Qualcomm souffle le chaud et le froid dans son conflit contre Apple. D’une part, le fondeur attaque la firme de Cupertino en déposant de nouvelles plaintes sous différentes juridictions. Aux États-Unis, comme nous l’avons vu il y a quelques jours. Et cette semaine en Allemagne. Son objet est le même que celui de la semaine dernière : Qualcomm porte plainte contre Apple pour « violation de brevet » et demande des « dommages et intérêts pour l’importation et la vente d’iPhone en Allemagne ». Les plaintes ont été déposées auprès des tribunaux fédéraux de Munich et Mannheim.
Violation de brevets ou brevets mal payés ?
Comme aux États-Unis, l’objectif à court terme de cette plainte est de « faire interdire à Apple la vente et l’importation des derniers iPhone en Allemagne » qui utilisent, selon la firme, des brevets « qui vont bien au-delà des technologies modernes et des standards actuels (...) ». Deux brevets sont concernés dans la plainte allemande et non plus six. Un détail étonnant, car Qualcomm dépose ses brevets partout dans le monde pour protéger sa propriété intellectuelle. Pourquoi n’y en a-t-il donc que deux dans les mobiles vendus en Allemagne, mais six dans ceux vendus aux États-Unis, surtout si les brevets concernés ne sont pas associés aux technologies cellulaires fondamentales ?
Qualcomm double donc sa plainte de chaque côté de l’Atlantique. Et le fondeur pourrait continuer ainsi dans d’autres pays. La France n’est pas à exclure. Ira-t-on vraiment jusqu’à l’interdiction des ventes ? Pas vraiment. D’abord, parce qu’il faudra qu’un tribunal prenne une décision de justice dans ce cas. Ce qui est loin d’être gagné vis-à-vis de la réputation de Qualcomm suite aux enquêtes que la firme a subies.
Conclure hors des tribunaux
Et même si un tribunal prend fait et cause pour Qualcomm, cela prendra certainement longtemps avant d’arriver à une interdiction. Il suffit de regarder le conflit qui a opposé Samsung et Apple : nous attendons encore aux États-Unis une issue à cette guerre des brevets. Ensuite, parce que le but de Qualcomm n’est pas de faire interdire les iPhone, mais de recevoir des royalties pour chaque unité vendue. Et de forcer Apple à s’assoir autour d’une table pour (re)discuter du prix de chaque licence.
Et le patron de Qualcomm le confirme. À l’occasion de l’édition 2017 du Brainstorm Tech, une conférence technologique organisée à Aspen par le magazine Fortune et qui se tient jusqu’à ce soir, Steve Mollenkopf a répondu aux questions de nos confrères au sujet de cette bataille juridique. Pour ce dernier, il s’agit surtout d’une histoire de gros sous. Car ce n’est pas tant qu’Apple viole des brevets : c’est surtout que la firme de Cupertino ne respecte les termes du contrat qui lie les deux entreprises et qui permet à Apple d’utiliser des brevets de Qualcomm. La firme de Cupertino ne verse plus autant d’argent qu’avant à Qualcomm. Et cela place ce dernier dans une position compliquée.
Jouer la montre
Il explique en outre que ce conflit n’a rien d’exceptionnel. La plainte est similaire à celle déposée par Qualcomm contre d’autres fabricants à travers le monde. Et ce genre de conflit se règle, selon lui, hors des tribunaux. Cependant, il y a deux éléments troublants dans cette manoeuvre juridique. D’abord, elle intervient après plusieurs enquêtes (aux États unis, en Corée, en Chine et en Europe) assorties pour certaines d’entre elles d’amendes. Apple aurait participé aux enquêtes, puis a porté plainte aux États-Unis et en Chine pour abus de position de dominante et surfacturation des licences fondamentales. Ensuite, cette plainte est déposée après qu’Apple ait choisi Intel pour équiper certaines séries d’iPhone. Il n’y a pas de coïncidence.
Qualcomm surfacture-t-il l’usage de ses technologies et brevets ? Ou Apple fait-il du chantage économique pour renégocier le prix de ces mêmes licences ? Nous ne prendrons pas parti. Mais il est clair que ce conflit s’éternisera. D’abord parce qu’Apple dispose d’une avance financière confortable qui lui permet de jouer la montre. Ensuite parce que Qualcomm ne lâchera certainement pas dans ce dossier, car une issue défavorable ferait boule de neige et mettrait en péril une partie de son activité.