L'iPhone a toujours été un smartphone plus cher que les autres. Et quand la TVA est passée à 20 % au lieu de 19,6 %, la firme à la pomme n'a pas hésité un instant à augmenter ses prix, ne cherchant pas à compenser l?écart. Et pourtant, il reste un symbole. Symbole d'une recherche esthétique en perpétuel renouvellement. Symbole de la mort programmé du feature phone, quoi que les détracteurs en disent. Symbole d'une reconnaissance sociale ostentatoire et d'une adoption technologique à échelle mondiale. Symbole d'un fanatisme marketing et d'une nouvelle religion technocratique qui dépasse l'entendement. Bref, c'est l'iPhone, quoi.
Et la huitième mouture de l'iPhone, appelé iPhone 6, répond avec plus de force encore à cette définition multifacette. À 709 euros prix de départ (soit 4650 francs si nous pouvons nous permettre cette petite conversion antédiluvienne), il n'est pas seulement l'un des smartphones grand public les plus chers. Il est celui qui se vend le mieux. Des centaines de personnes qui campent devant les Apple Store. 10 millions d'unités vendues en 3 jours alors qu'il n?était disponible que dans 10 pays. Un record. Alors, pourquoi cet engouement, alors qu'il n'est ni QHD, ni LTE catégorie 6, ni octo-core, ni 13 mégapixels ?
Ne vous fiez pas toujours à la fiche technique
Avant de vous apporter quelques éléments de réponse, penchons-nous tout d'abord sur la fiche technique :
- Ecran IPS 4,7 pouces d'une définition de 1334 x 750 pixels, soit 326 pixels par pouce (la résolution Retina)
- Protection de la dalle tactile en verre aluminosilicate oléophobique
- Chipset A8 composé de deux coeurs Cyclone 64-bit cadencés à 1,4 GHz et d'un GPU PowerVR GX6450 d?Imagination Technologies
- Coprocesseur M8 pour la gestion des capteurs de mouvement
- 1 Go de mémoire vive
- 16, 64 ou 128 Go de stockage interne
- Capteur photo iSight doté de 8 millions de pixels de 1,5 micron chacun, mise au point Focus Pixels, objectif à cinq éléments ouvrant à f/2,2 et protégé par un verre en saphir, flash true tone, compatible vidéo Full HD avec fonction ralentie à 240 images par seconde
- Webcam Facetime 1,2 mégapixels compatibles HD 720p avec optique ouvrant à f/2,2
- Capteur de luminosité, de proximité, d'empreinte digitale (Touch ID), accéléromètre, baromètre, gyroscope, boussole numérique
- Connectivité LTE catégorie 4, WiFi ac, Bluetooth 4.0 LE, NFC, GPS Glonass
- Batterie 1810 mAh
- Dimensions : 138,1 x 67 x 6,9
- Poids : 129 grammes
- Système d'exploitation : iOS 8
Sur cette fiche technique, vous aurez naturellement beaucoup d'incompréhensions. 326 pixels par pouce, c'est aujourd?hui assez peu (même si cela atteint la résolution « Retina »), d'autant que la définition ne dépasse que très légèrement le 720p. Le chipset est un dual-core cadencé à 1,4 GHz. Il n'y a que 1 Go de mémoire vive. L?APN est un modèle 8 mégapixels et la Webcam propose une définition ridicule. Et la batterie est toute petite. Bref, pourquoi vouloir un iPhone 6 à 700 euros compte tenu de tout cela ?
Un travail de fond sur l'ensemble des éléments
D'abord, parce que techniquement, le système d'exploitation est particulièrement optimisé pour le matériel, et vice-versa. Ensuite, parce que l?habit ne fait pas le moine : ce capteur 8 mégapixels, associé à certains composants de l'iPhone, est meilleur que la majorité des 13 mégapixels, comme nous le verrons dans la partie dédiée en fin de ce test. Enfin, parce que le smartphone a beaucoup de charme.
Et c'est là l'une des forces de l'iPhone depuis ses débuts. Après la coque bien ronde des trois premières versions, puis la dalle de verre des 4 et 4S, en passant par le métal brossé des trois dernières itérations, l'iPhone a radicalement changé de design pour adopter celui de cette dernière version. Faisons le tour du propriétaire. D'abord, nous constatons que le mobile n'est pas si volumineux, malgré l'augmentation de la taille d?écran de 0,7 pouce. Ce n'est pas tant en largeur qu'il a pris, mais surtout en hauteur. Et puisqu'il est plus fin, la circonférence de l'appareil est presque similaire.
