Au royaume des narcissiques, le selfie phone est roi. Autoportraitistes notoires, les téléphones dotés d'un oeil frontal exacerbé connaissent de plus en plus de succès. À tel point que cette compétence devient un argument de vente presque assez important pour se suffire à lui-même. Presque. Car il lui faut aussi démontrer sa superbe auprès des organes sensoriels de l'usager : les doigts, les yeux, les oreilles. On peut être un peu orgueilleux tout en étant technophile ! Avec la gamme Xperia C, Sony tente justement, depuis le C3, de combler ce besoin depuis quelques années en combinant d'une part un très grand écran et d'autre part une webcam un peu mieux loti que la moyenne, notamment par la présence d'un flash en façade.
Il faut flatter l'oeil de celui qui se regarde !
Seulement, le Xperia C4, testé dans nos colonnes en milieu d'année, n?était finalement pas une proposition à la hauteur de la concurrence. Car celle-ci s'est depuis largement organisée et étoffée. Nous avons publié cette dernière année les tests des représentants les plus emblématiques : le Desire EYE de HTC en décembre 2014, le Wiko Selfy 4G en septembre dernier et le ZenFone Selfie en octobre. Sony se devait donc de revenir très vite aux bases de son concept : bon appareil photo à l'avant, bel écran et rapport qualité-prix avenant. Sur les deux premiers éléments, le pari est réussi avec ce C5 Ultra, qui se veut presque être la réunion de la gamme C et de la gamme T (le C5 Ultra était d'abord pressenti pour être le T4 Ultra). Nous verrons que sur la partie purement technique, ce n'est pas encore tout à fait ça. Voici en préambule la fiche technique du smartphone :
- dimensions : 164,2 x 79,6 x 8,2 mm
- poids : 187 grammes
- ratio écran / taille : 75,9 %
- écran 1080p de 6 pouces (résolution de 367 pixels par pouce) optimisé Bravia Engine 2
- chipset MT6752 de MediaTek avec huit coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,7 GHz.
- GPU ARM Mali 760-MP2
- 2 Go de mémoire vive
- 16 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC)
- batterie de 2930 mAh (non amovible)
- compatible LTE catégorie 6 (selon les réseaux), WiFi ac MiMo, Bluetooth 4.1, GPS (Glonass), NFC, DLNA, radio FM
- chipset audio ClearAudio+, haut-parleur frontal mono
- capteur photo Exmor RS 13 mégapixels avec flash LED, autofocus, objectif 25 mm grand-angles (80°), stabilisateur numérique, compatible Full HD en vidéo
- webcam Exmor RS 13 mégapixels avec flash LED, objectif grand-angle (88°) 22 mm, autofocus, compatible Full HD en vidéo
- Android 5.0 avec interface Xperia UI (mise à jour vers Marshmallow annoncée)
Dans cette fiche technique, vous aurez remarqué que Sony a, une nouvelle fois, troqué un chipset Qualcomm contre un chipset MediaTek, comme sur le Xperia C4. De ce dernier, il reprend quasiment l'entièreté de la fiche technique à part quelques corrections : la taille de l?écran, la capacité de la batterie et bien sûr la webcam. Vous remarquerez aussi que le capteur photo avant est aussi bien loti que celui à l'arrière, ce qui tend à légitimer le positionnement du C5 Ultra dans la catégorie des selfie-phones.
Omnibalance d'hier
Cependant, vous aurez également deviné que le C5 Ultra, par son suffixe Ultra, fait aussi partie des phablettes. Et pas n'importe lesquelles : les phablettes de 6 pouces. Le Xperia C5 Ultra prend ainsi la suite du Z Ultra, premier mobile de la marque à atteindre (et dépasser même) cette limite, et le T2 Ultra. Comme pour confirmer cela, le C5 Ultra conserve l'ancien design Omnibalance de la gamme Xperia, le nouveau ayant été inauguré avec les Xperia Z5 et Z5 Compact. Et plus précisément le design du Xperia Z3+ (avec le haut-parleur caché dans l?épaisseur des bordures autour de la dalle et le bouton d'allumage rond sur la tranche de droite), alors que le Xperia C4 s'appuyait sur celui du Xperia Z3 (écouteur téléphonique visible au milieu de la bordure supérieure). Dommage que ce Xperia C5 Ultra n'en bénéficie pas, afin de créer un effet de gamme plus saisissant.
