Quentin Lin a 26 ans. Après un parcours éclectique, il est mandaté en 2013 pour importer la marque Nubia de ZTE en France. Après des décisions stratégiques au niveau mondial, le constructeur chinois décide de suspendre le projet. Influencé par Nubia, Xiaomi et Wiko, Quentin Lin décide de se lancer dans l'aventure. Un an plus tard, la société est créée. Le premier smartphone est développé. Et il parvient à signer un partenariat avec Amazon qui propose le Vitamin A.
A l'occasion de son entrée sur le marché français et en attendant le test dans nos colonnes, le jeune entrepreneur nous a accordé une interview pour faire le point sur son positionnement, son ambition et ses projets.
Quentin Lin, fondateur de DuneTek, et son premier smartphone, le Vitamin A
Comment en êtes-vous arrivé à créer votre propre marque de smartphones ?
Après diverses expériences professionnelles, j?ai travaillé à partir de septembre 2013 pour ZTE Headquarter dans le but d'importer la marque Nubia en France. Cette marque est la réponse du groupe au succès de Xiaomi sur le marché chinois. L'officialisation du lancement en Europe, et donc en France, était prévue pour le début de l'année 2014. À quelques semaines du lancement, le siège a souhaité suspendre le lancement européen pour se recentrer sur les États-Unis. Mais le projet Nubia était excitant et le concept tenait la route. Je me suis alors lancé.
Présentez-nous DuneTek et Vitamin.
Vitamin est une nouvelle marque de téléphonie mobile qui se concentrera sur le segment de prix sous la barre des 200 euros avec une interface unique, développée pour répondre aux besoins des consommateurs européens. DuneTek, quant à elle, est la société qui exploite la marque Vitamin. Elle compte aujourd?hui trois personnes, dont moi-même. Elle a été créée l?été dernier sur fonds propres (50 000 euros) avec l'appui d'une aide financière apportée par la BPI. Pour notre développement, nous comptons boucler d'ici fin mars un tour de table auprès d'investisseurs privés, publics ou institutionnels. Pour le développement logiciel, nous faisons confiance à Sidereo. Et pour la production matérielle, nous nous appuyons sur le fabricant chinois Shanghai Wind.
Quel est votre positionnement, notamment vis-à-vis de Wiko ?
Pour développer la marque Vitamin et notre premier smartphone, nous nous sommes inspirés de Nubia, de Xiaomi et de Wiko. Comme Wiko, nous nous positionnons sur l'entrée de gamme en ciblant les consommateurs qui n'ont pas le budget ou le besoin d'un smartphone haut de gamme. Notre objectif est de proposer le meilleur au meilleur prix. Du coup nos marges seront très serrées. Et pour nous démarquer des autres marques ayant le même modèle, nous proposons une interface qui n'est pas simplement celle d'Android « stock ».
VitaNews, l'agrégateur d'informations de VitaOS
La France n'est-elle pas déjà saturée en entrée de gamme ?
Au contraire, nous pensons que le marché français a encore de la place pour de nouveaux entrants sur les segments entrée et milieu de gamme, même si les places se sont bien remplies depuis un an. L'arrivée de Free Mobile en 2012 a encore des conséquences aujourd?hui. L'open market continue de prendre de l'importance (il se vend désormais plus de téléphones mobiles en open market que via les opérateurs, selon GfK, N.D.L.R.). Et il y a encore des consommateurs qui n'ont pas osé s'acheter un smartphone (les primo Andro), qui sont juste curieux (les Andro curious) ou des technophiles qui cherchent une expérience différenciante à moins de 200 euros. Nous ciblons aussi les « digital natives » (16 - 35 ans).
Le premier smartphone s'appelle Vitamin A. Quelle est sa configuration ?
Il s'agit d'un produit s'articulant autour d'un chipset quad-core MediaTek 64-bit, le MT6732. Il est accompagné par 1 Go de mémoire vive et 8 Go de stockage interne. La taille de l?écran atteint 5 pouces pour une définition 720p. L'appareil photo est un modèle 13 mégapixels. La webcam 5 mégapixels. Il est bien sûr 4G et fonctionne sur une ROM customisée appelée VitaOS et basée sur Android KitKat 4.4.4. Nous avons également travaillé sur la réduction de bruit ambiant.
