Spotify est aujourd’hui le leader mondial de la musique en streaming : 140 millions d’auditeurs, dont 60 millions d’abonnés premium. Avec une telle position, la firme souhaite s’introduire en bourse dans le courant de l’année 2018. Mais pour convaincre des investisseurs (comme les fonds de pension) d’acheter des actions, il faut montrer une capacité à réaliser un retour sur investissement. Or, en tant que leader mondial, rares sont les leviers de croissance potentiels qui ne nécessitent pas de dépenser beaucoup d’argent (en rachetant la base d’abonnés de concurrents) ou d’en gagner moins (en s’appuyant sur des actions marketing et des offres promotionnelles).
Premier pas vers la Chine
L’un de ses potentiels leviers de croissance organique est l’ouverture du service sur un autre marché. Aujourd’hui Spotify est présent dans 61 pays répartis sur les cinq continents. Deux pays très importants manquent encore à l’appel : l’Inde et la Chine. L’Inde n’est certainement pas couverte parce que le pays est complexe (aussi bien en terme de couverture réseau qu’en terme business). En revanche, la Chine est une cible idéale : un million et demi de consommateurs, une forte pénétration du smartphone dans les zones urbaines. Et un pouvoir d’achat qui progresse vite.
Encore faut-il pouvoir entrer sur ce marché particulièrement régulé. Grosso modo, pour être en mesure d’y lancer un service, il faut signer un partenariat financier avec un acteur local. Et c’est donc ce qu’a fait Spotify. La firme a annoncé vendredi dernier avoir conclu un accord avec le groupe chinois Tencent. Selon les termes de cette alliance, Spotify s’engage à prendre une participation minoritaire dans Tencent Music Entertainment, une filiale de Tencent qui opère localement plusieurs services de streaming. Parallèlement, Spotify accueillera dans son capital le groupe Tencent et sa filiale. Les montants et les pourcentages n’ont pas été communiqués.
Un poids lourd chinois
Vous ne savez peut-être pas qui est Tencent. Positionné au 5e rang mondial des groupes dédiés à Internet (derrière Amazon, Alphabet et Facebook) et 2e en Chine (derrière JD.com et devant Alibaba), Tencent est un vrai poids lourd. Le consortium est propriétaire de QQ (et de toutes ses déclinaisons possibles), d’un concurrent de Weibo appelé Tencent Weibo, de l’application de messagerie WeChat et d’une bonne douzaine d’autres services en ligne (commerce électronique, jeu en ligne, enchère en ligne, stockage dématérialisé, etc.). Sans oublier Tencent Music Entertainment qui contrôle... 75 % du marché de la musique dématérialisée en Chine (streaming et téléchargement).
Dans le communiqué de Spotify, plusieurs informations manquent pour bien comprendre la portée de ce partenariat. Nous avons déjà évoqué celui des détails de l’échange de participation entre les trois entreprises. Mais nous manquons aussi d’une vraie perspective sur les conséquences de cette alliance. Si l’arrivée de Spotify en Chine est une quasi-certitude, parce que la Chine est un vivier de consommateurs exceptionnel pour la firme suédoise, nous nous demandons comment cette arrivée s’organisera, notamment avec les services de Tencent Music Entertainment.
Quel but pour Tencent ?
En outre, Tencent a-t-il accepté de signer avec Spotify pour une raison qui n’est pas uniquement financière ? Oui, le leader mondial du streaming reversera de l’argent à son nouvel actionnaire chinois. Mais celui-ci a-t-il vraiment besoin de cela ? Non. En revanche, Spotify pourrait être à terme un bel ajout dans son escarcelle de Tencent face à Alphabelt (Google), Alibaba, JD.com ou Amazon. Il faudra donc peut-être s’attendre à une extension de cette prise de participation.