Un design plus rond, plus tactile
De face, l'iPhone 6 ressemble beaucoup à ses prédécesseurs. Le capteur Facetime échange sa place contre le capteur de luminosité et de proximité. Apple a légèrement rogné sur les bordures autour de l?écran, même si cela ne se remarque pas tout de suite. Et le Touch ID est à la même place. Les angles sont toujours autant arrondis, mais la rondeur des côtés tranche moins que sur les iPhone 5 et 5S.
De dos, les changements sont considérables. Apple a conservé une architecture similaire à celle des deux iPhone précédents (5 et 5S). À savoir, une coque arrière divisée en trois parties. Seulement, celle de l'iPhone 6 est entièrement faite de métal brossé, lui donnant un aspect très semblable au HTC One (M8) dont le dos est également découpé en trois parties. Le logo d'Apple est une pièce de métal découpée dans la coque dans laquelle est insérée une autre pièce lisse et réfléchissante. Autre changement, le capteur photo, toujours en haut à gauche, est protubérant. Cela ne se voit pas sur les visuels d'Apple, mais il dépasse d'un demi-millimètre et il est cerclé de métal.
Autre révolution, les tranches : elles sont maintenant arrondies. Elles sont toujours métalliques, une tradition depuis l'iPhone 4. Et depuis l'antennagate, les parties métalliques qui hébergent les antennes sont isolées des autres grâce à du silicone. Vous noterez ici la ressemblance avec les tranches du Xperia Z3, lui aussi très agréable à prendre en main. Ensuite, les boutons ont été modifiés. À gauche nous retrouvons le volume et le mode silencieux. En bas le port Lightning, le port jack 3,5 mm et le haut-parleur. À droite, l'emplacement pour la carte microSIM et, surprise, le bouton d'alimentation. Comme cela avait été dévoilé par les nombreuses fuites, Apple a modifié l'emplacement de ce bouton (lequel n'a jamais bougé de la tranche supérieure). À son ancienne place, il n'y a désormais plus rien.
La position de la main devient plus horizontale
Déplacer ce bouton est une conséquence de l'augmentation de la taille du smartphone. La main prend ainsi une posture plus horizontale où sont accessibles volume, Touch ID et mise en veille. S'il était resté à sa place, cela devenait impossible avec une seule main d'accéder aux trois touches sans risquer de faire tomber le smartphone en changeant la position de la main. Rappelons cependant que la majorité des utilisateurs d'iPhone sortent leur mobile de veille avec le bouton Home et non avec celui de l'alimentation (qui ne servait déjà plus qu?à prendre des captures d?écran et à éteindre l'appareil de temps en temps...).
La prise en main de l'iPhone 6 est très agréable. Encore une fois, Apple a réussi à créer un smartphone « tactile » dans le sens où il tient bien dans la main. Les sensations sont bonnes. La construction est belle. Les finitions léchées. Le fait d'avoir surélevé la dalle augmente encore la douceur du toucher, contrairement à l'iPhone 5S et sa dalle biseautée. Et même si nous pouvons regretter la proéminence du capteur photo, les doigts ne sont jamais gênés par ce dernier, même si vous tenez le smartphone en position horizontale. D'autant que vous protégerez certainement le mobile avec une coque...
Résolution Retina : presque un dogme ?
L?écran glisse parfaitement bien. C'est une particularité qui reste pour tous les iPhone : la dalle tactile répond à chaque sollicitation et elle n'accroche pas sous les doigts. Ce qui procure une sensation de fluidité, d'aisance, et même de facilité. Une impression qui se détériore avec le temps, en témoignent les usagers de l'iPhone 4 quand ils sont passés à iOS 7 et, plus récemment, de l'iPhone 4S quand ils sont passés à iOS 8. Un smartphone Apple neuf sera toujours plus véloce qu'un ancien, c'est indéniable...
