Cela fait maintenant 30 ans que le marché de la musique vacille. 20 ans de stagnation et 10 ans de baisse. Depuis 2005 et la démocratisation de l’accès Internet en haut débit, les revenus de la musique n’ont cessé de s’effondrer. Jusqu’à l’année dernière. Car, dans son rapport datant de cette semaine pour l’année 2015, l’organisme représentatif des professionnels de la musique, l’IFPI, a annoncé que les revenus mondiaux de l’industrie ont progressé de 3,2 % par rapport à 2014. Un événement évidemment majeur auquel les services de streaming comme Apple Music, Google Play Music, Spotify ou Tidal ne sont pas étrangers.
Le streaming, premier moteur de croissance de la musique
Car la musique en streaming a été le principal moteur de la croissance mondiale, sinon le seul. Avec 2,9 milliards de dollars générés, les services de streaming réalisent une croissance de 45,2 %. Ils représentent aujourd’hui 19 % du marché de la musique, en croissance de 5 points, et 43 % des revenus de la musique dématérialisée (contre 45 % pour les téléchargements, en décroissance en 2015). Ils devraient devenir la première source de revenus de la distribution digitale de musique dès l’année 2016. En cinq ans, le chiffre d’affaires qu’ils enregistrent a quadruplé.
Selon l’IFPI, ce succès est l’oeuvre de la démocratisation du smartphone, de la généralisation du haut débit en mobilité et de la baisse des prix des abonnements téléphoniques. Ce mode de consommation est effectivement devenu populaire. Mais, comme l’a toujours expliqué l’organisme, ce n’est pas l’écoute gratuite qui génère de l’argent, mais bien les souscriptions payantes. Et leur nombre a progressé de 66 % en un an (et de 750 % en 4 ans) pour atteindre les 68 millions de personnes. La guerre que mènent Apple, Google et Spotify dans ce domaine a certainement été très bénéfique pour faire la promotion de leurs services et baisser les prix (avec les offres familiales ou l’intégration dans des forfaits mobiles, par exemple).
Les revenus digitaux sont désormais la première source de revenus, grâce à la croissance du streaming : 45 % du marché global, contre 39 % pour les revenus physiques (vente de disque) et 14 % pour les droits d’utilisation. Les ventes physiques ont continué de reculer, mais moins qu’attendu. La baisse n’est que de 4,5 %, contre 8,5 % en 2014 et 10,6 % en 2013. La France fait toujours partie des trois pays qui achètent le plus de disques (42 % des revenus nationaux), derrière l’Allemagne et le Japon, peut-être à cause de la nature anglo-saxonne des offres les plus plébiscitées et de leurs catalogues.
Un problème de monétisation de l'audience
Reste évidemment le problème de la monétisation. En effet, la consommation de musique a explosé en 2015. L’IFPI estime qu’il y a un milliard d’auditeurs de musique en streaming dans le monde. Mais la très, très, très large majorité des usagers (900 millions) optent pour les offres gratuites soutenues par la publicité et ne génèrent que 634 millions de dollars de chiffre d’affaires (24 % des revenus du streaming, 4% du marché de la musique). Tandis que les 68 millions d’abonnés premium (7 % de l’audience) rapportent 2 milliards de dollars (soit 76 % du chiffre d’affaires du streaming). Le graphique ci-dessous illustre bien ce déséquilibre. Ce qui veut dire que les revenus par auditeur sont encore très bas. Évidemment, de tels chiffres servent la soupe à Apple et son offre exclusivement payante. Reste à savoir comment les gestionnaires de ces services comptent améliorer cette situation...
Comparaison de l'audience et des revenus entre le premium (à gauche) et le gratuit (à droite)