La stratégie de Hisense est à l'image de celle de TCL ou de Haier : pour se faire connaître du grand public pour vendre des télévisions, il faut d'abord convaincre le consommateur de placer dans sa poche un smartphone de la marque. Une façon de singer la stratégie globale de Samsung, Sony ou LG, tout en perdant le côté « écosystème » de cette présence à facettes multiples.
Si TCL s'est donné les moyens d'y arriver en rachetant la marque Alcatel OneTouch (paradoxalement sans pour autant clamer haut et fort qu'il est derrière), Haier et Hisense ont jusqu?à présent été peu ambitieux.
Tout comme son compatriote Haier, qui cherche à se détacher de cette image de la téléphonie chinoise entrée de gamme typique (celle qui sort des « design house » qui pullulent à Shenzhen) à l'image de sa nouvelle gamme Voyage, Hisense semble vouloir monter en gamme.
Le H910 symbolise cet objectif qui n'est, autant être honnête, qu?à moitié atteint. Car, si d'extérieur, les atours sont plutôt gracieux, le smartphone continue d?être à l'usage un entrée de gamme typique. Malgré la présence, forte étonnante, d'un Snapdragon 615, lequel est sous-exploité et mal intégré. Avant d'aborder ces points, passons en revue la fiche technique :
- dimensions : 152,7 x 75 x 7,6 mm
- écran IPS Full HD de 5,5 pouces signé Sharp (résolution de 400 pixels par pouce)
- protection d?écran Gorilla 3 de Corning
- chipset Qualcomm Snapdragon 615 composé de huit coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,5 GHz et d'un GPU Adreno 405
- 2 Go de mémoire vive
- 16 Go de stockage interne (non extensible)
- batterie 2700 mAh (non amovible)
- double port carte SIM (microSIM)
- capteur photo Exmor IMX 213 de 13 mégapixels, flash double LED, compatible Full HD en vidéo
- webcam 8 mégapixels à l'avant, objectif grand-angle 84°
- processeur audio NXP Smart PA
- connectivité 4G catégorie 4, WiFi n, Bluetooth 4.0, GPS
- système d'exploitation : Vision UI sur une base Android 4.4.4 KitKat
La fiche technique reflète un smartphone capable de se positionner face à un Xperia M4 Aqua de Sony (sans l?étanchéité du châssis), au Galaxy A7 de Samsung, à l'Idol 3 d'Alcatel OneTouch, à l?Oppo R5 ou à l?Archos 50 Diamond. Un panel qui semble hétéroclite, mais qui s'appuie sur une plate-forme identique : un écran Full HD (sauf pour le Sony), un Snapdragon 615, 2 Go de RAM, 16 Go de stockage. Pour des performances et des niveaux de prix qui ne sont pas homogènes. Et pas toujours en défaveur de ceux que l'on pourrait croire...
Des atours qui attirent les regards
Commençons cependant ce test par l'allure de ce H910. Car ce sont là ces principaux atouts. À première vue le mobile nous rappelle certains modèles de la téléphonie chinoise. Les similitudes avec le R5 d?Oppo sont particulièrement frappantes. Le fait que le mobile soit particulièrement plat ainsi que le contour métallique doré, qui protège les tranches. La position du capteur photo, coincé en haut à gauche du dos de l'appareil. Le design des touches matériel. La position des touches tactiles sous l?écran, avec l'accueil au centre, le menu contextuel à gauche et le retour à droite.
Visuellement, le H910 est donc un mobile qui se veut design et élégant. Et certains petits détails nous montrent le soin apporté à la séduction visuelle. Les grilles de l?écouteur téléphonique et du haut-parleur peints en doré. Les tranches inférieures et supérieures légèrement penchées pour former un trapèze qui serait légèrement plus ergonomique. Le marquage du logo sur la tranche et non pas sur la coque. Le contraste entre la tranche de gauche, nue, et la tranche de droite, surchargée (boutons et double tiroir). Le H910 interpelle.
