Tout savoir sur : Nintendo ne vient-il pas de gâcher son arrivée sur mobile ?
Deux jeux de l’écosystème Nintendo sont actuellement sur smartphone : Pokemon Go, développé par Niantic Labs, et Super Mario Run, créé par DeNA. Les deux studios sont des habitués des jeux sur mobiles. Mais l’approche des deux licences est radicalement différente. D’un côté, Pokemon Go est un jeu purement freemium avec des achats intégrés pour acquérir des consommables virtuels. Une mécanique bien connue des joueurs qui rapporte beaucoup d’argent à ceux qui savent y faire.
Un ticket d'entrée trop élevé
De l’autre, Super Mario Run, sorti il y a une semaine sur iOS, est titre qui reprend un gameplay très casual gamer sur téléphone (celui des runners comme Rayman Jungle Run), mais s’appuie sur un modèle économique plus proche des consoles et des PC. L’application est une version d’essai et il faut payer un montant fixe pour débloquer toute l’expérience. Le prix est de 10 euros, sans aucun autre achat. Le prix est élevé, mais il est unique.
Depuis son lancement, Super Mario Run n’a pas eu totalement l’effet escompté, d’autant que le buzz qui l’a précédé a été pratiquement aussi important que celui de Pokemon Go. Selon des chiffres du cabinet d’étude Sensor Tower rapportés par Reuters, le taux de conversion des joueurs en acheteurs est de 8 % et l’application a rapporté 21 millions de dollars en quatre jours. Basiquement, les chiffres sont bons, mais beaucoup plus bas qu’espérés.
Une barrière pour protéger les parents ?
Car Super Mario Run a battu des records historiques de téléchargement : 40 millions en 4 jours, c’est largement au-dessus des 25 millions en 11 jours de Pokemon Go. L’impact de Super Mario Run aurait donc dû être fort. Et il ne le sera pas. D’autant plus que les notes reçues par l’application sur l’App Store sont excessivement basses : 2,5 sur 5. Deux raisons sont évoquées parmi les points de désapprobation : la nécessité d’être connectée en permanence (ce qui n’est pas toujours évident, même sur un mobile) et le prix du jeu. Notamment quand il est comparé au contenu offert. Les titres vendus à ce prix sur l’App Store ou sur le Play Store sont autrement plus ambitieux.
Pour se défendre face à cette critique, un porte-parole de Nintendo a expliqué le positionnement de la firme. Elle ne compare pas Super Mario Run aux autres titres premium comme Star Wars Knight of the Old Republic, Final Fantasy IX, Bully ou Minecraft (des jeux qui sont, au départ, sortis sur console ou PC). Elle le compare aux titres freemium auxquels s’adonnent les jeunes joueurs (le public de prédilection de Nintendo) : Candy Crush Saga, Clash of Clans, Rayman Adventures, Disney Magic Kingdoms ou même Pokemon Go. Des jeux où les achats intégrés peuvent valoir plus de 10 euros et qui peuvent se répéter indéfiniment. Nintendo explique ainsi que 10 euros est certes élevé, mais il « protège les parents » contre les désagréments des achats intégrés classiques. Bon...
Un vrai décalage
Selon nous, cette déclaration est symptomatique du fait que Nintendo souhaite préserver son modèle économique historique et n’a pas encore totalement saisi les composantes du jeu mobile actuel. Oui, les joueurs mobiles veulent essayer avant d’acheter. Mais non ils ne paieront pas 10 euros d’un coup. Ils préfèreront payer 10 euros par tranche de 1 euro tous les mois. Ils iront peut-être même jusqu’à payer 100 euros si l’intérêt est au rendez-vous. Et preuve en est que Nintendo n’a pas assimilé la mécanique économique du jeu mobile : la firme a confirmé qu’elle n’enrichirait pas le jeu de nouveaux mondes (mais seulement de quelques modes de jeu supplémentaires). Comme sur console, en fait...
Selon certains analystes interrogés par Reuters, toute cette histoire ne pourrait être qu’une simple opération marketing pour promouvoir sur mobile les licences de Nintendo présente sur console. Ce qui est une vraie possibilité. Mais la firme avait-elle vraiment besoin de cela ? Nous ne pensons pas. D’abord parce que les joueurs consoles sont aussi des joueurs sur mobile dont le comportement et les attentes évoluent en fonction de la plate-forme. Ensuite parce que la notoriété de Super Mario n’est pas à refaire. C’est juste un raté que nous attribuons d’ailleurs davantage à DeNA qui aurait dû apporter plus de conseils à son actionnaire principal. Espérons que ce dernier sera plus clairvoyant pour les prochains titres, Animal Crossing et Fire Emblem.