Avec le One, OnePlus a simplement bousculé les idées reçues. La jeune start-up chinoise a créé le « flagship killer », un téléphone aux spécifications techniques meilleures qu'un Galaxy S5, à l'interface CyanogenMod affutée et au prix totalement indécent. Oui, le OnePlus One a été le smartphone Android de l'année 2014. Son fabricant, fébrile, mais pas fou, en a écoulé plus d'un million, malgré un système d'invitation qui a contraint les consommateurs à attendre (et parfois même à abandonner en cours de route). Mais au final, l'entreprise a redéfini le segment de la téléphonie à 300 euros en moins d'un an d'existence. Un événement certainement comparable à l'arrivée de l'iPhone et du Galaxy Note.
Difficile de donner une suite au OnePlus One
Après un tel bouleversement, difficile de donner une suite à une telle histoire. Pourtant Carl Pei, le fondateur de OnePlus s'y est attelé. Après plus d'un an et demi de développement, de mésaventures internationales (avec Cyanogen et Micromax) et certainement beaucoup de questions existentielles sur les choix à faire ou à ne pas faire en terme technologique, la start-up a finalement dévoilé le OnePlus 2 cet été. Un smartphone qui ressemble beaucoup à son grand frère. Cependant, dès les premiers instants, le OnePlus 2 reflète une plus grande maîtrise, notamment sur la conception extérieure du téléphone. Une maîtrise qui a une contrepartie : la fougue des premiers instants a clairement disparu. Avec ce deuxième smartphone, malgré les très belles améliorations, la magie n'est plus là.
Des concessions discutables
Une absence qui commence dès la fiche technique du smartphone, avec quelques incompréhensions vis-à-vis de la promesse et du slogan de l'entreprise : « Never settle ». Car malheureusement, des compromis ont été faits. Voyez plutôt :
- dimensions 151.8 x 74.9 x 9.9 mm
- poids : 175 grammes
- ratio écran / taille : 73,3 %
- écran LTPS Full HD de 5,5 pouces (résolution de 401 pixels par pouce) protégé par un verre renforcé Gorilla 4 de Corning
- chipset Snapdragon 810 de Qualcomm avec quatre coeurs Cortex-A57 cadencés à 1,8 GHz et quatre coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,55 GHz.
- GPU Adreno 430
- 3 ou 4 Go de mémoire vive
- 16 ou 64 Go de stockage interne (non extensible)
- batterie de 3300 mAh (non amovible)
- compatible LTE catégorie 6, WiFi ac, Bluetooth 4.1, GPS (Glonass)
- port microUSB type-C réversible
- lecteur d'empreinte digitale
- capteur photo 13 mégapixels avec double LED, autofocus laser et stabilisateur optique d'image, compatibilité 4K en vidéo
- webcam 5 mégapixels compatible 1080p en vidéo
- deux ports SIM
- Oxygen OS 2.0 sur une base Android 5.1.1
Plusieurs détails nous chagrinent dans ce smartphone, et nous ne parlons pas de l'absence du Quad HD qui est certainement un choix raisonnable (partagé par Sony, Huawei et Apple). Nous ne parlons pas non plus de l'absence du port microSD, regrettable, mais sans plus. Nous parlons d'abord de l'absence de connexion NFC qui va exclure le OnePlus 2 de la compatibilité avec Android Pay. Nous parlons aussi des concessions faites pour intégrer le Snapdragon 810, notamment en terme de performances. Comme Sony, pour éviter la surchauffe, OnePlus a sous-cadencé le chipset à une vitesse légèrement inférieure à 1,8 GHz et a bridé l'activation des coeurs les plus puissants. Nous verrons plus en détail les conséquences de ce choix. Pour information, notez que notre exemplaire de test est une version 4 GO de RAM et 64 Go de stockage.
Une construction plus aboutie
Commençons ce test par l'aspect extérieur du OnePlus 2. Les lignes du mobile ressemblent beaucoup à celles de son prédécesseur, notamment sur les tranches et à l'arrière. Cependant, OnePlus apporte ici une vraie touche premium, grâce à quelques détails mesurés. Cela commence à l'avant : nous reconnaissons aisément l?écouteur téléphonie surplombant la grande dalle de 5,5 pouces, mais les bordures argentées très typées « Oppo » ont disparu. L?écran est toujours souligné par une zone tactile, mais celle-ci est désormais agrémentée d'une touche tactile physique sous laquelle se cache le lecteur d'empreinte digitale. De chaque côté se trouvent deux zones tactiles paramétrables (par défaut, ce sont les deux éléments de navigation d'Android).
