De toute évidence, tous les constructeurs, petits ou grands, piquent quelques bonnes idées chez les voisins en espérant que cela passera inaperçu. Que cela soit technologiquement ou ergonomiquement, que ce soit dans le matériel ou le logiciel, les marques s'inspirent par leurs adversaires, notamment ceux qui réussissent. Il a été pratiquement prouvé (devant les tribunaux américains) que Samsung avait repris certaines fonctionnalités de l'iPhone pour créer ses Galaxy.
Et ces derniers, connaissant le succès, ont ensuite été copiés par des marques low-cost pour développer leurs propres marques. Et nous ne parlons pas des « design houses » de Shenzhen qui vendent à plusieurs entreprises le même modèle pour des marchés différents.
Une fable de la fontaine
Que HTC ait pris exemple sur Apple pour confectionner la gamme One, et notamment le One A9, c'est finalement un faux problème. Car, copier c'est une chose. Copier qualitativement, c'en est une autre. Et c'est donc tout l'enjeu de ce coup de poker de la marque taïwanaise que la présidente et PDG, Cher Wang, présentait comme une « alternative à l'iPhone ». Le smartphone se veut haut de gamme et qualitatif. L?histoire de la grenouille qui voulait ressembler non plus au boeuf, mais au taureau. Et derrière cet objectif ambitieux, un risque. Celui de la comparaison. Le One A9 a-t-il, plus encore que le M9, les épaules pour se mesurer à l'iPhone 6 ou 6S ? Observons déjà la fiche technique pour se faire une première idée.
- dimensions : 145,8 x 70,8 x 7,3 mm
- poids : 143 grammes
- châssis unibody en aluminium
- ratio écran / taille : 66,8 %
- dalle de protection Gorilla Glass 4 de Corning
- écran Amoled 1080p de 5 pouces (résolution de 441 pixels par pouce)
- chipset Snapdragon 617 de Qualcomm avec quatre coeurs Cortex-A57 cadencés à 1,5 GHz, quatre coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,2 GHz, un GPU Adreno 405 et un modem multimode X8
- 2 Go de mémoire vive
- 16 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC)
- batterie de 2150 mAh (non amovible) compatible Quick Charge 2.0
- compatible LTE catégorie 6 (selon les réseaux), WiFi ac MiMo, Bluetooth 4.1, GPS (Glonass), NFC, DLNA, radio FM
- Chipset optimisé Dolby Audio
- Lecteur d'empreinte digitale
- capteur photo rétroéclairé 13 mégapixels avec double flash LED, objectif ouvrant à f/2.0, protection en saphir synthétique, stabilisateur optique d'image, compatible Full HD en vidéo
- webcam Ultrapixel (4 mégapixels), objectif ouvrant à f/2.0, autofocus, compatible Full HD en vidéo
- Android 6.0 Marshmallow avec interface Sense 7.0
De l'iPhone, le A9 ne reprend pas que les bonnes idées ergonomiques et techniques. Il en reprend aussi quelques mauvaises. Chipset milieu de gamme sans vraie prétention. Mauvais rapport entre la taille de l?écran et la surface avant. Petite batterie. Configuration milieu de gamme. Disparition des haut-parleurs Boomsound. Capteur photo protubérant. Bref, il n'y a pas que de bonnes choses à vouloir se rapprocher de l'un des leaders mondiaux.
Des choix ergonomiques parfois contestables
Si la nouvelle protubérance du capteur photo (lequel est désormais beaucoup plus petit qu'auparavant) n'est qu'un détail ergonomique, la disparition des haut-parleurs Boomsound est l'un des éléments que nous regrettons évidemment avec ce smartphone. Car cet équipement offrait non seulement un son puissant (il s'agissait d'ailleurs de l'un des points forts face aux propositions de Samsung et Apple), mais était aussi l'un des signes distinctifs extérieurs de la marque. Les porte-parole de HTC estiment que le One A9 présente la prochaine étape ergonomique de HTC. Sur ce point, cela nous semble malheureux que ce soit le cas.
