Sur le plan judiciaire, Qualcomm ne vit pas une période très facile. Alors que la firme a écopé d’une amende d’un milliard de dollars en Chine pour vente liée. En Corée du Sud, la commission locale en charge de la concurrence a porté plainte pour tarifs abusifs sur ses licences d’exploitation brevets 3G et 4G. L’Europe a émis des rapports suite à une enquête contre le fondeur à propos de pratiques anticoncurrentielles, mais la Commission n’a pas encore pris la décision de porter l’affaire devant la justice. Enfin, la Federal Trade Commission, le gendarme américain chargé du commerce, a, elle, passé cette étape et porté cette semaine son dossier devant la justice. Elle considère que Qualcomm a effectivement des pratiques douteuses quant à la commercialisation des licences d’exploitation de ses brevets.
Apple porte plainte aussi
Et ce n’est pas fini, car non seulement d’autres pays pourraient suivre l’exemple de la Chine, de la Corée ou des États-Unis (notamment l’Inde), mais certains constructeurs de smartphones qui utilisent les brevets de Qualcomm pourraient se sentir floués (à tort ou à raison, la Justice statuera sur cela). L’une d’entre elles a franchi cette étape : Apple. La firme de Cupertino a porté plainte contre Qualcomm pour pratiques commerciales abusives. Dans un communiqué de presse relayé par la chaîne américaine CNBC, elle dénonce des prix des licences d’exploitation déséquilibrés. En outre, Qualcomm aurait pris des mesures financières « extrêmes » quand Apple a été interrogé par les organismes coréens en charge de l’enquête sur ses pratiques.
Dans sa plainte, le fabricant de l’iPhone demande 1 milliard de dollars de dommages et intérêts. Apple jette également le doute sur la paternité de Qualcomm vis-à-vis de certains standards auxquels le fondeur n’aurait pas contribué à créer. Ce dernier a évidemment réagi face à cette plainte. Le fondeur affirme que les accusations d’Apple sont sans fondement. Il réaffirme avoir contribué à créer des standards et des technologies utilisés aujourd’hui dans tous les terminaux mobiles. Ce sera certainement un dossier épineux et complexe, peut-être autant que celui entre Apple et Samsung.
De bons partenaires font-ils de bons ennemis ?
Au-delà de la plainte et de ses motifs (légitimes ou non), la décision d’Apple est très intéressante. Car la firme semble vouloir se désolidariser de son partenaire technologique. Rappelons que Qualcomm fournissait exclusivement jusqu’à l’année dernière les modems de tous les iPhone (et certainement des iPad 4G) depuis 2011 et le rachat d’Infineon par Intel. Cet accord, avec contrepartie financière, a dû être stoppé, suite aux investigations de la Commission européenne, ouvrant ainsi la porte à Intel. En outre, Apple a répondu aux questions des instances qui enquêtaient sur Qualcomm. Dès lors, les relations entre les deux firmes ont été mauvaises. Car Apple ne veut pas être sali et préfère certainement être vu comme une victime et non comme un complice.
L’issue de toute cette affaire ne fait presque aucun doute : Qualcomm sera certainement épinglé, car les affaires judiciaires se multiplient et que le fondeur a déjà écopé d’une amende en Corée et en Chine. Trois questions se posent donc aujourd’hui. D’abord, à quel point Apple profitait-il des accords avec Qualcomm ? La réponse à cette question pourrait statuer sur la pertinence de la plainte d’Apple. Ensuite, quelles seront les relations entre Qualcomm et tous les constructeurs de mobile si la justice confirme l’existence de telles pratiques ? Enfin, quel sera l’impact sur la capacité de recherche et développement de l’entreprise si Apple obtient gain de cause (et que certains brevets sont contestés) ?