Une construction assez classique, mais le point différenciant est la ROM customisée
Pourquoi arriver en France avec un « autre » produit 4G à moins de 200 euros ?
Nous avons choisi un mobile avec une configuration assez classique pour deux raisons. D'abord financièrement, il est plus facile de se lancer sur l'entrée de gamme. Nous aurions pu développer un smartphone aussi puissant que le OnePlus One et le proposer, nous aussi, à 300 euros. Mais pour cela, nos partenaires fabricants nous auraient demandé des garanties que nous ne pouvions offrir. Ensuite commercialement, une nouvelle marque arrive mieux à s'imposer quand elle peut brandir l'argument prix. Cependant, notre smartphone est techniquement dans la bonne moyenne des smartphones 4G à moins de 200 euros grâce à un travail réalisé sur l'optimisation du système.
Le système est justement votre point de différenciation. Quelles sont ses spécificités ?
VitaOS est une ROM customisée et pas simplement une surcouche appliquée à Android KitKat. Nous avons modifié les éléments graphiques et apporté quelques fonctionnalités complémentaires. Vita Pop-Up est une fenêtre interactive qui s'ouvre quand vous recevez un message et dans laquelle il est possible de répondre sans ouvrir la messagerie. C'est compatible avec les applications les plus répandues, dont Hangouts. VitaSafe est un coffre-fort numérique qui protège les contenus sensibles et privés. VitaNews est un agrégateur de contenus accessible depuis un écran du bureau dédié. Enfin, VitaBouton est un raccourci accessible en permanence vers 5 applications.
VitaCancel, une fonction paramétrable de VitaOS pour annuler l'envoi d'un SMS
Le développement de VitaOS est externe. Qu'en est-il des mises à jour ?
Nous sommes très exigeants sur l'interface et la ROM. Elles seront mises à jour quatre fois par an. Et trois fois sur quatre, elle intègrera une fonctionnalité importante pour l'utilisateur. Les nouvelles fonctions seront proposées par notre communauté d'utilisateurs, pour les inclure dans la vie du produit, et intégrées par les développeurs de notre partenaire. Quant à Lollipop, nous travaillerons sur cette version à partir d'avril et la mise à jour arrivera au cours du printemps. À l'avenir, nous espérons intégrer l?équipe de développement pour gagner en réactivité et en interactivité avec notre communauté.
Le Vitamin A est-il certifié Google ?
Non. Nous sommes un acteur trop petit pour prétendre à la certification Google. En revanche, nous avons intégré l'ensemble des applications de la suite Google Play, notamment la boutique applicative. Ils sont accessibles de la même manière. Dès que nous aurons des volumes suffisants, nous demanderons notre certification.
Le cahier des charges a été écrit en France, mais toute la conception matérielle est chinoise
Quels sont vos objectifs avec votre premier mobile ?
Nous espérons vendre 30 000 pièces du Vitamin A sur les six premiers mois de commercialisation. Nous en avons commandé 6000 dans un premier temps. 3000 sont déjà en notre possession et les 3000 suivants suivront rapidement. Si nous atteignons notre objectif, nous serons en bonne position pour finaliser notre modèle suivant.
Pour quand ce dernier est-il prévu et quelle sera sa configuration ?
Nous espérons lancer le Vitamin B à la rentrée prochaine, au plus tard en octobre. Il s'appuiera sur un chipset octo-core, toujours fourni par MediaTek. Nous souhaitons doubler la mémoire vive et l'espace de stockage. L'appareil photo numérique devrait passer à 16 mégapixels et la webcam à 8 mégapixels. Et l?écran sera certainement Full HD. Si nous parvenons à bien négocier, le prochain Vitamin pourrait également intégrer une protection de Corning et des éléments en aluminium. Le but est de conserver un prix de vente sous la barre des 200 euros.
Propos recueillis par Samir Azzemou et Stéphane Deschamps.