Nous retrouvons donc une coque en polycarbonate brillante à l'arrière où se trouve le capteur photo principal, finalement assez petit par rapport à celui du T2 Ultra (également à 13 mégapixels), mais toujours souligné par un flash et le micro pour la réduction de bruit active. Vous aurez peut-être l'impression, sur les photos que la coque est extractible : détrompez-vous. A l'avant, deux remarques importantes à faire. D'abord, l'objectif du capteur visio est bien plus grand que celui à l'arrière, alors que leur dimension est identique. Ceci est une conséquence de la lentille grand-angles, caractéristique que vous retrouvez également chez HTC (Desire EYE), Sony (Xperia C3) et Asus (ZenFone Selfie).
Seconde remarque : les bordures autour de l?écran sont bien plus fines que d?habitude, notamment celles sur les côtés. Conséquence, l?écran semble encore plus grand visuellement. Notez que le ratio écran/taille passe de 71,7 % sur le C4 et le T2 Ultra, à 75,9 %. La différence est considérable. Le C5 Ultra est donc plus petit que le T2 Ultra, mais aussi plus épais. Certainement une conséquence de la nouvelle webcam.
Courtiser les sens
Comme nous l'avons évoqué, le C5 Ultra reprend d'anciens codes ergonomiques de la gamme Xperia, notamment sur les tranches avec le bouton rond de mise en marche. Nous retrouvons donc, à droite, les touches de volumes qui restent à proximité du pouce (alors qu'elles sont plus difficilement accessibles depuis le Z5), le déclencheur photo mécanique dans le coin inférieur. À leur opposé, le mobile dispose d'une trappe non étanche (en tout cas, pas officiellement) pour accéder à la SIM et à la microSD. Les tranches restent ici bien rondes, comme sur le Z3+, et, petite surprise, se couvrent à gauche et à droite de métal (tandis que les deux autres bordures restent en plastique).
Ces deux bordures en métal sont un détail particulièrement étonnant. Car cela donne un cachet plus haut de gamme à ce smartphone qui, dans l'ensemble, est solidement ancré sur le milieu de gamme. La prise en main est donc tactilement qualitative, même si les dimensions du smartphone en font plus une petite tablette qu'un téléphone, notamment quand il est porté à l'oreille. Heureusement, un bon casque kit mains libres offrira à tout narcissique tout risque d'embarras public ! Pour le reste, la manipulation du téléphone reste classique. Et nous sommes ravis de retrouver les emplacements originels des touches mécaniques du design Omnibalance, notamment pour le contrôle du volume.
L?écran est le mariage parfait entre celui du T2 Ultra et celui du C4 : il hérite du premier sa taille et du second sa définition. Amélioré par le moteur de rendu Bravia Engine 2, cet écran, même sans la technologie Triluminos, reste de bonne qualité. La luminosité est puissante. Le contraste profond (mais pas autant que sur le Z5). Les angles de vision sont bien ouverts. Seul petit regret, les couleurs ne sont pas aussi riches que sur les écrans Triluminos. Le verre de protection au-dessus n'est pas du Gorilla Glass, mais il offre une bonne glisse. Le mobile répond donc rapidement à toutes les sollicitations.
Une interface moins seyante qu'avant
À l'image du design extérieur, l'interface du Xperia C5 Ultra n'est également pas la dernière version proposée par le constructeur. Pire, nous ne disposons pas ici de la version d'Android Lollipop, mais de l'avant-dernière, numérotée 5.0. Le C5 Ultra sera mis à jour vers Marshmallow. Cela se traduira certainement par une migration vers l'interface des Z5 et des Z5 Compact, voire celle actuellement en développement chez Sony en Scandinavie. En attendant, vous serez bloqués avec celle du Z3+, surchargée et organisée de façon arbitraire pour satisfaire toutes les exigences : celles de Sony, celles de Google et celles des partenaires commerciaux.
Xperia UI, toujours très chargée
Un mode « Operation à une main » pour manipuler ce large écran sans devoir se contorsionner les doigts est aussi présent. Sur l?écran d'accueil, vous retrouvez ainsi Whats New, la boutique applicative maison de Sony également présente ici via son widget (n'est-ce pas un peu trop ?), ainsi que la suite multimédia du constructeur (Album, Video, Musique, PlayStation). Certains développements récents de Sony sont répercutés ici : l'accès à Spotify depuis le hub PlayStation et la compatibilité avec la fonction Second Écran de la PS4 (attention, ce n'est pas Remote Play).
