Depuis la renaissance de Motorola, la gamme du fabricant est clairement dessinée. D'abord le Moto E et sa 4G à tout petit prix. Ensuite le Moto G (dont la troisième itération a été testée ici), candidat au meilleur rapport qualité-prix à 200 euros. Puis le Moto X, le porte-étendard avec sa boutique de personnalisation. Et enfin le Nexus 6, démesurément haut de gamme, démesurément grand, démesurément cher pour un Nexus (même si son prix baisse petit à petit).
D'un côté du fossé, une offre cohérente tournée exclusivement sur l'entrée de gamme. Et de l'autre, du premium exclusivement. Et au milieu, dans le Gouffre de Helm (hommage aux adorateurs du Seigneur des Anneaux) où la bataille fait rage entre les smartphones premium chinois et les châssis métalliques des marques plus traditionnelles, Motorola n'a jamais osé y mettre ne serait-ce qu'un pied.
Au combat soldat Motorola !
Cette année, certainement poussé par sa nouvelle maison mère (Lenovo), Motorola se devait de combler ce trou. Alors que nous pensions que le fabricant monterait le Moto G en gamme pour se réapproprier son image originelle (meilleur rapport qualité-prix) qu'il a malheureusement perdu, ou qu'il sortirait de son chapeau une nouvelle lettre de l'alphabet, il a préféré une autre voie : dédoubler le Moto X en deux versions : une phablette haut de gamme qui vient remplacer aussi bien le Moto X 2e gen et le Nexus 6 (tout en se positionnant face au nouveau Nexus 6P), et une autre phablette milieu de gamme, ce Moto X Play. Concept perturbant puisque, jusqu'ici, un Moto X était considéré comme le porte-étendard de la gamme. Ce ne sera donc plus forcément le cas. Voici en détail la fiche technique de ce premier Moto X « non-premium » :
- Android 5.1.1 Lollipop avec Google Now Launcher
- Écran IPS 1080p de 5,4 pouces (résolution de 403 pixels par pouce) protégé par un verre Gorilla Glass 3 de Corning
- Processeur Snapdragon 615 de Qualcomm (quatre coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,7 GHz, quatre coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,2 GHz, GPU Adreno 405)
- 2 Go de RAM
- 16 ou 32 Go de mémoire interne (extensible avec microSD)
- Connectivités LTE catégorie 4, Wi-Fi n dual-band, Bluetooth 4.0, GPS Glonass, radio FM, NFC
- Capteur photo 21 mégapixels, objectif ouvrant à f/2.0, autofocus à détection de phase, compatible 1080p en vidéo
- Webcam 5 mégapixels
- Dual SIM (second port compatible microSD)
- Batterie 3630 mAh non amovible
- Certification IP52 (poussière et éclaboussure)
- Dimensions : 148 x 75 x 10,9 mm
- Rapport écran-taille : 74,4 %
- Poids : 169 grammes
- Compatible Moto Maker
Comme vous pouvez le constater, Motorola s'est contenté ici de créer le juste milieu entre le Moto X Style et le Moto G, sans aucun vrai grain de folie. Nous constatons deux points positifs : la batterie d'une bonne capacité (qui offre une autonomie très convenable) et le capteur photo 21 mégapixels, une définition rarement proposée sur le milieu de gamme. La certification IP52 est ici un beau gadget marketing, car la protection IPx2 contre l'eau est l'une des plus faibles : le Moto X Play n'est pas certifié contre une petite douche sous la pluie automnale.
Déclinaison de design
Commençons ce test par l?habituel tour du propriétaire. Le Moto X Play s'est visuellement un membre indiscutable de la fratrie Motorola de 2015. La courbure de sa coque arrière. La dalle tactile entourée en haut et en bas par un écouteur téléphonique et un haut-parleur (non, il ne s'agit pas d'un double haut-parleur comme chez HTC). Le bloc photo qui joue de rondeur sur les extrémités et de concavité avec le logo Motorola à l'arrière. Vous remarquerez que Motorola fait partie de ces marques qui n'ont pas besoin d?énoncer en toutes lettres son nom sur la coque de ses produits : le « M » stylisé se suffit à lui-même.
À l'arrière vous retrouvez une coque extractible. Celle que nous avons reçue avec notre exemplaire de test est en silicone et propose un motif en vagues verticales successives. Notez que le Moto X Play sera prochainement pris en charge par Moto Maker (avec une option pour porter la capacité de stockage à 32 Go). Il sera alors possible de changer la coque, et donc le style du mobile. Cependant, la coque amovible n'a aucun autre objectif que le design : les ports SIM et microSD n'y sont pas accessibles (contrairement au Moto G 3e gen) et la batterie n'est toujours pas amovible. Vous pouvez retrouver, à l'intérieur, les mentions légales CE et FCC.
