Nous connaissons bien GT Advanced Technologies (GTAT). Il s’agit du sous-traitant qui opère l’usine d’Apple basée en Arizona. À Mesa, GTAT a payé et installé tout le matériel nécessaire pour produire suffisamment de saphir synthétique pour équiper les iPhone de dalles hautement résistantes. Or, le saphir ne protège pas les écrans des iPhone 6 et 6 Plus présentés il y a un mois. L’argent avancé par GTAT n’a donc pas pu être rentabilisé. Avant qu’il ne soit trop tard, l’entreprise a donc décidé de se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, une procédure de sauvegarde qui s’apparente au redressement judiciaire français.
GT Advanced, qui devait produire les dalles de protection de l'iPhone 6, est en faillite
Cette mise sous tutelle du tribunal fédéral va permettre à l’entreprise de réorganiser sa dette tout en continuant d’exercer son activité. Elle devrait, par exemple, toujours opérer l’usine de Mesa appartenant à Apple. Logiquement, son contrat avec la firme de Cupertino tient donc toujours, même si celui-ci dépend visiblement de l’usage qui est fait du saphir produit. Elle dispose toujours, en fond propre, de 85 millions de dollars. De quoi voir venir, donc.
Une histoire qui commence comme tant d'autres
L’histoire de GTAT aurait dû être plus belle qu’elle ne l’est aujourd’hui. D’autant que, visiblement, elle n’est pas fautive de son sort. Revenons en arrière. Souvenez-vous, il y a un an et demi, nous rapportions dans nos colonnes un reportage réalisé aux États-Unis par Pocketnow sur une entreprise qui réalisait du verre en saphir synthétique destiné à protéger des écrans (tactiles ou non). Il s’agissait de GTAT.
Le saphir est (grossièrement) le second matériau le plus dur, derrière le diamant (même si ce n’est pas tout à fait exact). Sa solidité ne fait plus l’ombre d’un doute. Cela a d’ailleurs convaincu les têtes pensantes d’Appple qui en a équipé les iPhone 5S. Le saphir protègeait alors Touch ID et iSight. Mais cela ne suffisait pas pour Apple. Il fallait aussi protéger l’écran. D’où un partenariat à long terme avec GTAT d’une valeur de 578 millions de dollars par an sur 5 ans. Le contrat est signé vers la fin de l’année 2013 et révélé par Tim Cook sur ABC fin janvier.
Un flux tendu où un grain de sable est inacceptable
Premier objectif de GTAT : créer des écrans pour l’iPhone 6, dont les samples sont arrivés entre les mains de quelques leakers sur YouTube, comme Sonny Dickinson et Marques Brownlee. À Mesa, l’entreprise est capable de fournir jusqu’à 200 millions d’écrans par an. Pendant ce temps, Apple dépose plusieurs brevets alliant les propriétés du saphir à ceux des smartphones : écran oléophobique, châssis en métal... C’est le portrait de l’iPhone 6.
Et tout s’enchaîne : après la fabrication des samples, la production de saphir commence vraiment durant l’été. Peut-être un peu tard diront certains. Notamment les deux sous-traitants chargés de polir et limer les écrans, Lens Technology et Biel Crystal. Mais les volumes sont trop importants et Apple trop perfectionniste. À quelques semaines du lancement de l’iPhone 6, seuls 25% des écrans sont produits. Tim Cook décide de s’en passer et d’utiliser le saphir pour la Watch, laquelle serait commercialisée au moins quatre mois (voire même 6) plus tard.
Des dettes, une faillite et... un rachat ?
Seulement, si Apple n’achète que le saphir nécessaire à protéger la Watch (et pas tous les modèles), Touch ID et iSight (pour les iPhone et les iPad), le volume produit à Mesa est largement surdimensionné. Et l’argent payé par Apple pour le cristal utilisé n’est pas suffisant pour payer les créanciers (fournisseurs, employés de Mesa) de GTAT. D’où des pertes considérables. Et des dettes qui s’envolent.
Dans son communiqué de presse, GTAT confirme vouloir continuer d’exercer. Mais il faudra certainement recapitaliser l’entreprise. GTAT cherche donc des fonds d’investissement. Et quelque chose nous dit qu’Apple pourrait en profiter pour racheter l’ensemble, notamment les brevets autour du saphir synthétique. Il pourrait même s’agir là d’une très bonne opération financière pour la firme de Cupertino, malgré les dettes que la société a contractées cette année.