Côté image, pas grand-chose à redire. La colorimétrie est bonne. Les angles de vision larges. Et la luminosité suffisante pour une bonne visibilité en plein jour. Pas de surprise : Apple a soigné les apparences, même si la résolution Retina, à l'image du 720p en 4,7 pouces du Galaxy Alpha, commence à être un petit peu dépassée...
iOS 8 : c'est mieux... mais c'est pareil... mais c'est mieux
En allumant l?écran, vous faites connaissance avec iOS 8, nouvelle version du système d'exploitation d'Apple. Nous vous avons présenté l'ensemble des nouveautés attendues lors de notre article sur l'annonce de la WWDC de juin dernier. Nous ne reviendrons pas dessus. Sachez que la majorité des applications iOS 7 sont reprises à 100 % dans cette nouvelle version, notamment le « flat design » de Jony Ive.
A gauche, vous retrouvez Heath (Santé). A droite, toutes les applications Apple.
Nous avons effectivement remarqué quelques petites retouches, comme l'intégration de l?App Store et d'iTunes dans Spotlight. Nous avons remarqué la nouvelle zone de paramétrage rapide avec le volume sonore des applications. Nous avons expérimenté le nouveau clavier prédictif de l'iPhone (nous n'avons pas voulu intégrer de clavier alternatif dans ce test pour ne pas apporter de confusion).
Les paramétrages rapides, la zone de notification et le multitache avec les contacts récents
Gestion des onglets dans Safari, intégration de nouveaux réseaux, et clavier prédictif
Nous avons apprécié les nouveaux outils d?édition de Photos avec le contrôle sur la luminosité et la colorimétrie. Mais nous continuons de penser que la majorité des usagers cliqueront sur la baguette magique pour optimiser leurs clichés. Nous avons également demandé à Siri de retrouver un air avec Shazam. Et cela fonctionne plutôt bien. La commande « Hey Siri » pour activer l'assistant virtuel est intégré, mais accessible uniquement quand le mobile est branché à une source de courant (USB d'un ordinateur ou prise électrique). Cela n'a donc pas beaucoup d'intérêt. Notez enfin l'apparition par défaut et gratuitement de toute la suite Apple sur iPhone : Keynote, Pages, Numbers, iMovie et Garageband. Pour les activer, un compte iTunes est obligatoire.
Spotlight cherche désormais sur le Web (Bing), dans iTunes et l'App Store
Siri est dotée de nouvelles commandes vocales, dont la recherche Shazam
Health : la seule vraie grande nouveauté
Parmi les grandes nouveautés, nous avons remarqué la présence de Health. L'application semble très complète et dispose aussi d'une fiche médicale pour les cas d'urgence. Pour créer un profil complet, n?hésitez pas à bloquer du temps dans votre agenda chargé, car il y a de nombreux champs à renseigner. Évidemment, l'usage de cette application sous-entend d'en utiliser d'autres pour capter les informations. Mais à l?heure où nous avons réalisé ce test, Healthkit posait encore des problèmes de compatibilité. De même pour Continuity et Extensions : les applications pour ces deux grandes nouveautés sont rares, voire absentes. Nous en reparlerons quand elles seront disponibles.
Health et Astuces, les deux nouvelles applications système.
Un dual-core peut-être, mais pas n'importe lequel !
Comme nous l'avons dit précédemment, l'ensemble tourne plutôt bien. Il y a comme un sentiment de facilité dans la navigation d'iOS. Il faut dire, l'architecture 64-bit des deux coeurs Cyclone n'y est pas pour rien. Seulement, la différence entre l'iPhone 6 et l'iPhone 5S n'est pas toujours si évidente que cela. AnTuTu nous en dit un peu plus : l'iPhone 6 parvient à obtenir un score de 48816 points, se plaçant naturellement devant l'iPad Air et l'iPhone 5S.
Grâce à ce score, le dernier né des smartphones Apple se place juste au-dessus de son prédécesseur et de la concurrence, sans pour autant briller franchement, certains chipsets affichant des scores au-delà des 50 000 points. Sur des applications qui n'utilisent qu'un seul coeur, l'iPhone 6 est généralement devant. Mais en multi-core, les deux coeurs Cyclone se font rattraper par des configurations quad-core et octo-core. D'autant que la présence de 1 Go de RAM seulement n'aide pas à creuser l?écart.
