nouvelle version plus proche de Google Now, est directement accessible via la touche de recherche ou sa tuile sur la page d'accueil (laquelle affiche les informations récentes, comme la tuile... Actualité).
Interface Windows 10 Mobile
Les applications préinstallées dans le mobile proviennent pour la plupart de Microsoft, avec Cortana, comme nous venons de le signaler, Skype, Outlook, OneDrive et Microsoft Office (OneNote, PowerPoint, Word, Excel), Microsoft Cartes (ex Bing Maps), Xbox, Microsoft Camera, Windows Store, Edge (ex Internet Explorer), Lumia Offers (un peu de marketing ne fait pas de mal), Microsoft Meteo (assez jolie application), Groove Music (écoute en local et abonnement streaming en illimité), etc. Les applications tierces sont Pages Jaunes, Shazam, Facebook, Expedia, GroupMe, Audible (livre audio), Amazon et 20 Minutes.
Météo, 20 Minutes et Cortana
Des performances limitées
L'ensemble du système tourne relativement bien, excepté les quelques millisecondes de chargement quand l'utilisateur passe de l'accueil Tuile au menu des applications. Sans oublier les temps d'attente, jamais vraiment longs, mais toujours omniprésents, lors de l'ouverture d'une application, d'une fenêtre ou d'un menu. Le plus parlant est le multitâche, dont la fluidité est bien vite mise à mal quand une demi-douzaine d'applications sont ouvertes. Car il en faut sous le pied pour délivrer une interface Windows 10 Mobile en 720p à 30 images par seconde, avec tous les modules, les applications, les tuiles interactives en arrière-plan à gérer. Déjà, le Snapdragon 808 du Lumia 950 n?était pas exempt de ralentissement. Alors, pensez bien que le petit quad-core 32-bit du Lumia 650 est loin de la perfection. D'autant qu'il n'est aidé que de 1 Go de RAM.
Cela se vérifie d'ailleurs avec les benchmarks. Ne vous fiez pas au score du Lumia 650 sur AnTuTu v6 (30478 points), notamment si vous souhaitez le comparer à certains smartphones milieu de gamme sous Android. Car vous découvrirez qu'il s'offre un score équivalent à un mobile avec Snapdragon 410, voire 615. La dernière mise à jour de Windows 10 Mobile améliore même les scores du 650 de 2000 points environ. Le résultat obtenu sur Basemark OS est déjà plus cohérent : 479 points. Ce score est légèrement supérieur à celui du Rainbow Jam 4G, sous Snapdragon 210. Ce téléphone ne dépasse pas les 20 000 points sur AnTuTu v6.
AnTuTu v6, GFXBench et Basemark OS II
En regardant de plus près les scores dans chaque catégorie entre le Rainbow Jam 4G et le Lumia 650, nous observons une gestion de la RAM très similaire, des performances sur le CPU légèrement plus hautes, mais surtout une gestion de la 3D et une fluidité dans l'interface deux fois supérieures. Passer d'un Snapdragon 210 à un Snapdragon 212 ne change rien au niveau du GPU (Adreno 304 de chaque côté). La raison de cette différence se trouverait dans l?OS, et plus précisément dans le moteur 3D utilisé : Open GL chez Android, Direct3D chez Windows 10 Mobile.
Au final, la fluidité semble être améliorée sur le Lumia 650, ce qui est un bon point. Mais cette amélioration de façade n'est pas suffisante pour faire de ce téléphone un concurrent du Honor 5X, par exemple. D'autant que l'exiguïté de la plate-forme a un effet assez pervers : il faut plus de temps au Snapdragon 212 pour effectuer une tâche, donc cela monopolise plus de ressources et donc plus d?énergie. La batterie étant bien plus faible dans le 650 que dans le 640, l'autonomie s'en ressent. Elle dépasse très difficilement la journée, notamment si vous sollicitez beaucoup le mobile. Heureusement, l?écran Amoled et l'interface majoritairement noire contrebalancent partiellement cela.