À l'arrière, nous retrouvons la fameuse texture Sandstone Black du One, mais celle-ci ne couvre plus les tranches, mais simplement la face arrière du téléphone. Cette partie du téléphone s'enlève désormais (comme sur un smartphone Samsung) et donne accès au tiroir des deux cartes SIM : c'est le fameux système Style Swap pour changer la coque du téléphone. Notez que le Style Swap supplémentaire coûte 27 euros (il y en a quatre disponibles). La batterie n'est pas amovible. Au milieu du châssis arrière se trouve le nouveau bloc photo, légèrement plus bas donc que celui du One. Vous pouvez facilement observer l'autofocus laser sous l'objectif photo et la paire de flash LED.
C'est sur les côtés que les améliorations sont les plus visibles, puisque la partie qui, auparavant, était protégée par la coque Sandstone est désormais renforcée par un contour en magnésium brossé du plus bel effet (un matériau utilisé aussi pour le châssis interne). Les boutons sont également en métal. Ils sont désormais au nombre de trois : la mise en marche, le volume et le mode silencieux (une idée piquée à l'iPhone). Le volume rejoint d'ailleurs à droite la mise en marche pour laisser sa place à cette touche qui active ou désactive le mode silencieux. Le microUSB, aujourd?hui type-C, est toujours sur la tranche inférieure, entouré de deux grilles haut-parleurs dont les trous sont plus larges. Le jack 3,5 mm est à son opposé.
Une prise en main plus qualitative
La prise en main du téléphone est légèrement différente, même si nous retrouvons partiellement nos marques, notamment grâce à la courbure à l'arrière du téléphone. Cependant, la touche tactile sous l?écran, le nouveau bouton physique et surtout le poids de l'appareil, alourdi par le magnésium qui compose son châssis, offrent des sensations bien différentes une fois en main. La préhension du téléphone est clairement meilleure, plus affirmée et plus qualitative. Un vrai smartphone haut de gamme dans toute sa splendeur.
L?écran reste en revanche relativement identique et ce n'est pas plus mal. Car la résolution de dalle, approchant les 400 pixels par pouce, est largement suffisante, comme sur le OnePlus One. Comme pour ce dernier, les couleurs sont respectées, la luminosité est bonne et le contraste profond. Et les angles de vision ne sont pas très ouverts, un des défauts du flagship killer. La dalle de Gorilla 4, si elle est certainement plus solide que le Gorilla 3 du One, offre une glisse identique sous les doigts. Aucun reproche à faire ici.
Une ROM Android plus stock que stock
Avec le OnePlus One, nous avons découvert une version de CyanogenMod particulièrement légère et basée sur KitKat. Elle a ensuite été remplacée par Oxygen OS lors de sa migration vers Android Lollipop. Avec le OnePlus 2, Oxygen OS est préembarqué, ici en version 2.0, sur une base Android 5.1.1. La ROM customisée par la start-up chinoise, qui a engagé une partie de l?équipe de développement de la ROM Paranoid Android (vous suivez toujours ?), offre ici un environnement très proche de l'expérience Vanilla de Lollipop.
Interface d'Oxygen OS
Les menus (paramètres, application, notifications, etc.) n'ont pas été retouchés. Quelques options ont été insérées dans les paramétrages pour affiner la prise en main. L'ersatz de Knock On est toujours présent, ainsi que les gestes sur écran éteint (V pour la lampe torche, O pour l'appareil photo, etc.). Le comportement des touches tactiles est paramétrable. Le mode « sombre » du OnePlus One est présent, mais le sélecteur de thème a été supprimé. De même pour la sélection du profil de performance. En revanche, OnePlus a ajouté un écran supplémentaire intéressant appelé Shelf. Placé au même endroit que Google Now sur les Nexus, il s'agit d'un menu présentant des informations pratiques : applications fréquentes, les contacts préférés, l?heure, la météo. Une bonne idée. Dommage qu'il faille l'activer manuellement.