Graphiquement, le chipset A8 s'en sort extrêmement bien. Deux raisons à cela. D'abord, le GPU dispose de la nouvelle génération de PowerVR. Ensuite, le chipset s'appuie sur un nouveau moteur de rendu graphique appelé Metal. Résutats : l'iPhone 6 est devant la très grande majorité des mobiles haut de gamme concurrents, sauf ceux équipés d'un Tegra K1 de nVidia. Enfin, les tests sur l'autonomie montrent ici aussi qu?Apple a réalisé un excellent travail : la batterie d'une puissance inférieure à 2000 mAh parvient à durer plus longtemps que celle de concurrents qui disposent de 50 % de puissance en plus. Attention cependant, Health et les objets connectés auront un impact considérable sur ce bon résultat.
Une petite console de jeu encore meilleure ?
Pour vérifier l'apport de Metal et du dual-core Cyclone, nous avons bien évidemment installé un jeu sur le smartphone. Et quoi de mieux pour faire la comparaison que Dead Trigger 2. Incroyable sensation que celle de l'iPhone 6 et de son puissant processeur graphique. Ici, Dead Trigger 2 s'installe automatiquement avec la meilleure résolution et tous les effets visuels. Et le résultat est simplement bluffant. L?écran tactile est réactif. La dalle LCD ne bave pas. Il n'y a aucun ralentissement (sauf si vous coupez la connexion réseau ou limitez les autorisations de l'application). L'iPhone 6 reste une très bonne plate-forme pour jouer, sans l'ombre d'un doute.
En vidéo, l'iPhone 6 est bien meilleur que l'iPhone 5S du fait de son large écran. Mais c'est bien là son seul atout. Car, pour le reste, le lecteur vidéo intégré à l'iPhone est toujours aussi compliqué à alimenter en contenu. Passer par iTunes pour convertir la vidéo en MP4 (car aucun autre format n'est accepté sauf QuickTime), puis l'ajouter à la playlist vidéo et synchroniser le tout pour copier les fichiers. Heureusement, il existe de nombreuses alternatives qui font de l'iPhone un excellent lecteur multimédia. VLC en est un. Il y en a bien d'autres.
Des photos très lumineuses
En photo, l'iPhone est une vraie bonne surprise, même si nous avouons avoir été déçus par l'application photo qui n'a quasiment pas changé. Si le nombre de filtres et de réglages dans l?édition de photo s?étoffe d'année en année, la capture de photo reste extrêmement basique. Autofocus avec le doigt. Réglage de la sensibilité lumineuse dynamique (excellent ajout). Appui sur le bouton virtuel pour capturer. Et voilà. Plusieurs modes sont proposés : carré, panoramique, vidéo, ralenti, accéléré, HDR. C'est très peu comparé au Lumia 1020 et au Xperia Z3, par exemple.
Appareil photo sommaire, mais outils de retouche complets
Le résultat en revanche est vraiment excellent. Le rendu est meilleur qu'avec la majorité des capteurs de 13 mégapixels et plus. Les clichés sont lumineux, contrastés et avec un bon piqué. L?équilibre entre les zones lumineuses et sombres est surprenant, d'autant qu'il est maintenant possible de le régler manuellement avant la prise de vue (une opération parfois délicate). Dans le beau ciel parisien d'automne, les nuages sont bien dessinés, tandis que les zones d'ombres de l'avenue de l?Opéra restent visibles. Rares sont les capteurs à arriver à ce résultat-là.
Photo particulièrement lumineuse prise avec l'iPhone 6
On aime ou on deteste, mais il n'y a pas de juste milieu
En conclusion, il est clairement difficile d'avoir un avis objectif sur l'iPhone 6 et son prix exorbitant. Car il fait vraiment envie. Une fois en main, impossible de ne pas tomber sous le charme d'une construction et d'un design (presque) sans pareil. Impossible non plus de ne pas apprécier les matériaux qualitatifs, même si l'absence du saphir pour protéger l?écran est regrettable à ce prix. Un prix qui dépasse tout entendement.
Imaginez qu'avec le prix d'un iPhone 6 16 Go, vous pouvez acheter deux OnePlus One de 64 Go. Mais là où le OnePlus One est légèrement grossier, notamment dans sa construction, l'iPhone 6 fait dans la finesse, sans pour autant sacrifier la puissance brute. Après 4 ans avec un iPhone (le 4, puis le 5), passer à l'iPhone 6 n'est pas un besoin, mais une envie presque irresistible. Mais est-ce le journaliste qui parle ou le consommateur ? Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas mon porte-monnaie.
Test réalisé par Samir Azzemou et Stéphane Deschamps.