Cela dit, il a été montré plusieurs fois que dans l’enfer des usines, Foxconn n’était pas la pire. Au contraire, des milliers de Chinois se pressent devant les portes de l’usine chaque jour, pour espérer décrocher un poste. On y est mieux payé qu’ailleurs, les ouvriers ont des infrastructures de sport et de détente. Cela suffit pour être attirant – la compagnie emploierait aujourd’hui plus d’un million de femmes et d’hommes. Tout cela ne doit pourtant pas masquer la réalité de la Chine à plus long terme : le pays va entrer dans une économie tertiaire et ce mouvement passe par une requalification lente et douloureuse des emplois.
Et Foxconn fait figure de pionnier en la matière : les FoxBots commencent à arriver dans les usines et devront remplacer à terme tout le travail à la chaîne effectué aujourd’hui par des humains. Chaque unité aurait coûté à l’entreprise entre 20000 et 25000 dollars : tous ces bras motorisés sont prévus pour durer. L’annonce a donc un aspect éminemment positif : dans 20 ou 30 ans, cet enfer industriel chinois aura peut-être enfin disparu et toutes les usines seront automatisées, contrôlées par des superviseurs à la tâche bien moins pénible. Le problème, en revanche, est à penser à court terme.
Être pionnier dans un domaine est toujours à double tranchant : les bénéfices seront plus vite visibles et à terme, ce sont les conditions de travail en Chine qui se seront grandement améliorées. Mais cela veut aussi dire que ce million d’employés actuel n’aura plus de travail. Foxconn compte passer du paradigme humain au paradigme robotique sous 3 ans : impossible dans un laps de temps si court que la Chine ait à proposer de nouveaux corps de métier pour ces ex-ouvriers. Du coup, la génération Foxconn ressemble à celle de l’industrie textile et automobile en occident : sacrifiée sur l’autel de la robotisation, en attendant que quelque chose de mieux lui soit proposé. En somme, un avenir en demi-teinte qui reposera, pour ces femmes et ces hommes, sur la capacité de la Chine à accélérer sa modernisation économique en même temps que les usines, moteur actuel du pays.