Pour le reste, nous retrouvons un design qui ressemble beaucoup à l'iPhone 6, notamment à l'arrière. Comme nous l'avons expliqué dans nos colonnes la semaine dernière, la présence des lignes de séparation entre les différents éléments de la coque en aluminium, où sont logées les antennes, existe chez HTC depuis 2013, avec le lancement du One M7. La différence avec l'iPhone 6/6S est subtile : chez Apple, cette ligne tourne autour des tranches supérieures et inférieures, tandis que chez HTC, elles coupent les tranches latérales à proximité des angles.
Comparé aux précédents One (qui ressemblent désormais à la gamme Huawei), le One A9 est clairement différent. La coque arrière n'est plus convexe, mais droite. Le capteur photo est plus discret et positionné près de la bordure supérieure. L?écran est ici 2.5D, soit légèrement surélevé (et ça, ce n'est pas un héritage HTC...). Le haut-parleur mono est positionné sur la tranche inférieure (ça non plus, ce n'est pas un héritage HTC...), juste à côté du port microUSB. Le bouton d'allumage est ciselé. Et un lecteur d'empreinte vient désormais souligner l?écran tactile de 5 pouces.
Un lecteur d'empreinte qui ressemble non pas au Touch ID d'Apple... mais à celui du OnePlus 2, du Meizu MX5 ou du Galaxy S6. L'usage est d'ailleurs identique : il s'agit d'une touche tactile (et non mécanique) qui sert à revenir à l'accueil de l?OS, à allumer le mobile et à le débloquer si vous avez configuré votre empreinte. Quand on vous dit que tout le monde s'inspire de tout le monde...
La meilleure prise en main... pour un HTC !
Quel dommage, HTC n'a pas profité de l'occasion pour corriger l'un des points faibles historiques de son design : les larges bordures autour de son écran. Le Taïwanais aurait pu profiter de ce changement physique pour réduire les dimensions du mobile tout en conservant une dalle de 5 pouces, ce qui aurait présenté un véritable avantage face à l'iPhone. D'autant que la prise en main du One A9 est très qualitative et l'aurait été davantage en réduisant l'encombrement. Une fois en main, le mobile est d'ailleurs très différent de tout ce que fait HTC.
Les courbures de la coque et les angles de son châssis en sont responsables évidemment. Mais pas uniquement : le matériau choisi l'est également. Abandonné l'acier brossé trop lourd, voici l'aluminium. Et là encore, ce n'est pas tout à fait un héritage de la maison ! Sous les doigts, cette coque semble plus souple et plus chaleureuse. Ce qui est assez agréable. Enfin la dalle 2.5D, protégée par du verre Corning Gorilla 4, est un délice. Bref, le One A9 ressemble à l'iPhone 6 et, en main, ce n'est pas un défaut, bien au contraire.
Comme nous venons de le signaler, l?écran est l'un des points très positifs de ce téléphone. Et il aurait pu l?être encore plus si HTC avait plus encore réduit les bordures : c'est quand même un comble que le M9 soit plus compact que l?A9 ! Nous ne boudons cependant pas notre plaisir : HTC a troqué la dalle Super LCD 3 de sa gamme One Mx contre une dalle Samsung Amoled plus lumineuse et plus vibrante (même si elle tire un peu vers le jaune). Voilà un choix qui casse avec les habitudes de HTC qui est payant.
Les angles de vision sont bien ouverts. Les contrastes sont profonds. Et la définition est autrement meilleure que celle de l'iPhone 6S : 440 pixels par pouce, contre 324 pixels par pouce. Si la bande noire avec le logo HTC du One M9 avait pu vraiment disparaître et non être dissimulée (sans changer de place), cela aurait été encore mieux.
Mais où est Marshmallow ?
Avec le One A9, nous faisons notre premier test d'Android 6.0 Marshmallow. Ou plutôt, nous aurions pu le faire, si la version stock du système d'exploitation n?était pas cachée derrière Sense. Mais la surcouche du Taïwanais étant l'une des plus ergonomiques, nous ne cracherons pas dessus. La version de Sense installée ici est la 7.0 que nous avons découverte avec le Desire 626 le mois dernier. Aucun gros changement dans la surcouche (hormis les fonds d?écran préinstallés) qui présente toujours Sense Home en page d'accueil (le widget aux raccourcis qui changent en fonction du moment de la journée et de la localisation géographique) et Blinkfeed sur l?écran de gauche.
