Le sort de Sharp était d’ores et déjà scellé. Compte tenu des difficultés de l’entreprise et de la dette qui l’accablait, un partenariat ou un rachat était une évidence. En janvier dernier, un article du Wall Street Journal indiquait que deux acquéreurs potentiels s’étaient fait connaître : Foxconn, le sous-traitant taïwanais bien connu pour son travail sur l’iPhone, et le fonds d’investissement public japonais Innovation Network Corp. Ce dernier contrôle d’ores et déjà Japan Display (fusion des divisions dédiées aux écrans de Toshiba, Hitachi et Sony). L’idée du fonds était alors de créer un ensemble japonais capable de rivaliser avec les concurrents coréens et taïwanais. Sans surprise, Samsung, actionnaire de Sharp depuis 2013, ne semble pas avoir participé.
Depuis 2012, le patron de Foxconn souhaite s'allier à Sharp
La loi du dollar
Or, même la préférence nationale japonaise a ses limites. Et cette limite est financière : l’article de Wall Street Journal affirmait que Foxconn avait mis sur la table 5,2 milliards de dollars, contre 2,5 milliards chez Inoovation Network Corp. Ces quelques dernières semaines, les enchères ont augmenté. Selon l’agence de presse financière japonaise Nikkei, Foxconn a augmenté sa mise de 1 milliard de dollars, tandis que Japan Display frôlait les 4,5 milliards, dont plus d’un tiers en ligne de crédit (un prêt en quelque sorte). Le conseil d’administration aurait voté hier en faveur du Taïwanais. Une acquisition qui sera certainement détaillée dans les semaines à venir.
Ce rachat concernerait évidemment toutes les activités de l’entreprise. D’abord, la division grand public, avec les télévisions, les vidéoprojecteurs, les imprimantes, les fours micro-onde ou encore les smartphones (les fameux Aquos). Ensuite, la division professionnelle, avec les systèmes de paiement, les fax, les systèmes d’air conditionné, les projecteurs, les moniteurs, les systèmes d’impression multifonctions, etc. Enfin, la division composant, celle qui intéresse certainement le plus Foxconn, avec les usines d’écrans, de capteurs photo (CCD et CMOS) et de mémoires flash. Il va sans dire que le fait qu’Apple soit client de cette dernière division est l’un des atouts majeurs de cette fusion avec Foxconn.
Foxconn intéressé par toutes les divisions de Sharp ?
Reste évidemment à savoir ce que Foxconn conservera parmi toutes ces lignes de produits et parmi toutes les usines de Sharp. La division composant sera clairement maintenue. Depuis quatre ans, Foxconn s’intéresse ardemment à cette activité : en mars 2012, le Taïwanais tentait d’investir dans le groupe (à hauteur de 10 % du capital), notamment dans les usines d’écrans LCD, mais la dévalorisation de Sharp a rendu l’accord caduc.
En revanche, même si rien ne semble l’indiquer, compte tenu de l’activité de sous-traitant de Foxconn, la division grand public pourrait disparaître, ou être partiellement cédée sous forme de licence à une société qui se chargerait de distribuer les produits. Nous sommes également curieux de savoir comment Foxconn jonglera entre Sharp Display et Innolux dont il est également actionnaire.
Quel avenir pour Sharp ?
Ces dernières années, Sharp n’a pas eu le vent en poupe. Alors qu’il était le fournisseur de dalles préféré d’Apple pour l’iPhone 5S et l’iPhone 6, il a non seulement été battu en 2015 par son compatriote Japan Display, mais également LG Display, passé numéro 2 mondial grâce à la négociation d’un nouvel accord avec la firme de Cupertino. De plus, sa marque propre, présente uniquement au Japon, patine face à l’iPhone (une situation qui touche tout le secteur Android japonais). Sans parler des difficultés sur les autres secteurs d’activité où Sharp est présent (la télévision par exemple).
Un accord avec un partenaire financier ou industriel était obligatoire pour restructurer Sharp et mettre au point une nouvelle stratégie. Reste à savoir à quel point cette nouvelle direction se focalisera sur la fourniture de technologies et se désengagera de la distribution de produits grand public.