Il y a deux semaines, nous pensions que la saga « Freedom 251 » était terminée. Malgré les suspicions (sur la réalité de l'offre), les tromperies (envoi de terminaux non conforme à la réalité), les mises en accusation et les perquisitions, l'affaire du smartphone le moins cher du monde (4 euros) semblait se diriger doucement vers une issue favorable : celle où les mobiles sont bien réels et où les précommandes seraient honorées par le fabricant à l'origine de l'opération, Ringing Bells. Mais il n'en est rien. Car, le téléphone, qui aurait dû commencer à être livré fin juin, n'est toujours pas disponible. Et surtout, il pourrait ne pas l?être du tout, encore une fois.
Freedom 251, en vrai
Des promesses creuses ?
L?histoire nous est révélée et résumée par Android Authority qui, derrière l'ironie du ton employé, relate clairement ce qu'il s'est passé depuis le 27 juin dernier, quand les dirigeants de Ringing Bells ont promis la livraison de 200 000 unités du Freedom 251. D'abord, la date de livraison des terminaux a doucement glissé du 28 juin au 8 juillet. Puis le nombre de terminaux a lui aussi été revu à la baisse à plusieurs reprises, passant de 200 000 à 10 000, puis à 5 000, puis à... rien. Et ceci malgré le fait que le Freedom 251 aurait été payé par 30 000 consommateurs (sur les 70 millions d'enregistrements).
Un porte-parole de Ringing Bells aurait déclaré à la presse indienne que l'entreprise sera capable de livrer les mobiles à la seule condition d'obtenir un peu « d'aide ». C'est-à-dire dire de l'argent évidemment. Selon le portail indien NDTV, Mohit Goel, le patron de Ringing Bells, a envoyé une lettre ouverte à son Premier ministre dans laquelle il demande un financement de l'entreprise afin de combler le gouffre entre le prix du mobile (251 roupies) et le montant des matériaux. Le montant : 500 milliards de roupies, soit 6,7 milliards d'euros. Son argument : Freedom 251 oeuvre simplement à démocratiser l'usage des smartphones partout en Inde (enfin, il le fera certainement s'il sort un jour). Sans cela, pas de mobile.
Modèle économique bancal
Il y a eu un double mensonge dans cette affaire et un problème moral. D'abord, sur la réalité du modèle économique. Non, l'entreprise n'a pas été capable de financer d'elle-même la différence entre le coût des composants et de la manufacture et le montant qu'elle en demande aux consommateurs. L'idée des services payants et des applications publicitaires était une bonne piste, mais certainement pas suffisante pour équilibrer l?équation. Et, cela, l'entreprise le savait. Mais a continué de prétendre le contraire.
Le problème moral, qui y est associé, est celui de la prise d'otage des consommateurs. Dans son courrier, le patron de Ringing Bells explique simplement que si le gouvernement indien ne lui donne pas d'argent, ce sont des « millions » d?Indiens qui n'auront pas accès à la téléphonie. Ce sera sans doute vrai. Mais est-ce pour autant une raison de s'en servir pour faire pression ? Pas sûr.
Un coup de pub ?
Le second mensonge est celui du prétendu projet d'intérêt public. Car, pas plus tard que cette semaine, Riging Bells a annoncé six terminaux, dont deux smartphones vendus à prix beaucoup plus standard : 3999 roupies (50 euros environ) et 4499 roupies (60 euros environ). Nos confrères du site indien Tech 2 ont publié la photo de famille ci-dessous. Le lancement de ces terminaux nous amène à croire que l'affaire du Freedom 251 ressemble plus à un coup de pub qu?à un vrai projet philanthropique.
Les deux terminaux s'appellent Elegance et Elegant. Le premier est un mobile avec écran HD 5 pouces, chipset quad-core cadencé à 1,3 GHz, 1 Go de RAM, 32 Go de mémoire, connexion 4G, batterie 2800 mAh et capteurs photo 8 et 3,2 mégapixels. Le second est identique, mais propose une batterie de 2500 mAh et une connexion 3G. Des terminaux donc assez classiques, mais qui n'auraient certainement pas eu une telle présence dans les médias sans les multiples rebondissements vécus par l'entreprise.