À l'occasion de l'arrivée de Sense sur Marshmallow, HTC a fait preuve d'un certain bon sens en éliminant tous les partenariats commerciaux historiques, même Polaris Office, le « dernier des Mohicans ». Il a toutefois été remplacé par la suite bureautique de Google, Docs, Sheet et Slides. Il s'agit d'un partenariat promotionnel avec Google, car la firme de Mountain View offre 100 Go d'espace supplémentaire sur Drive pendant deux ans à l'achat du One A9. Nous remarquons cependant l'arrivée d'un nouveau partenaire : News Republic. Une bonne nouvelle, car cet agrégateur d'articles particulièrement efficace se connecte avec Blinkfeed. Cela évite de devoir ouvrir deux applications différentes pour un usage très proche.
Une interface moins encombrée, mais toujours lourde
Comme toujours chez HTC, malgré l'absence de nombreux partenaires commerciaux, le système d'exploitation, affublé de la surcouche Sense, pèse lourd sur le système : 6,5 Go. C'est 1 Go de moins que la version Sense 7.0 sous Android 5.1 Lollipop. Mais, c'est toujours 40 % de l'espace de stockage du One A9 (hors extension). Heureusement l'ensemble reste relativement fluide grâce à une plate-forme équilibrée. Nous sommes bien sûr assez étonnés de retrouver à l'intérieur de ce smartphone « haut de gamme » un chipset milieu de gamme et 2 Go de mémoire vive. À trop vouloir copier Apple, qui parvient toujours à faire plus avec moins, HTC a certainement oublié qu?Android, ce n'est pas iOS, et que le Snapdragon 617, version légèrement améliorée du Snapdragon 615, n'est pas l?Apple A9.
Et cela se confirme dans les chiffres avec les benchmarks. Le One A9 parvient à atteindre les 41 203 points. Ce score est mi-figue mi-raisin : meilleur qu'un milieu de gamme, mais pas vraiment capable de se battre dans le haut de gamme. Ce score est comparable à celui du Xperia C5 Ultra de Sony (46 618), vendu 400 euros, et bien dessous des scores des G4 de LG, MX5 de Meizu, Honor 7 de Huawei et OnePlus 2, lesquels sont pourtant largement moins chers (même pour le G4), pour des prestations quasiment équivalentes.
Même le Desire EYE, pourtant moins haut de gamme chez HTC, offre des performances largement meilleures. Peut-être qu'avec 3 Go de mémoire vive ou un Snapdragon 801, 805 ou 808 (et non 810), le One A9 aurait offert des caractéristiques proches de cette concurrence ? Continuons avec les autres tests : 1005 points sur Basemark OS II, 9149 points sur 3D Mark (Ice Storm Unlimited). Cela se confirme donc : le One A9 est techniquement une plate-forme milieu de gamme vendue généralement à 450 euros en moyenne. Un positionnement qui nous rappelle... le Galaxy Alpha.
Une plate-forme multimédia simplement bonne
Cependant, relativisons ces scores : le One A9 aspire à être capable d'offrir de très bons services en multimédia. Et il y parvient. Nous avons été charmés par ce petit smartphone, malgré quelques petits problèmes de compatibilité en vidéo. Commençons d'ailleurs par cela : le lecteur vidéo de la surcouche Sense est bien meilleur que celui d'Android « stock ». Il n'a cependant pas évolué depuis plusieurs versions de Sense. Son incompatibilité chronique avec certains formats vidéo, certains codecs audio et certaines options encapsulées ne s'arrange donc pas. Inutile de vous rappeler que des lecteurs bien meilleurs habitent le Play Store, les meilleurs étant payants. La localisation du haut-parleur n'est pas idéale, notamment quand le mobile est tenu en mode paysage (ce qui paraît plus naturel pour les films). La tranche sert souvent d'appui à un index et la sortie son est obstruée. Encore une fois, nous regrettons l'abandon de Boomsound.
