Tout savoir sur : Huawei arrivera-t-il un jour à s’imposer aux US ?
Voilà des pratiques dignes de la guerre froide. Un peu de désinformation. Beaucoup de nationalisme. Le tout saupoudré d’une fine couche de xénophobie. L’administration du président Donald Trump verrouille, aussi bien économiquement que sociétalement toute possibilité que pourraient avoir Huawei de s’imposer aux États-Unis. Nous aurions pu penser que cette fois-ci était la bonne.
Abandonné par les opérateurs
D’abord, Huawei, troisième constructeur mondial de smartphones derrière Samsung et Apple, avait l’argument commercial pour s’exhiber et séduire les consommateurs américains : le très beau Mate 10 Pro. Ensuite, la firme chinoise avait enfin le soutien logistique et commercial nécessaire à une implantation nationale, puisque les deux principaux opérateurs locaux, Verizon et AT&T, soutenaient le flagship.
Et puis, patatras. C’est d’abord AT&T, numéro 2 aux États-Unis, qui annonce qu’il n’intègrera finalement pas le Mate 10 Pro dans son catalogue. Ensuite, selon un article de Bloomberg, ce serait au tour de Verizon, numéro 1 de la téléphonie mobile outre-Atlantique, de faire marche arrière. L’information n’est pas encore officielle, mais elle devrait l’être rapidement. Pire encore, le Mate 10 Pro ne serait pas le seul visé par cette décision de Verizon : tous les terminaux de Huawei le seraient, uniformément.
Huawei, maitre espion chinois ?
Les raisons de ce retrait sont simples : le gouvernement de Donald Trump aurait fait pression sur les opérateurs, affirmant que les smartphones de Huawei, mais aussi ceux de son compatriote ZTE, sont utilisés pour espionner les Américains. Pourquoi ? Parce qu’ils seraient intimement liés au Gouvernement de Beijing. L’accusation n’est pas nouvelle et concerne davantage une relation froide entre Washington et la Chine. En 2003 avec l’affaire Cisco vs Huawei. Accusation formelle en 2011 de Washington face aux équipementiers chinois. Publication en 2012 d’une liste noire avec ZTE et Huawei. Nouvelle accusation de Washington en 2013, en marge des révélations d’Edward Snowden sur la NSA.
Mais l’argumentaire est désormais renouvelé avec plus de véhémence encore. Une lettre émanant de l’Administration Trump serait arrivée chez les régulateurs américains (notamment sur le fameux Ajit Pai, le président de la FCC qui a mis à mal la Neutralité du Net) pour leur demander d’enquêter sur une possible fuite d’informations provenant d’équipements chinois. Le but étant de convaincre les autorités, mais aussi l’opinion publique que Huawei, c’est mal. Et ça marche, car il n’est pas possible d’acheter aux États-Unis un mobile de la marque sans en passer par un importateur.
Une information biaisée pour cacher le vrai enjeu
Mais tout cela est de la désinformation. D’abord, Richard Yu, le patron de l’activité grand public chez Huawei explique que sa société vend des mobiles dans 170 pays aujourd’hui et fabrique des équipements depuis 30 ans (parfois même en marque blanche pour des opérateurs et des constructeurs occidentaux). Ensuite, les fuites récentes d’informations avérées ont concerné des dizaines marques, dont américaines (comme Blu Products), qui font fabriquer leurs terminaux en Asie, et notamment en Chine, chez des ODM. Et très peu ont été mises sur une liste noire. Peut-on aussi rappeler qui fabrique aujourd'hui les terminaux de BlackBerry si appréciés par les officiels américains ? TCL, un chinois.
Enfin il est clair que ce débat intervient à un moment où l’Administration de Donald Trump souhaite avoir la main sur les réseaux 5G, ceux qui seront en cours de construction et qui seront commercialisés à partir de 2019. Des réseaux plus rapides et surtout omniprésents : accès domestique, domotique et objets connectés, smartphones, voitures autonomes, etc. Huawei serait l’un des premiers constructeurs capables de fournir un mobile compatible. Et il est là l’enjeu : le contrôle de l'information et des tuyaux qui serviront à la transporter.