Clavier Swiftkey, Shelf et Audio Tuner
Côté applications préembarquées, vous retrouvez l'ensemble de la suite Google, sans aucun oubli. À cela s'ajoutent deux logiciels. Le premier est Switfkey, le clavier glissant avec lequel OnePlus a signé un partenariat pour intégrer la version premium dans ses smartphones. Switfkey était déjà présent dans le OnePlus One via une mise à jour de Cyanogen. Le second est Audio Tuner, un égaliseur complet pour paramétrer le chipset audio selon trois profils distincts (musique, film et jeu). Il s'agit là d'un excellent ajout pour affiner le profil sonore du téléphone en fonction de l'usage.
Un Snapdragon muselé ?
L'ensemble du système tourne relativement bien, malgré, parfois, quelques difficultés à lui faire activer les 8 coeurs de son Snapdragon 810 (difficulté augmentée par l'absence de selecteur de profil de performance). Pendant nos tests, rares ont été les moments où les huit coeurs étaient actifs en même temps. Les quatre Cortex-A53 sont actifs en permanence, tandis que les quatre Cortex-A57 sont rarement présents, avec des résultats sur les benchmarks à première vue très décevants.
Nous avons mesuré 43 000 points sur AnTuTu au premier jet, loin, très loin derrière le Snapdragon 810 du OnePlus One. Un score presque honteux. Puis, nous nous sommes rendus compte qu'il s'agit d'un score obtenu par les quatre Cortex-A53 seuls. Au bout de quelques tests avec d'autres outils, nous sommes revenus sur AnTuTu et avons obtenu un score supérieur à 55 000 points, puis supérieur à 60 000 points, soit le meilleur score jamais obtenu avec ce chipset. Il faut être patient avec le Snapdragon 810...
Test successifs sur AnTuTu
Dans l'ensemble, le OnePlus 2 est une plate-forme Snapdragon 810 capable, mais difficile à tester, tant les protections pour éviter la surchauffe sont nombreuses. Nous avons obtenu avec ce mobile 22 111 points sur 3DMark Ice Storm Unlimited, 2026 points sur 3DMark Sling Shot 3.0, 1612 points sur Basemark OS II, ainsi que 1223 et 4635 points sur Geekbench 3 (respectivement en single-core et en multi-core). La propension de ces Cortex-A57 à se désactiver à la première occasion venue altère certainement les véritables possibilités du téléphone, même si, dans l'ensemble, son comportement est relativement bon.
CPU-Z, Basemark OS II et Geekbench 3
Deux autres remarques liées aux performances. D'abord la batterie. Celle-ci est généreuse et le chipset n'en abuse pas. En revanche, l'absence de Quick Charge 2.0 (presque incompréhensible) augmente vraiment le temps d'attente : 20 % chargé en une heure, c'est trop peu. En revanche, le câble USB livré, presque identique à celui du OnePlus One, est plus long. Et ça c'est bien mieux à l'usage. Seconde remarque : même si le Snapdragon 810 ne surchauffe pas, il chauffe quand même. La chaleur du chipset est redirigée vers l'extérieur grâce au châssis métallique. Ne vous étonnez donc pas si vous ressentez une petite poussée de fièvre contenue sur la partie de vos doigts en contact avec le contour.
3D Mark Ice Storm Unlimited, Sling Shot ES 3.1 et Sling Shot ES 3.0
Encore perfectible en multimédia
Le comportement du chipset, qui a fait l'objet, il y a quelque jour, d'un article dans nos colonnes, pourrait sembler curieux. Cependant, le système est suffisamment bien réglé pour offrir assez de puissance au moment où le smartphone en a besoin, même si, régulièrement, il doit faire quelques « pauses » pour s'autoréguler. Ainsi, en jeu, le smartphone conserve une assez bonne tenue. Que ce soit avec Dead Trigger 2 ou Modern Combat 5, le jeu reste fluide, quelle que soit la situation, et le passage de temoin entre le quad-core Cortex-A57 et le quad-core Cortex-A53 ne se fait pas vraiment ressentir en cours de jeu. Ajoutez à cela la bonne prise en main générale et l'excellent Gorilla Glass et vous obtenez une petite console de jeux portables.
Dead Trigger 2 et Modern Combat 5
En revanche, côté vidéo, le OnePlus 2 offre le minimum syndical : le lecteur par défaut est celui d'Android stock. Si OnePlus a clairement indiqué qu?Oxygen serait une ROM très proche de l'expérience Vanilla, tout en proposant des améliorations et des optimisations, il évite soigneusement d'offrir des applications supplémentaires, contrairement à Cyanogen avec le OnePlus One. Ainsi, le OnePlus 2, malgré son bel écran et sa plate-forme puissante, se révèle être un assez piètre lecteur vidéo, lisant essentiellement les formats les plus communs. Un petit tour sur le Play Store sera nécessaire pour pallier à ce petit souci.