Très plaisant même une fois dans la main
Il est également assez agréable à prendre en main, grâce à une construction propre. Encore une fois, il nous rappelle beaucoup le R5 d?Oppo, testé il y a quelques semaines, même si ce dernier était un peu plus petit. Les boutons matériels sont bien positionnés. Et la coque en polycarbonate avec effet faux cuir apporte une préhension assurée, malgré un design rectiligne qui est justement propice à quelques glissades dangereuses lors d'un changement de position.
L?écran est plutôt fin et lumineux. La dalle est Full HD, pour une résolution de 401 points par pouce. Les angles de vision sont bien ouverts. Les couleurs sont bien respectées. La dalle de verre Gorilla 3 est très agréable sous la main, comme chez Oppo. Décidément, ce mobile partage beaucoup de caractéristiques avec le R5... Remarquez que d'autres modèles de notre panel comparatif en sont également équipés (le Galaxy A7 par exemple).
Une interface à la chinoise encore brouillonne
Une fois le mobile allumé, nous entrons en contact avec Vision UI, une ROM customisée chinoise qui vous en rappellera d'autres : ColorOS, MIUI, Emotion UI, FlymeOS, Nubia UI, etc. La version que nous avons eue en test est basée sur Android 4.4.4 KitKat et non sur Lollipop comme cela a pourtant été annoncé par le constructeur. La date de mise à jour vers Lollipop n'est pas encore définitivement prévue selon les informations que nous a communiqué le fabricant chinois. D'ici là, nous vous présentons la version sur laquelle nous avons effectué nos tests.
Première caractéristique, commune à toutes les surcouches chinoises : il n'y a pas de menu application. Comme sur l'iPhone, elles sont classées et accessibles directement sur les bureaux d'accueil. Seconde caractéristique, les différents menus de l'interface (paramétrages, notifications, multitâche, customisation de l'interface) ont été largement modifiés. Difficile parfois de bien comprendre où sont les différents accès. Mais au final, tout est assez semblable à l'expérience « chinoise » d'Android telle que nous la connaissons chez certains concurrents (Alcatel, Meizu, Xiaomi, ZTE ou Huawei). En revanche, il n'y a pas de gestionnaire de thèmes, ce qui est rare pour un mobile d'origine asiatique.
La grande majorité des applications système ont été modifiées pour se rapprocher d'un design commun à toute l'interface où les icônes sont dessinées au trait et en gris. Vous le remarquerez aussi bien dans contact, galerie, agenda, fichiers, musique, etc. L'interface est également chargée de quelques widgets maison parfois disgracieux, étranges ou fascinants. C'est le cas par exemple du widget appelé « Lattice » (il existe en deux versions). Il s'agit d'un melting-pot façon Windows Phone de tuiles dont chacune vous offre un contenu ou une information différent. Vidéo, contact récent, mémo, agenda, heure, consommation de données dans la journée ou autonomie restante. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Beaucoup d'applications et de raccourcis
Côté application, Hisense ne lésine pas sur la quantité. Outre l?éventail obligatoire des applications « stock », ici modifiées, et de la suite Google Play Services (presque complète et totalement dispersée), vous trouverez quelques applications simples pour ranger, optimiser, protéger, sauvegarder et customiser votre mobile. La palme revient à « Effacer la mémoire cache » (dont l'intitulé est tellement long qu'il est coupé, ce qui manque d?élégance) : appuyez dessus et un vortex virtuel vide la mémoire vive du mobile et ferme les applications en un seul clic. Pratique.
À cela s'ajoutent quelques applications tierces : Opera Mini, Opera Mobile Store (oui, une boutique applicative parallèle), Playboard (fils d'informations thématiques), WPS Office (suite bureautique), Touchpal (clavier intelligent), Accuweather (météo), Faceobook ou encore DU Speed Booster (censé optimiser le mobile et le système d'exploitation). Un ensemble hétéroclite et globalement peu utile. D'autant que le mobile aurait clairement mérité d?être moins chargé au niveau des widgets et des applications.
