Tout savoir sur : Non, nVidia n'abandonne pas les smartphones... mais un peu quand même
Jen-Hsun Huang est certainement un patron frustré. À la tête du principal fondeur de processeur graphique pour PC, il ne parvient pas à démontrer la pertinence de sa ligne Tegra dans la téléphonie mobile. Si la seconde itération a été plutôt appréciée par les fabricants de smartphones, la troisième a plus souvent été intégrée dans des tablettes que dans des mobiles. Un constat qui s’est renforcé avec la quatrième génération.
Et malgré une proposition fort alléchante spécialement étudiée pour profiter de l'engouement autour de la 4G, le Tegra 4i n’a été jusqu’à présent adopté (à notre connaissance) que par trois fabricants : Wiko (pour le Wax testé il y a deux semaines dans nos colonnes et bientôt le Highway 4G), LG et Geeksphone (pour le Blackphone). Rien de reluisant dans cela. Deux d’entre eux sont des acteurs locaux. Tandis que LG n’utilisera le composant que dans certains de ces G2 Mini. L’échec commercial est donc évident.
Tegra 4i : un chipset surdimensionné pour le marché
Dans une interview accordée à l’édition américaine de CNET, Jen-Hsun Huang analyse avec recul les raisons de cet échec. Il estime tout d’abord que son chipset était à sa sortie trop en avance sur les besoins des constructeurs. Offrir 60 coeurs graphiques pour des smartphones entrée ou milieu de gamme, c’était surdimensionné.
D’autant que le marché du smartphone low cost est tiré par le prix. La pression concurrentielle de MediaTek joue sur le catalogue des fondeurs de grande envergure, notamment Qualcomm, Broadcom et Marvell qui baissent le coût de leurs composants pour attirer (ou garder) les manufacturiers. Finalement, obtenir un score deux fois plus élevé que les Snapdragon 400 n'est pas un argument de vente, dommage.
Tirer les prix vers le bas n'est pas la philosophie de nVidia
Le patron de nVidia ne souhaite pas entrer dans ce vulgaire débat. Il ne veut pas vendre des Tegra au rabais, cela dénaturerait sa façon de faire du business. Il est convaincu que la valeur ajoutée de nVidia devrait servir à convaincre de la pertinence de ses chipsets. Voilà pourquoi nVidia abandonnera le marché de la mobilité (notamment des smartphones) entrée et milieu de gamme. Il se concentrera désormais sur le haut de gamme, là où ses solutions ont un sens économique.
Consoles de jeux, systèmes automobiles embarqués, tablettes et smartphones haut de gamme : nVidia reste donc dans la mobilité au sens large du terme et attaquera donc les segments où le graphisme est un argument commercial et laissera aux autres le soin de se battre sur un marché qui tire les prix vers le bas. Une vision bien idéaliste, car la guerre fait rage sur le haut de gamme entre Qualcomm, maître absolu, et Intel aux folles ambitions.
Un abandon qui n'est pas de fait, mais plus psychologique
nVidia n’abandonne pas le marché de la mobilité. Il ne se battra simplement pas pour des bouchées de pain, estimant qu’il vaut mieux que cela. Il y a cependant un revers à la médaille. En laissant aux autres le soin d’apporter des solutions pour des segments qui ne l’intéressent plus, nVidia se coupe en partie des constructeurs qui vont progressivement oublier que le fondeur de Santa Clara existe.
Car les constructeurs ne signent pas de partenariat avec les fournisseurs de chipset aussi facilement qu’ils achètent une ramette de papier. Il y a de lourds investissements en R&D (comme l’a montré le développement du Wax chez Wiko). Et chaque fabricant limite le nombre de fournisseurs à ceux qui sont en mesure de couvrir le spectre de leurs besoins. Qualcomm l’a compris en créant les Snapdragon 200 et 400, des séries low cost faites pour concurrencer MediaTek. Le succès du Snapdragon 400 montre la pertinence de ce choix.
nVidia Tegra : des chipsets voués à jouer l'originalité marketing ?
Les fabricants de mobiles choisiront-ils à nouveau nVidia avec le K1 (intégré aujourd’hui qu’au Xiaomi Mi Pad) ou le 4i ? Peut-être pour des « coups tactiques » (comme Wiko qui ne voulait pas d’un banal Snapdragon 400 pour son premier smartphone 4G), mais clairement plus pour des accords stratégiques. La preuve : Microsoft a fini par écarter nVidia de la gamme Surface, clairement au profit de Qualcomm qui fournit aussi tous les Windows Phone. Une situation bien différente des débuts de Surface, car les Tegra ont équipé les deux premières itérations de la version grand public de la tablette et auraient dû animer la (non officielle) Surface Mini. Mais c’est le créateur des Snapdragon qui a été choisi. Un autre échec pour la marque au caméléon, admis par Jen-Hsun Huang, mais pas très rassurant non plus.