Côté jeu vidéo, la plate-forme est largement suffisante pour prendre du plaisir, même avec les jeux en 3D que vous retrouvez sur le Play Store. À Dead Trigger 2, le smartphone s'est très bien comporté. Nous avons été légèrement déçus que le logiciel refuse de débloquer les graphismes de meilleure qualité. Nous avons dû nous contenter de la qualité intermédiaire, sans les effets spéciaux les plus exigeants. C'est certainement un signe que le Snapdragon 617, qui reprend la configuration du Snapdragon 615 en lui ajoutant uniquement un meilleur modem, n'est pas un chipset haut de gamme. Nous attendons évidemment impatiemment la future génération de chipset milieu de gamme de Qualcomm, notamment le Snapdragon 620. Voilà un composant qui aurait certainement apporté un gain de performance au One A9 suffisant pour rattraper le retard vis-à-vis des modèles des marques chinoises citées précédemment.
De vraies améliorations en photo
En photo, nous sommes ravis de trouver une nouvelle application. Cette interface offre plusieurs modes de capture (automatique, autoportrait, panorama, vidéo en ralenti et accéléré), dont un mode « Pro » avec enregistrement des images au format RAW (25 Mo le cliché). Ce mode de prise de vue, que vous découvrez avec le visuel ci-dessous, offre l'accès à certains paramètres du capteur, comme la balance des blancs, la sensibilité, la distance focale, le temps d'ouverture et la correction d'exposition. Leur usage est très simple : il suffit de baisser ou monter les différentes molettes virtuelles et cliquer sur la lettre « A » pour repasser en automatique. Les amateurs apprécieront.
Le résultat est assez similaire à celui que nous avons rencontré avec certains modèles HTC récents, comme le Desire EYE, et bien meilleur que celui du One M9 du début d'année. Nous sommes enfin face à un capteur photo capable d'offrir du contraste, de la couleur et de la luminosité. Comme le Desire EYE, il manque encore, en mode automatique, un bon équilibre entre les différentes parties de la scène. Nous avons forcé un peu sur la correction d'exposition pour avoir quelques détails dans la rue en contrebas, sans pour autant rendre les nuages totalement vaporeux. Si le trio des experts de la photo en téléphonie, Samsung, Sony et Apple, est encore devant, HTC semble avoir trouvé la voie pour proposer un appareil qualitatif. Et c'est tant mieux.
N'est pas Apple qui veut !
En conclusion, le One A9 souffre d'un dédoublement de la personnalité. D'un côté, le téléphone offre une véritable impression qualitative, de par son ergonomie, son design et les matériaux utilisés pour son châssis. Que le constructeur se soit inspiré ou non d'Apple, le résultat est le même : le téléphone est très agréable à manipuler. Nous regrettons beaucoup l'absence de Boomsound (vous l'aurez compris...) et la présence de larges bordures autour de l?écran, mais d'autres détails sont clairement excellents, comme le bouton d'allumage ciselé, la touche tactile avec lecteur d'empreinte et la nouvelle application photo (associée à un résultat des clichés enfin à la hauteur de la concurrence). Nous sommes déçus de ne pas ressentir plus encore la présence de Marshmallow, tant la nouvelle version d'Android se fait discrète.
De l'autre côté, les performances du One A9 sont loin d?égaler celles de l'iPhone 6S, du Galaxy S6 et d'autres porte-étendard pourtant vendus moins cher. Car tout n'est pas qu'une question de design, mais aussi d?évolutivité et de capacité à assumer tous les besoins des consommateurs. L'incompatibilité du mode vidéo avec la 4K est clairement une limitation du chipset, et non du capteur photo, et donc une caractéristique milieu de gamme. En son coeur, le One A9 est un One mini 3 qui ne veut pas se l'avouer...
Et le rapport qualité prix dans tout ça ?
De fait, en prônant l'aspect esthétique et non technique, HTC fait la même erreur que Samsung avec le Galaxy Alpha. Il en oublie en partie le rapport qualité-prix. Et contrairement à Apple, HTC ne dispose pas de la même attractivité pour justifier l'écart entre son positionnement et ses performances réelles, malgré, une fois encore, un très bon produit. Nu, le smartphone est clairement trop cher, et donc risque d'être déceptif pour tous ceux qui s'attendent à tenir en main un iPhone sous Android. Et pourtant, qu'est-ce qu'il est agréable ce One A9...