Historique, le jeu vidéo est un contenu qui a toujours subi le piratage, avant même le cinéma et la musique, certainement parce qu’il s’agissait du premier produit culturel « numérique » et « digital ». Sur Atari ST, Amiga 500 et autres « compatibles PC » sous MS-DOS, les disquettes de 3,5 pouces s’échangeaient par dizaines entre les joueurs, malgré les protections créées par les éditeurs pour contrer cette pratique. Une pratique qui a perduré bien évidemment avec le temps, jusqu’à nos jours sur smartphone.
Quel modèle économique pérenne ?
Nous évoquons régulièrement le sujet dans nos colonnes, car le jeu vidéo est traditionnellement la rubrique qui rapporte le plus d’argent sur les boutiques applicatives d’Apple, de Google et de Microsoft. Un sujet qui en amène évidemment un autre, celui du modèle économique freemium, parade la plus utilisée et la plus controversée contre le piratage. Controversée, car le piratage use de mécaniques basées sur la frustration du joueur pour l’amener à dépenser de l’argent.
Cependant, il y a comme un paradoxe économique dans le jeu vidéo, notamment sur mobile : les joueurs ne veulent pas payer et préfèrent pirater, tandis que les éditeurs, les développeurs et les artistes qui conçoivent ces mêmes jeux doivent gagner leur vie. L’année dernière, nous rapportions dans nos colonnes l’histoire de Monument Valley, magnifique production de Ustwo Games primée par Apple en tant que jeu de l’année 2014. Vendu 4 euros, le titre a été piraté à 60 % sur iOS et à 95 % sur Android. Le jeu a généré 5,8 millions de dollars de revenus, dont 81,7 % sur l’App Store, 13,9 % sur le Play Store et 4,3 % sur l’Amazon App Store. Le jeu compte plus de 10 millions d’installations uniques pour 2,44 millions d’achats officiels. Soit 25 % d’installations légitimes seulement.
1 joueur Android sur 12 a payé son jeu
Une histoire qui se répète aujourd’hui avec Punch Club, un jeu développé par Lazy Bear Games et édité par Tiny Build qui dévoile quelques chiffres. Arrivé sur Steam, App Store et Play Store en janvier dernier au prix de 5 euros, la simulation de boxe a été téléchargée pratiquement deux millions de fois. Mais seules 300 000 installations sont légitimes. 1,6 million sont donc des versions piratées (soit 81 %). 1,14 million concernent les versions sur ordinateur (PC, Mac, Linux) et 514 000 sur smartphones. 90 % des installations illégitimes proviennent d’Android. Pour chaque joueur légitime sur Android, il en existe 12 qui ne le sont pas (contre 4 sur PC et 2 sur iOS).
Notez que la répartition entre ordinateur et mobile, que ce soit en termes de vente que de piratage, est très similaire : le PC l’emporte encore dans les deux cas. Les joueurs PC dépensent donc plus (73 % des revenus) et piratent plus (68,9 % des versions illicites). La France fait partie des 10 premiers pays en termes de piratage (pratiquement en dernière position du classement), derrière l’Allemagne, les États-Unis ou encore la Pologne. Il s’avère même que la France est parmi les trois pays où le ratio entre ventes effectuées et copies pirates est le plus fort, ce qui est rassurant. La Chine, la Russie et le Brésil forment le Top 3 des pays les plus touchés par le phénomène.
Un impact considérable, mais dans quel sens ?
Il y a de nombreuses conclusions possibles à ces chiffres. L’impact sur les ventes directes du jeu est considérable, puisque seuls deux joueurs sur 10 ont payé leurs versions. Ce qui veut dire que, dans l’absolu, Tiny Build aurait pu gagner 5 fois plus en deux mois. Cependant, le gain en terme de joueurs (et donc de communauté) est 5 fois plus important que ce qu’ils auraient dû obtenir si le piratage était impossible. D’où certainement le choix de nombreux éditeurs, comme Gameloft, de rendre le téléchargement de leurs titres gratuit et d’imposer des achats intégrés.