Mode « Operation à une main »
Dans les raccourcis permanents, autour de l'accès au menu des applications, ont été placés le Play Store, la suite Google Play Services et les fonctions basiques de la téléphonie (appels et SMS). Où se trouve le navigateur Web ? Pour un accès rapide, vous devrez en passer par Google Now, ou aller le chercher dans le menu où il est caché, au milieu de plusieurs dizaines d'autres logiciels préinstallés.
Suite multimédia Sony
Car, comme nous l'indiquions précédemment, les applications sont nombreuses dans ce Xperia C5 Ultra. À l'image du Z3+, Android est ici surchargé. Et ce malgré le fait qu'il soit possible de ranger davantage d'icônes par bureau grâce aux dimensions de la dalle. Nous avons régulièrement rappelé dans nos tests que cela n'est pas un signe « qualitatif » pour une marque comme Sony. D'autant que, contrairement aux Xperia Z5 et Z5 Compact, qui proposent de supprimer certaines applications préinstallées, il n'est possible ici que de les désactiver, ce qui ne libère pas autant de place dans la mémoire du téléphone déjà bien encombrée.
Désactivation d'une application
Des performances dithyrambiques
La désactivation est donc une demi-solution pour étendre l'espace disponible, mais aussi l'autonomie (qu'il est possible d'optimiser grâce aux modes Stamina de Sony) et la réactivité de l'ensemble du système. Une réactivité qui est déjà bonne dans cette configuration et qui aurait pu être encore meilleure si Sony avait été plus raisonnable. Car, côté performances, le C5 Ultra est clairement l'un des meilleurs selfie-phones actuels, hormis le toujours excellent Desire EYE et sa configuration « haut de gamme dépassé ». Sur les benchmarks, il dépasse non seulement les Xperia C4, T3 et T2 Ultra, mais aussi le ZenFone Selfie d'Asus et le Selfy 4G de Wiko.
Sur AnTuTu, il totalise 46 618 points, soit un score de Snapdragon 801 et presque de Snapdragon 808. Sur 3D Mark il atteint les 10 512 points, malgré un GPU pas particulièrement brillant. Et sur Basemark OS II, il atteint les 932 points, malgré quelques faiblesses au niveau de l'accès mémoire (typique des Xperia) et des graphismes (ARM Mali oblige). Des performances donc au-dessus de la mêlée, tout juste dépassées dans les tests graphiques par le Desire EYE grâce à son Snapdragon 801 et son Adreno 330. Nous pouvons voir ici tout le talent de Sony (parce que c'en est) dans l'intégration des composants : le ZenFone Selfie, pourtant équipé dans sa meilleure configuration d'un Snapdragon 615 et de 3 Go de mémoire vive, ne dépasse pas l'octo-core de MediaTek et ses 2 Go de RAM. Voilà une leçon pour tous les détracteurs de la marque japonaise. Petite remarque : depuis la dernière mise à jour Xperia UI, nous avons rencontré quelques instabilités. Elles devraient être résolues avec l'arrivée de Marshmallow.
Magnétique en multimédia...
Ces belles performances, associées aux autres atouts de la plate-forme (notamment l?écran et la configuration photographique), font de ce Xperia C5 Ultra une bonne plate-forme multimédia milieu de gamme. Nous avons pu le constater avec Dead Trigger 2, notre jeu étalon. Même si ce dernier a refusé d'activer les graphismes les plus détaillés (l'option était tout simplement absente), ce jeu de tir à la première personne s'est plutôt bien comporté. Nous avons ressenti quelques ralentissements dans la carte principale et dans les niveaux, mais rien qui n'aurait pu rendre la partie injouable. Comme pour d'autres modèles entrée et milieu de gamme (et contrairement au Z5 par exemple), il n'y a qu'un seul haut-parleur frontal, situé sous l?écran. À son opposé se trouve l?écouteur téléphonique, sans plus.
En vidéo, le constat est meilleur, puisque le C5 Ultra s'appuie sur le même lecteur vidéo que les autres membres de la famille Xperia. Un lecteur compatible avec la très grande majorité des formats vidéos, sous-titres inclus. Comme toujours, les codecs audio payants ne sont pas offerts. Mais cela n'enlève en rien la bonne expérience du téléphone. À cela s'ajoute l'immense écran de 6 pouces pour une expérience audiovisuelle « hors norme ». Peut-être que, sur un tel écran, la définition Quad HD aurait eu un intérêt. Cela aurait cependant nécessité de la part de Sony l'intégration d'un autre chipset (MT6795 ou Snapdragon 808). Ce qui aurait eu un effet sur le prix de vente...
