Avec plus de 80 % de présence dans le parc installé mondial de smartphones et de tablettes avec Android, Google a réussi un exploit historique. D’autant que son système d’exploitation n’a pas encore soufflé ses 10 bougies. Cependant, derrière cet immense succès, la firme de Mountain View ne parvient pas à s’enlever une épine du pied bien gênante : celle de la fragmentation. Aujourd’hui, la dernière version publique en date d’Android, Marshmallow, anime 7,5 % du parc installé (alors qu’iOS 9 est présent dans 84 % des terminaux d’Apple). La version précédente, Lollipop, est présente dans 35 % des terminaux environ.
Combien d'usagers profiteront d'Android N dans un an ?
Trop de parties en présence
Ce qui sous-entend que pratiquement 60 % des mobiles en circulation fonctionne sur une version âgée de 18 mois, au moins. Et cela empire avec le temps. Il y a plusieurs conséquences à ce problème : sécurité des terminaux, complexité des outils de développement, expérience utilisateur de qualité diverse, incompatibilité avec certains services qui représentent une forte source de revenus, etc. Et surtout, c’est à se demander pourquoi Google dépense tant d’argent pour créer des versions d’Android qui ne seront jamais installées dans plus d’un terminal sur trois.
Mais à qui la faute ? Google qui échelonne le déploiement des versions auprès des constructeurs et des fondeurs ? Les constructeurs et les fondeurs pour qui le suivi des mises à jour est une source de coût considérable (multipliable par le nombre de modèles ?) Les opérateurs qui veulent valider (et parfois modifier) les ROM des téléphones qu’ils ont vendus ? Dans ce dossier très complexe, c’est une enquête conjointe de la FCC et de la FTC, les deux régulateurs américains en charge respectivement des télécoms et de la concurrence, qui pourrait déterminer qui doit faire les efforts et dans quelle mesure.
Un classement des bons élèves... et des mauvais
Et il semble que tous les acteurs en lice se renvoient la patate chaude, même Google. Selon une indiscrétion obtenue par l’agence de presse Bloomberg, la firme de Mountain View préparerait un tableau de bord spécifique au respect des mises à jour chez les constructeurs. Dans celui-ci se trouverait un classement des bons et des mauvais élèves. L’idée serait de montrer aux consommateurs (et aux instances publiques) qui met à jour le plus régulièrement ses terminaux et qui ne le fait pas.
Parmi les meilleurs élèves devraient se trouver ceux qui ont accepté d’appliquer les patchs de sécurité mensuels, une nouveauté d’Android Marshmallow. LG et Samsung en font partie. Selon Bloomberg, Motorola travaillerait également à y parvenir. L’agence de presse rappelle également que HTC a indiqué, par la voix de son patron américain, que cet objectif n’est pas réaliste. Parce qu’il faut de l’argent pour cela et que la firme taïwanaise en manque cruellement. Le développement d’une mise à jour et la procédure de test coûteraient plusieurs centaines de milliers de dollars par modèle. Quand même. D’autant que la priorité de ces mêmes constructeurs est de faire rentrer l’argent dans les caisses, pas de le dépenser.
Une réponse partielle à un problème global
Bien sûr, cette liste ne mettrait en lumière qu’une partie du problème : celui qui indique si oui ou non le constructeur accepte d’investir dans le développement de ROM pour leurs anciens terminaux. Mais il y a d’autres paramètres à prendre en compte, comme la date d’arrivée de la version AOSP d’Android chez les fabricants et les délais de validation des opérateurs qui veulent être sûrs que la ROM fonctionne avec leur réseau. Puisque la réponse de Google est incomplète, ce qui aurait dû ressembler à un levier pour aider les constructeurs à se responsabiliser se transforme en un outil de propagande politique.
À la décharge de Google, la fragmentation d’Android semble insoluble, car il y a trop de trop d'acteurs différents, trop de technologies et trop d'enjeux. Google a tenté d’aborder le problème dans le bon sens, notamment avec Android One, qui semblait être une initiative intéressante (car l’absence de mise à jour touche essentiellement l’entrée de gamme). Mais ce programme n’a pas eu le succès qu’il méritait. Que faudrait-il alors ? Restructurer complètement le système d’exploitation et faire table rase du passé ? Multiplier les nouveautés logicielles déconnectées du coeur du système (comme Allo) ? Ou devenir comme Apple, seul maître à bord de l’iPhone et d’iOS, quitte à restreindre l’accès à Android ? Le plus simple serait peut-être de laisser les régulateurs décider par eux-mêmes et contraindre l'ensemble de l'écosystème à aller dans un sens. En espérant que ce soit le bon.