Au premier semestre, un rachat monstre a eu lieu : celui de LinkedIn par Microsoft. 26 milliards de dollars, loin devant toutes les autres acquisitions du marché high-tech et informatique (même celui de Sharp). Et, alors que le second semestre commence à peine, en voici un nouveau : celui d’ARM Holdings par SoftBank, rapporté par le Wall Street Journal. Bien sûr, cela a moins de panache et moins de visibilité que l’opération de croissance externe de la firme de Redmond. Cependant, elle aura certainement autant, voire plus d’impact sur votre quotidien. Car ARM Holdings conçoit les coeurs applicatifs des chipsets qui animent 95 % des smartphones et les processeurs graphiques de deux bons tiers du marché.
Une opération doublement étonnante
Cette opération financière est très surprenante, pour deux raisons. D’abord parce que SoftBank n’est pas un acteur spécialisé dans les composants électroniques ou les chipsets. Le groupe détient, entre autres, l’opérateur éponyme (fixe et mobile) japonais, l’opérateur américain Sprint, le studio de jeu pour mobile Supercell (Clash of Clans), le géant du commerce électronique Snapdeal et le studio japonais GungHo Online Entertainment. Le groupe détient également une participation dans le groupe de Jack Ma, Alibaba, et dans la filiale japonaise de Yahoo (l’un des seuls actifs rentables de l’Américain).
Seconde raison pour laquelle ce rachat est surprenant : son annonce très rapide. Masayoshi Son, le patron de SoftBank, aurait émis cette offre de rachat il y a deux semaines à peine, quelques jours après le « Brexit ». La dévaluation de la livre sterling aurait été le point de départ du dossier. Profitant ainsi du cours plus faible, Masayoshi Son serait en mesure de s’emparer à « moindre prix » du spécialiste britannique des chipsets. Et évidemment, personne ne s’y attendait. Surtout de la part d’un opérateur...
Un accord en attente de validation
Les patrons respectifs des deux sociétés se seraient rencontrés aujourd’hui dans les bureaux du Premier ministre britannique, Theresa May, pour défendre le dossier auprès de cette dernière. Car, bien évidemment, ARM est un trésor national (avec 4000 employés, dont 1600 au Royaume-Uni). Et elle le sera d’autant plus lors de l’avènement de l’Internet des objets. Reste donc à savoir si elle donnera son feu vert. S'il est validé, il s’agira du rachat d’une entreprise anglaise par un groupe asiatique le plus important de l’histoire.
Ce qui a motivé ce rachat est naturellement l’activité d’ARM sur les processeurs pour les objets connectés. Car, d’ici quelques années, tous les objets du quotidien seront potentiellement connectables à Internet en toute autonomie. ARM est certainement l’une des sociétés les plus importantes dans ce domaine, avec Intel, car elle conçoit les processeurs qui seront ensuite vendus sous licence à des concepteurs de chipsets, à l’image des Cortex-Ax qui équipent actuellement certains Snapdragon, la grande majorité des Exynos, l’ensemble du catalogue MediaTek et HiSilicon, sans oublier tous les autres.
Quel avenir pour les Cortex ?
Reste une question : quelle sera l’influence de Masayoshi Son sur l’activité d’ARM Holdings en cas d’accord du gouvernement britannique ? Y aura-t-il des changements dans les équipes ? Le patron de SoftBank dit oui, mais dans le bon sens du terme, puisqu’il compte doubler les équipes anglaises d’ARM d’ici 5 ans. Y aura-t-il des changements dans les projets menés par ARM sur les processeurs ? Certainement, puisque l’enjeu n’est plus le smartphone, dont le marché est pratiquement arrivé à maturité, mais les objets connectés. Et l’actuel patron d’ARM a déjà entamé ce changement de cap, bien avant que Masayoshi Son pose son offre. Les deux entreprises ont donc déjà la même vision.