Application vidéo
... mais surtout aguicheur en portrait
En multimédia, nous ne nous sommes pas trop attardés sur la vidéo et le jeu. Car le C5 Ultra est d'abord un selfie-phone, dont un mobile censé faire de belles photos. C'est donc en photo que nous avons passé le plus de temps. D'abord, si l'interface de l'application est globalement la même, nous notons l'arrivée de quelques modes de prise de vue supplémentaires dédiés au portrait. Ces modes sont d'ailleurs accessibles directement depuis l'accueil d'Android, sur un widget préinstallé par Sony. Avec certains modes, il est possible d'appliquer des effets spéciaux en direct grâce à la reconnaissance de visage. Notez que le flash à l'avant est clairement accessoire. À la distance d'une longueur de bras, le flash est souvent inutile et peut même gâcher une photo en surexposant le sujet.
Interface photo pour le capteur principal
Modes et raccourcis pour les dédiés aux selfies
En revanche, nous avons été étonnés de voir que les deux capteurs photos sont non seulement les mêmes (avec une optique différente à l'avant, beaucoup plus grande pour une prise de vue encore plus large), mais qu'ils offrent des résultats très corrects. À l'arrière, avec le mode intelligent (qui a parfois eu quelques difficultés à se positionner sur paysage ou sur portrait), les clichés sont détaillés. La scène ci-dessous est très sombre, avec une lumière généralisée peu propice aux images contrastées. Et pourtant, le résultat est là : du contraste, du détail, un bon équilibre et même quelques contours nuageux. Nous constatons aussi du grain dans les ombres. Mais le résultat est déjà bon.
Photo faite avec le capteur arrière du Xperia C5 Ultra
À l'avant, le résultat est très proche, même si, malheureusement, l'application néglige quelque peu la balance des blancs (alors que l'optique est équipée d'un autofocus), ce qui ternit les images et accentue le grain dans les coins sombres. Cependant, l?équilibre de la photo est aussi bon, malgré des conditions météorologiques moroses. Vous constatez que la photo est ici à l'envers, car l'outil de prise de vue réalise automatiquement un miroir de la scène. Cette fonction est usuelle dans le monde du selfie. Vous remarquez aussi que l'angle de prise de vue est vraiment plus large. Et pourtant, il n'augmente en réalité que d'une dizaine de degrés.
Photo faite avec le capteur avant du Xperia C5 Ultra
A entretenir avec piecettes, sonnantes et trébuchantes
Autant le dire, avec le C5 Ultra, Sony fait un joli coup double : il propose une phablette milieu de gamme douée en photographie, notamment dans les selfies. Nous ne sommes pas certains que les fans d'autoportraits cherchent un mobile avec une telle taille d?écran. Mais les amateurs de grands écrans trouveront certainement les capacités photographiques de ce C5 Ultra utiles. Est-il le meilleur pour prendre des selfies ? Il joue au coude à coude avec le ZenFone Selfie : ce dernier est moins cher, mais propose moins d'options photographiques, ce qui est évidemment dommage...
Côté performance, le C5 Ultra se pose comme l'un des meilleurs modèles dans la catégorie des spécialistes du selfie. Bien sûr, ce n'est pas la meilleure des phablettes milieu de gamme, même sur le segment des 6 pouces et plus. Nous aurions en effet préférer le vieillissant, mais toujours opérationnel Xperia Z Ultra, malgré une différence de prix en sa défaveur, ou encore le Mate 7, avec son design métallique et son lecteur d'empreinte. Bref, c'est un bon mobile. Mais est-ce suffisant ?
Car le Xperia C5 Ultra, sorti du cadre égocentrique de la phablette pour narcissique, n'est pas une si bonne affaire. Il n'est en effet pas donné : 399 euros au lancement, hors ODR et subvention opérateur. Ce prix le place en face de certains des cadors du rapport qualité-prix, comme le Honor 7, le OnePlus 2 et le Meizu MX5, par exemple, même si ces derniers ont, eux aussi, eu tendance à monter en gamme au niveau tarifaire. À vous de voir si la proposition de Sony, plus qu'un flagship standard, comble vos attentes (grand écran, bonne webcam). Sinon, inutile de vous attarder.