Même si nous ne nous en rendons pas compte aujourd’hui, le streaming de jeu vidéo repose sur une technologie qui pourrait entièrement révolutionner notre usage des applications et des logiciels au sens large. Et Google semble s’en rendre compte. Un article paru dans le magazine en ligne The Information dévoile en effet un projet chez Google qui délocaliserait les applications Android dans le cloud. Cela modifierait alors l’usage intrinsèque des applications et donc nos besoins pour y accéder : forfaits data, puissance des smartphones, etc.
Le streaming de jeu appliqué à toutes les applications
Revenons un peu sur les bases pour bien comprendre : les services tels que PlayStation Now de Sony, DiveIn de Square-Enix, Grid de nVidia, le service de streaming local de Steam ou plus généralement les services récents de jeux vidéo sur les Box de SFR, Bouygues Telecom ou Orange, reposent tous sur la même technologie. Un logiciel est lancé sur un PC à distance et ce qui normalement devrait s’afficher à l’écran est envoyé en streaming (via Internet ou un réseau local) vers un appareil à distance via un flux vidéo en MP4 (compatible avec tous les lecteurs vidéo actuels). C’est ce qu’il se passe entre un PC sous Windows et les Shield de nVidia. C’est ce qu’il se passe aussi entre Xperia Z3 et une PlayStation 4.
Cela sous-entend deux détails importants. D’abord, la puissance de calcul ne dépend plus de l’appareil en local, mais d’un serveur à distance. C’est également le cas de l’espace de stockage qui devient moins important. Ensuite, une connexion continue est nécessaire entre le serveur et la plate-forme cliente. L’intérêt est simple : avec un PC tout juste bon pour aller sur Internet, il est possible de jouer à des jeux dernier cri, car rien ne se passe localement. Voilà ce qu’il se passe dans le jeu vidéo. Imaginez que cela se décline sur toutes les applications sur Android ?
Bientôt un Play Store en streaming ?
Revenons-en à notre information d’origine. Google souhaite virtualiser les applications mobiles, en développant un système basé sur la technologie d’une start-up que l’entreprise a racheté récemment, Agawi. Ce qui veut dire que ces dernières ne seront plus téléchargées et exécutées dans le smartphone, mais sur un ordinateur à distance qui prendra sa place. Localement, rien ne change. Sauf que votre mobile ne servira alors plus qu’à une chose : recevoir un flux vidéo qui affichera les applications virtuelles. Cela devrait avoir trois conséquences économiques majeures sur le marché des applications, la vente des smartphones et les forfaits mobiles.
Commençons par les applications. Aujourd’hui, qui dit streaming, dit forfaits tout illimité avec abonnement mensuel. C’est déjà le cas dans la musique (Spotify, Apple Music, Deezer, etc.) et dans la vidéo (Canal Play Infinity, Netflix, etc.) et même dans le jeu vidéo avec les offres de Bouygues Telecom ou Numéricable-SFR. Alors pourquoi pas avec les applications de tout poil ? D’autant que ce modèle économique est plus logique vis-à-vis de l’usage où des serveurs ne se contentent plus de mettre à disposition des applications téléchargeables, mais font tourner ces applications. Des options en fonction de la disponibilité des serveurs et des applications hébergées pourraient même faire leur apparition...
Des mobiles qui n'auront plus besoin d'être puissants ?
La seconde conséquence concerne les smartphones. Puisque la puissance et l’espace de stockage des mobiles n’est plus une condition sine qua non à l’usage de certains contenus et services, les applications en streaming sur mobile pourraient signer le déclin de la téléphonie haut de gamme telle que nous l’entendons aujourd’hui, notamment sur Android où, actuellement, le segment premium est défini par le chipset, le GPU, la quantité de RAM et d’espace de stockage. Restent bien sûr des éléments importants en local, comme la batterie, l’écran ou le capteur photo. Mais ce sont bien les seuls. Et si la téléphonie haut de gamme devenait celle du design et non plus celle de la technologie ? Et si la pertinence actuelle de Qualcomm devenait... caduque ?
Dernière conséquence, les forfaits mobiles (et techniquement les réseaux mobiles) devraient évoluer pour intégrer ce nouvel usage. Si les applications sont accessibles à distance, il faut une excellente connexion de façon presque permanente (pour conserver une certaine disponibilité). Cela induit une consommation en terme de data beaucoup plus importante, pour un usage strictement identique. Il faudra donc des forfaits adaptés, illimités non plus uniquement au niveau marketing, mais aussi en pratique. Et les réseaux devront s’adapter à ce nouvel usage. Ce sera certainement à Google d’entreprendre une vulgarisation auprès des opérateurs qui facturent particulièrement cher aujourd’hui leur plan data. Un projet de longue haleine se profile pour la firme américaine...