Google News Lab : non, Google ne sauvera pas le journalisme !

Google peut-il sauver le journalisme à l’heure du tout numérique ? C’est ce qu’il voudrait croire (et faire croire) en dévoilant News Lab, un ensemble de services et de technologies développées pour aider les médias à créer des contenus. Mais est-ce vraiment ce qui manque au journaliste ?

La Rédac LesMobiles - publié le 30/06/2015 à 15h02

Il y a deux semaines, nous évoquions dans nos colonnes un document émanant du centre d’étude interne à l’agence de presse Reuters. Ce rapport expliquait que les Internautes font moins confiance aux médias qu’aux réseaux sociaux et qu’ils refusent tout type de monétisation de l’audience, que ce soit la publicité, les contenus sponsorisés ou les abonnements. Il faut dire que l’écosystème du contenu éditorial sur Internet s’est dégradé avec le temps : la gratuité induite (et fausse) des contenus sur Internet, l’émergence d’un éditorialisme subjectif (les blogs) et non informatif ont détérioré l’image des médias, tandis que l’économie du contenu rédactionnel s’est paupérisée.

News Lab : faire mieux, sans gagner plus

Comme s’il s’agissait d’une réponse à cette plainte lancinante, Google a présenté la semaine dernière News Lab. Une initiative qui vise à améliorer la visibilité et la pertinence du contenu journalistique sur Internet. News Lab est constitué d’outils de mesure d’audience, ainsi que de rapports visant à accroître la connaissance des sujets éditoriaux qui intéressent les lecteurs. News Lab se connecte ainsi à Trends, Maps, Search, YouTube, Fusion Tables et Earth pour créer des tableaux de bord. Ces derniers aideront les rédactions à choisir leurs sujets et à améliorer leurs articles vis-à-vis des moteurs de recherche.

Dans le cadre de ce programme, qui concernera dans un premier temps les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, Google s’est associé à Matter, un incubateur spécialisé dans les médias basés à San Francisco. Il aidera les start-ups et les entrepreneurs du monde des médias à saisir des opportunités et à se développer. Bien sûr, tout cela ne touche pas vraiment aux problèmes de fonds du journalisme en ligne. Car même si News Lab militera certainement activement à un meilleur contenu éditorial sur Internet, la confiance ne sera pas forcément restaurée avec les lecteurs et la monétisation de l’audience est ici totalement occulté.

Une belle preuve d'hypocrisie

Il y a même une hypocrisie sous-jacente dans la proposition de Google. Pour trois raisons. D’abord, Google génère un trafic considérable grâce aux contenus éditoriaux, que ce soit via les recherches effectuées sur son moteur de recherche ou les articles lus depuis Google Actualité. Ce sont autant d’opportunités publicitaires qui sont et seront offertes. Pour autant, rien ne sera fait financièrement.

Bien sûr, la firme de Mountain View montre officiellement patte blanche avec quelques (rares) initiatives telles que le fonds pour l’innovation numérique de la presse, lequel passera l’année prochaine d’un statut franco-français à une envergure européenne. Google participera à l’économie de la presse à hauteur de 50 millions d’euros par an (contre 20 millions entre 2013 et 2015). Une peccadille face à l’argent que son moteur de recherche lui rapporte, même en France. Et une misère vis-à-vis des aides consenties par le Ministère de la Culture...

Google se bat encore aujourd'hui contre les médias européens

La seconde raison est une extension de la seconde. Google a toujours refusé de participer à l’écosystème (dans le sens économique) du contenu éditorial à hauteur de ce que celui-ci lui rapporte. Le groupe affronte depuis plus de trois ans les différents regroupements de la presse européenne (notamment en France, au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Espagne), ainsi que les institutions règlementaires, comme la Commission européenne qui l’accuse d’abus de position dominante sur la recherche en ligne. Et pour parvenir à créer le fonds cité ci-dessus, des négociations difficiles ont eu lieu sur le second semestre 2012.

Troisième raison, cela ne fait en rien disparaître le principal problème des sites média : monétiser l’audience. Car le problème n’est pas tant de toucher des lecteurs que de se rémunérer grâce à la diffusion de ces contenus. Bien sûr, Google n’est pas le seul fautif de cette situation. Mais il est triplement concerné : il monopolise le marché publicitaire (augmenter le trafic ne servirait donc pas à grand-chose), il profite du trafic généré par les contenus, mais ne participe pas à en faire une économie pérenne (il le fait pourtant dans le domaine de la musique).

« Nos Internautes ont besoin d’une presse forte ». Et payée ?

Le patron de Google EMEA, Asaro Biondo, a affirmé en mars dernier, lors d’une réunion organisée par le fonds pour l’innovation numérique de la presse, que la firme « s’intéresse au journalisme, car c’est un des fondements de la démocratie. Nos Internautes [vous remarquerez le déterminant qui indique que les Internautes appartiennent à Google], dans le monde entier, ont besoin d’une presse forte ». Mais aussi forte soit-elle, la presse a besoin de payer ses journalistes. Et quand les « Internautes de Google » refusent de participer, qui le fera ?

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