Sur les tranches, quelques éléments à noter. D'abord à droite, où ont été placés tous les boutons physiques. Celui qui allume l'appareil est nervuré, ce qui permet de ne pas le confondre avec le volume quand il est dans une poche ou un sac. À gauche, la tranche est vierge. Sur la tranche inférieure se trouve le port microUSB (le trou du microphone est caché dans la coque) et sur la tranche supérieure ont été positionnés le tiroir double SIM / microSD et le jack 3,5 mm. La partie argentée que vous pouvez observer sur les photos ci-dessous est en polycarbonate.
Une prise en main agréable « à la Moto »
En main, le Moto X Play, comme tous les Moto, est très agréable, malgré un poids et des dimensions qui ne facilitent pas la manipulation. Les boutons ont été judicieusement rassemblés à droite pour assurer la préhension, même quand il faut appuyer sur une touche avec le pouce. La partie en gomme de la coque améliore la tenue du smartphone. Le verre de protection Gorilla Glass 3 est toujours très agréable sous les doigts.
L?écran IPS Full HD n'est pas en reste. Malgré sa grande taille, la définition Full HD est largement suffisante, avec une résolution légèrement supérieure aux 400 pixels par pouce. La granularité est donc très fine. Les couleurs sont belles et la luminosité excellente. Vous n'aurez certainement jamais besoin de pousser le rétroéclairage à son maximum. Les angles de vision sont bien ouverts, même si la visibilité baisse plus fortement sur les côtés en mode paysage qu'en mode portrait. Le contraste aurait certainement pu être meilleur.
Un Android « pur », mais pas tant que cela
Une fois le mobile allumé, vous retrouvez Android Lollipop dans sa dernière version (5.1.1) et toujours affublée du Google Now Launcher (appelé aussi Nexus Launcher), le lanceur d'application des Nexus, et de quelques ajouts réalisés par Motorola. Cela se traduit, comme c'est le cas depuis le premier Moto X de 2013, par une expérience Android très pure, naturellement, mais enrichie par des retouches qui font sens. Nous pensons par exemple à l'activation du mobile à la voix, qui est loin d?être systématique aujourd?hui dans l?écosystème Android. Cependant, au niveau ergonomique, ces changements ne se ressentent pas : l?écran d'accueil du mobile est toujours accompagné par défaut d'un panneau dédié à Google Now situé tout à gauche (comme Blinkfeed de HTC, par exemple).
Les ajouts de Motorola sont cohérents et ne dénaturent pas l'expérience Android. Dommage, ils ne comblent pas non plus les rares défauts du système d'exploitation, comme l'absence d'un vrai lecteur vidéo en local. Nous avons remarqué la présence de Connect, pour gérer les accessoires connectés et les retrouver si vous les perdez de vue, Migration, pour faciliter le passage d'un mobile à un autre, Moto Voice, pour paramétrer l'assistant vocal et les commandes gestuelles, ou encore Galerie et Appareil Photo, des versions modifiées, mais pas forcément améliorées des versions Vanilla.
Une interface légère, mais qui prend de la place
Ainsi dénué de toute application supplémentaire, le système continue de peser lourd sur le stockage interne des Motorola. Comme pour le Moto G, l'espace disponible est de 11 Go sur les 16 Go au départ. Ce n'est pas rien. Ajoutez évidemment à cela les très nombreuses mises à jour des applications Google et vous vous retrouvez en fait avec 8,5 Go de stockage. Ce qui est évidemment étonnant pour un smartphone qui prône la légèreté d'un Android pur. Soyons cependant indulgent, car le Moto X Play est très fluide et très agréable à utiliser au quotidien. Le fait que le système s'accapare la moitié des ressources de stockage ne se ressent pas, mais dans les tests de performances que nous avons fait subir au mobile.
Les résultats sont donc les suivants (et vous les retrouvez dans les captures d?écran ci-dessus et ci-dessous) : 32 728 points sur AnTuTu, 665 points sur Basemark OS II (sur le second test, le premier ayant abouti sur un score largement moins bon), 666 points et 2225 points sur Geekbench (respectivement en mono-core et en multi-core) et 7965 points et 126 points sur 3DMark (respectivement Ice Storn Unlimited et Slingshot ES 3.0). À la lecture de ces résultats, le Moto X Play se positionne sur la tranche haute des smartphones sous Snapdragon 615. Une bonne nouvelle donc, qui confirme qu'une surcouche légère offre un vrai gain de performance. Notez par ailleurs que l'autonomie constatée est clairement supérieure à la moyenne.
Comparons ces résultats avec quelques modèles milieu de gamme récents. Évidemment, il existe une vraie différence entre le Moto X Play et le Moto G (sous Snapdragon 410) qui justifie amplement la différence de prix. Nous voyons aussi que le mobile s'en sort bien mieux que certains modèles sous Snapdragon 615 plus accessibles (où le chipset est aussi moins rapide), comme l'Idol 3 d'Alcatel OneTouch ou le 50 Diamond d'Archos, ou des modèles sous MediaTek comme le M2 Note de Meizu (mais pas de très loin dans ce dernier cas). Ils sont cependant vendus 100 à 150 euros moins cher... Un seul modèle sous Snapdragon 615 surpasse clairement le Moto X Play : l'incroyable Sony Xperia M4 Aqua, véritable Sony Xperia Z relooké. Nous y reviendrons en fin d'article.