Moins bon pour jouer que pour regarder une série TV
Le Lumia 650, malgré cette plate-forme limitée, ne démérite pas en multimédia. Avec Dead Trigger 2, notre jeu étalon multiplateforme, le Lumia 650 s'en sort plutôt bien. Le jeu n'est pas fluide. Le jeu ralentit régulièrement. Mais il reste globalement jouable. Et la dalle de verre renforcé Gorilla 3 offre une prise en main plus qualitative qu'attendue. L'impression est donc bonne, même s'il est évident que ce téléphone ne sera jamais une bonne console de jeu portable.
En vidéo, l'impression est meilleure. D'abord parce que la fluidité est moins cruciale. Ensuite parce que l'application de Windows 10 Mobile, « Films et TV », est, comme nous l'avons remarqué avec le Lumia 950, un portail vidéo assez complet. Il propose la lecture de programmes audiovisuels en local, mais aussi l'achat et la location de films et de séries. Les sous-titres sont pris en charge, ce qui est un bon début. Le chapitrage ainsi que quelques formats audio ne le sont pas. Lors de nos tests, nous avons apprécié le haut-parleur en façade, bien positionné. Un atout même face au Lumia 950. Nous aurions évidemment préféré une configuration stéréo... Attention au format des vidéos : nous vous déconseillons de dépasser le 720p...
Un très bon appareil photo d'appoint
En photographie, nous avons été très étonnés. Car le capteur 8 mégapixels du Lumia 650 fait de très bonnes photos compte tenu de sa définition. Ci-dessous, vous trouverez donc deux photographies faites à quelques heures d'intervalle l'une de l'autre : le matin à gauche et l'après-midi à droite. Vous remarquerez que la luminosité du capteur est excellente, avec un très bon rendu des couleurs. Le ciel est bien bleu dans les deux cas, avec un beau dégradé le matin. Vous remarquerez aussi les contours des nuages. Et en même temps, les rues en contrebas ne sont pas totalement plongées dans le noir. En matinée, contrebalancer l?éclat du soleil est difficile. Et pourtant, le capteur y parvient presque.
Photo prise avec le Microsoft Lumia 650 en matinée
Photo prise avec le Microsoft Lumia 650 en début d'après-midi
Tout n'est pas parfait dans ces deux photographies. Le point le plus fâcheux est le bruit. Alors que les conditions sont bonnes, le cliché offre un grain un peu grossier : un léger zoom et les détails commencent à baver. Nous sommes cependant ravis de ce résultat. D'autant que l'ensemble est toujours soutenu par l'application Microsoft Camera. Nous avons à plusieurs reprises loué les atouts de cette proposition, héritage de la lignée des photophones de Nokia. Les paramétrages fins, les filtres téléchargeables, etc. L'expérience photographique est encourageante et nous rappelle l'aisance de Nokia en la matière.
Application photo
Un Lumia low-cost qui voulait être un Samsung Galaxy A
À 229 euros, le Lumia 650 est un produit chargé de paradoxes. D'un côté, l'expérience offerte par Windows 10 Mobile est toujours aussi originale (notamment vis-à-vis d'une certaine homogénéité offerte par les deux OS concurrents). La prise en main du téléphone est bonne et l'effort fait pour intégrer des composants premium dans un mobile entrée/milieu de gamme est louable. En outre, l'expérience photographique digne d'un bon milieu de gamme (voire premium).
Mais de l'autre, la promesse de Microsoft (un smartphone économique, mais fonctionnel, pour les professionnels) est survendue. D'abord, économiquement, il est concurrencé par des propositions bien plus puissantes (chez Archos, Alcatel OneTouch, Oppo, Meizu ou ZTE, par exemple) pour un prix équivalent ou plus faible. Ensuite techniquement, le Snapdragon 212 atteint rapidement ses limites dès qu'une demi-douzaine d'applications ont été lancées. Nous savons qu'un professionnel a besoin de sa messagerie (Skype), de ses emails (Outlook), de son stockage en ligne (OneDrive), de quelques informations (Edge ou Actualités), de son réseau social (LinkedIn ou Facebook) et d'un visualiseur pour regarder les slides d'un PowerPoint qu'il doit présenter à son grand patron dans quelques heures. Le Lumia 650 risque alors d'être un peu juste dans une telle configuration.
Il devrait toutefois trouver un certain succès du côté du grand public en remplaçant dignement le Lumia 640, best-seller de Microsoft l'année dernière.