Voir son portrait dans le magazine Forbes n’est pas une consécration pour une start-up, mais le signe d’une véritable prise au sérieux. Le prochain numéro du quinzomadaire économique, à paraître le 13 avril prochain, dévoilera un long article sur Cyanogen et Kirt McMaster, son emblématique et sulfureux patron. Un papier que vous pouvez déjà lire sur la version électronique du périodique.
Steve Kondik et Kirt McMaster de Cyanogen
La première chose étonnante dans cet article, c’est son existence. Habitué à parler des plus grandes fortunes du monde et des entreprises les plus rentables, Forbes consacre aussi une place dans ses colonnes aux initiatives innovantes, mais pas fantaisistes ou trop techniques. Cyanogen est donc ainsi considéré comme une entreprise à suivre et à prendre au sérieux. Certes, le second tour de table, détaillé dans le portrait de la jeune pousse, positionne cette ancienne équipe de développeurs underground comme une entité économique à part entière.
Une valorisation à 1 milliard de dollars
Il faut dire que Cyanogen vient de percevoir 80 millions de dollars de financement qui viennent s’ajouter au 30 millions du premier tour de table. Ces 80 millions proviennent d’investisseurs institutionnels, mais également des pointures de la téléphonie et des médias. L’homme d’affaires indien Azim Premji. L’opérateur espagnol Telefonica. Le fondeur américain Qualcomm. Le réseau social Twitter. Et le magnat de la presse et de l’audiovisuel, Rupert Murdock. La valorisation de Cyanogen frôlerait désormais le milliard de dollars (alors qu’elle ne gagne pratiquement rien). L’argent servira à embaucher de nouveaux développeurs et certainement des profils plus économiques que techniques.
Mais l’article du magazine dépeint un Cyanogen tenant le rôle de porte-parole d’un ensemble d’entreprises qui estiment aussi que la position dominante de Google est néfaste, mais attendent que quelqu’un fasse le premier pas. Parmi eux, Dropbox, Box.net, Amazon, Facebook, Twitter, Snapchat, Spotify ou encore Microsoft. La firme de Redmond aurait d’ailleurs été intéressée par participer financièrement, mais s’est finalement rétractée, préférant signer un accord de distribution : certains de ses logiciels, comme OneDrive, Cortana, Bing, Skype ou Outlook pourrait être préchargé dans de futures versions de la ROM Android.
Le juste milieu entre un technophile et un surfeur australien
Le journaliste de Forbes raconte sa rencontre avec Kirt McMaster, lequel est arrivé 20 minutes en retard en habit de ville. Qualifié physiquement de mélange difficile à prendre au sérieux entre un technophile et un surfeur, le patron de Cyanogen entame l’échange par une de ses phrases-chocs dont lui seul a le secret : « nous voulons mettre une balle dans la tête de Google ». Rien que ça. Une vision qui semble convaincre certains constructeurs. Alcatel OneTouch, Micromax et bien sûr OnePlus qui a été le premier à intégrer CyanogenMod dans son smartphone. Un pari gagnant, autant pour l’un que pour l’autre. Le journaliste de Forbes estime même que sans OnePlus, Cyanogen n’en serait pas là. C’est certainement vrai.
Et grâce à un partenariat avec Qualcomm, lequel est désormais aussi actionnaire, la signature de nouveaux contrats avec des constructeurs devrait être encore plus simple. Selon l’article de Forbes, le prochain pourrait bien être Blu Products, la marque de mobiles basée à Miami. Dans ce smartphone se trouveraient CyanogenMod et tout ce qu’il faut pour se passer de Google : Amazon AppStore, Dropbox, OneDrive, Nokia Here, Opera, Spotify, Cortana, Bing, etc. Une proposition cohérente, même si, rappelons-le, l’intérêt de Google réside d’abord dans le Play Store et son million d’applications. Amazon est loin du compte. Et Sundar Pichai, le patron d’Android, l’a répété à Barcelone en expliquant que l’intérêt des mobiles certifiés est l’intégration de la suite Google.
Un duo qui en rappelle bien d'autres...
La seconde partie de l’article rappelle comment CyanogenMod est née et comment la ROM est devenue une entreprise. À l’origine se trouvent Steve Kondik, le développeur et le hackeur qui a créé les premières étapes de CyanogenMod et qui a fédéré des milliers de développeurs autour de lui. C’est lui qui a attiré l’attention de Samsung, chez qui il a travaillé, mais aussi de Kirt McMaster, alors technophile opportuniste, plus à l’aise dans les négociations qu’avec les lignes de code. Un duo qui en rappelle bien d'autres, notamment Steve Jobs et Bill Gates. C’est aussi Kirt McMaster qui eut l’idée de créer l’entreprise à partir de Cyanogen. Une idée qui a eu quelques difficultés pour être crédible, autant pour Steve Kondik que pour les investisseurs potentiels. Mais les 5 millions d’utilisateurs de CyanogenMod de l’époque ont pesé dans la balance.
À cette époque, il fallait alors voir plus loin. Forbes dépeint une entreprise capable de faire la différence avec un système d’exploitation calibré, un écosystème de services complet, des partenaires puissants (notamment Qualcomm et Microsoft), une proposition attirante pour les constructeurs et, potentiellement, un business modèle adaptable et rémunérateur. Bref, une vraie société. Reste à savoir si les sorties de piste de son CEO, grâce auxquelles Cyanogen dispose d’une large couverture médiatique, ne lui porteront pas trop préjudice quand il s’agira de signer de futurs accords.