De très nettes améliorations en photo
En Photo, OnePlus promettait de grandes améliorations vis-à-vis du One dont c?était l'un des points faibles. Si son successeur ne dispose pas d'un capteur plus fin (même nombre de mégapixels), il gagne cependant un stabilisateur optique et un autofocus laser, sans oublier le coprocesseur d'images du Snapdragon 810, assurant, en théorie, un résultat de meilleure qualité. Et c'est le cas : les couleurs offertes sont plus contrastées, la luminosité est maîtrisée et le piqué est meilleur. Bref, il y a de nombreux points d'amélioration vis-à-vis du One. D'autant que le stabilisateur et l'autofocus laser suppriment pratiquement tous les résultats flous. Mais la proposition est-elle pour autant aussi bonne que chez Samsung, Sony ou Apple ? Non. Parce que les photos manquent de finesse et ne parviennent pas forcément à équilibrer la luminosité de la scène.
Photo prise avec le OnePlus 2
Et cela a certainement à voir avec l'aspect logiciel du smartphone. Comme le One, OnePlus a choisi ici de se passer de l?API appelé Camera2. Celle-ci permet par exemple d'installer des applications additionnelles qui seront capables d'offrir des réglages fins (ouverture, vitesse d'obturation, flou d'arrière-plan, etc.). Ici, l'application photo, comme d'autres éléments d?Oxygen, reste très proche d'Android stock. Cela sous-entend qu'elle ne propose rien de plus. Il y a naturellement les modes accéléré et ralenti en vidéo, il y a bien un autofocus manuel avec un réglage de la luminosité, mais cela manque terriblement de quelques réglages additionnels que OnePlus refuse, une seconde fois, d'offrir à ses usagers.
Un très bon mobile sous Snapdragon 810...
Le OnePlus 2 est assurément un bon smartphone, avec de belles finitions, et ce malgré des choix discutables (notamment sur l'absence de NFC) et des défauts qui n'ont pas été corrigés (pas de réglages fins en photo, une ROM customisée moins fonctionnelle que CyanogenMod). Il y a trois questions que nous nous posions au début du test de ce OnePlus 2. D'abord, est-il meilleur que son aîné ? Ensuite, est-il meilleur que les concurrents les plus directs ? Enfin, est-il un flagship killer au même titre que son aîné ?
À la première question, la réponse est naturellement oui. Même si le Snapdragon 810 a des difficultés à montrer son plein potentiel, le OnePlus 2 offre plusieurs améliorations notables, même au niveau des performances. L'augmentation de la RAM et l'usage d'une ROM extrêmement légère aident naturellement à obtenir ce résultat. De plus, la photographie, loin d?être encore parfaite, montre une progression flagrante vis-à-vis du OnePlus One. Enfin, la compatibilité 4G est largement meilleure.
À la seconde question, la réponse est également positive, même si elle est plus mitigée, notamment face au Xperia Z3+. Ce dernier, comme probablement son successeur le Xperia Z5, est meilleur en photo et en autonomie, pour des performances globalement similaires. De plus, Sony a intégré certains logiciels multimédia maison très performants (même s'ils sont moins nombreux que ceux qui sont inutiles). À l'inverse, OnePlus a pris le parti d?éliminer les outils supplémentaires de CyanogenMod sans les remplacer. Cependant, le prix du mobile est un argument extrêmement positif en faveur du OnePlus 2 : 700 euros le Xperia Zx contre 400 euros pour le concurrent chinois.
Mais pas vraiment un « flagship killer »
À la dernière question, nous aurions cependant tendance à répondre négativement. Si le rapport qualité-prix du OnePlus 2 est excellent, le smartphone en lui-même surprend moins. Et c'est peut-être cela la plus grosse déception (au-delà de toutes les petites imperfections) : OnePlus a ouvert la voie à une concurrence qui s'appuie sur le même modèle économique pour proposer des produits équivalents. Pour être un vrai flagship killer, le OnePlus 2 aurait dû non seulement être meilleur que les concurrents (notamment le Galaxy S6), mais aussi arriver à créer la surprise qui n'aurait laissé aucun doute sur son statut. Et justement, pas de surprise au final. Juste une impression qu'il sera difficile pour Carl Pei de contenter ceux qu'il a fait rêver l'année dernière avec le One.