Pourquoi ne pas améliorer ce qui devrait l'être ?
Puisqu'il fait partie des meilleurs smartphones sous Snapdragon 615, il est évidemment à l'aise dans les usages multimédias. Nous l'avons testé avec Dead Trigger 2, notre jeu étalon, et l'expérience a été très convaincante, malgré la propension du jeu à se positionner automatiquement sur la qualité graphique la plus mauvaise. Même en activant tous les effets visuels, le jeu est resté fluide pratiquement à tout instant. Un bon retour donc, d'autant que tout s'y prêtait déjà à priori : un haut-parleur puissant, une grande dalle tactile Full HD et un verre Gorilla qui glisse sous les doigts.
Comme nous vous le disions plus haut, Motorola ne s'est pas intéressé à la partie vidéo d'Android Vanilla, laquelle est pourtant l'un des points faibles du système d'exploitation de Google. Alors que la Galerie a été modifiée par le constructeur, le lecteur multimédia est strictement inchangé. Il est donc ici dénué de toute exhaustivité en terme de format vidéo et audio. Et il n'offre aucune fonction avancée. C'est un lecteur bien triste que voilà qui vous obligera à aller chercher une alternative sur le Play Store. Ce qui est dommage, car, côté matériel, le Moto X Play offre une belle dalle pour regarder des films. Espérons que Motorola change de position sur ce point à l'avenir.
Un capteur photo inattendu pour cette gamme
En photo, enfin, nous sommes particulièrement surpris de croiser un appareil photo 21 mégapixels (en 4/3, sinon 16 mégapixels en 16/9e plein-écran) dans un smartphone vendu sous la barre des 350 euros. C'est rare et l'intention est bonne. L'associer au Snapdragon 615 était peut-être même un peu trop ambitieux puisque le capteur est bridé en 1080p en vidéo et n'offre certainement pas le meilleur traitement d'image. Cependant, ce qui compte, c'est la qualité des photos. Et le résultat est là : le Moto X Play réalise de beaux clichés, avec une gestion très convenable de la luminosité et des couleurs respectées. Nous remarquons beaucoup de bruits sur les côtés et un manque de contraste général, mais le résultat est bien plus satisfaisant qu'avec de nombreux mobiles milieu de gamme.
Nous sommes déjà moins enthousiasmés par l'application qui accompagne cet appareil photo. Celle-ci ne propose pratiquement aucune option de prise de vue. Une seule s'avère utile : le pointage pour la mise au point et le glissement pour augmenter ou baisser la luminosité. Contrairement à la très grande majorité de la concurrence, Motorola choisit un pointeur constant qu'il faut déplacer (tapoter l?écran à l'endroit où vous souhaitez prend immédiatement une photo, sans réglage préalable). Une fois au bon endroit, glissez autour de la mire pour faire varier la luminosité. Si vous glissez verticalement, vous jouez sur le zoom. Ce n'est pas très intuitif.
Un Moto qui cache bien ses défauts...
En conclusion, le Moto X Play est une très bonne proposition sur le milieu de gamme, avec un rapport qualité-prix peut-être même un peu plus élevé que le Moto G et son Snapdragon 410. Nous aurions bien sûr préféré un chipset un peu plus récent que le Snapdragon 615 qui commence à montrer un certain âge, notamment vis-à-vis de la connectivité Bluetooth, WiFi et LTE. Mais la belle intégration d'Android, l'interface Google Now avec les ajouts de Motorola, le très bon capteur photo (qui mériterait une application à sa hauteur), l'autonomie, le bel écran et les prestations de ce Xperia X Play démontrent que la débauche de moyens n'est pas nécessaire pour offrir une expérience qualitative avec un smartphone.
... mais est-ce suffisant ?
Cependant, à 349 euros, nous en attendions un peu plus. 349 euros, c'est le prix du OnePlus 2, qui n'a certes pas de NFC, mais un lecteur d'empreinte et un chipset largement plus impressionnant, même quand il est muselé. 349 euros, c'est aussi le prix du Honor 7, testé dans nos colonnes la semaine dernière et dont le Kirin 735 a montré qu'il était capable d'aller concurrencer des modèles haut de gamme comme le Moto X Style, le modèle d'au-dessus.
349 euros, c'est même une cinquantaine d'euros de plus que l'excellent Xperia M4 Aqua, lequel est vraiment étanche et offre de vrais services supplémentaires en multimédia et en photo, pour une plate-forme identique (mais mieux intégrée). Dans le Gouffre de Helm, les combats sont terribles. Si Motorola a jusqu'ici évité de s'y frotter, c'est parce qu'il faut s'y rendre avec une proposition solide. Et celle du Moto X Play ne l'est malheureusement pas assez.