Une intégration qui n'a pas été finalisée
En effet, la navigation dans les différents menus est plombée par de nombreux ralentissements qui nous semblent peu en phase avec l'envie de séduire des atours du châssis. Et, naturellement, si l'interface ralentit, même quand aucune application ne monopolise la mémoire vive, cela sous-entend que les performances du mobile ne sont pas au rendez-vous. Ce qui paraît étonnant, puisque le H910 s'appuie sur un Snapdragon 615 et 2 Go de mémoire vive. Et pourtant...
Sur les benchmarks, nous avons obtenu les pires scores que nous ayons jamais eus avec un Snapdragon 615. Ils sont parfois même plus bas qu'avec un Snapdragon 410 : c?était bien la peine d'essayer de monter en gamme ! Sur AnTuTu, nous obtenons 23 342 points. Sur 3DMark Ice Storm Unlimited 6639 points. Et sur Basemark OS II une note très faible, 220 points.
Jusqu?à présent, l'Idol 3 d'Alcatel OneTouch était le moins bon élève des Snapdragon 615 sur Basemark OS : nous en avons trouvé un autre. Imaginez qu'un mobile comme le m2 note de Meizu (sous MT6753) soit meilleur que le H910 sur tous les benchmarks. C'est évidemment une vraie contre-performance qui nous fait apprécier les marques qui intègrent suffisamment bien les technologies pour offrir une expérience qualitative. Notez que les deux meilleurs élèves sont le R5 et le M4 Aqua.
Pas au niveau sur les usages multimédia
À l'usage, nous avons ressenti régulièrement durant nos tests ce manque de puissance. Cela commence évidemment avec les applications ludiques, lesquelles ne pardonnent évidemment pas quand la plate-forme n'est pas à la hauteur. Dead Trigger 2, notre jeu étalon, fonctionne correctement une fois les cartes du niveau chargées, mais les temps de chargement sont plus long qu?à l'accoutumée et quelques séquences (notamment le début de chaque niveau) subissent des ralentissements gênants. C'est dommage, car l?écran est plutôt beau et la dalle de verre Gorilla 3 glisse bien sous les doigts. Cela ne devrait pas se produire avec des jeux casual, comme Candy Crush.
En vidéo, même constat. L?écran est très beau, mais la plate-forme ne suit techniquement pas. Le lecteur vidéo, qui est certainement une déclinaison de Galerie d'Android Vanilla, ne décode évidemment pas les formats vidéos les plus qualitatifs, comme le MKV. La majorité des fichiers de notre panel de tests n'est pas passée. L'application se contente ici du MP4 et de certains AVI. Le format Full HD est évidemment pris en charge. Il vous faudra également vous contenter des codecs audio les plus courants (comme le MP3 et le AAC). Un lecteur vidéo alternatif, comme l'excellent Archos Video (qui est payant, mais reste l'un des meilleurs), devrait combler certaines lacunes.
Un capteur photo capricieux
En photo, le capteur Exmor IMX 214 de Sony ne montre pas ici son plein potentiel. S'il parvient à offrir des clichés plus que convenables, il vous faudra clairement vous y reprendre à plusieurs reprises pour obtenir quelque chose d?équilibré.
Dans notre exemple ci-dessous, il a été difficile d'obtenir un ciel relativement bleu, des nuages bien dessinés et une rue en contrebas visible. Il aura fallu pour cela choisir avec attention le point sur lequel le capteur a fait sa mise au point, mais aussi sa balance des blancs. Le résultat offre un beau contraste et des couleurs relativement bien respectées. Mais contrairement à un Sony ou un Samsung, cela n'est pas véritablement automatique, ni du premier coup.
D'autant que ce n'est pas avec les réglages de l'application photo que vous trouverez de quoi soigner ou équilibrer vos prises de vue. Les quelques réglages sont généralistes, minimalistes et prônent l'automatisme. En cliquant sur la petite étoile verte, en haut à droite, vous accédez à une sélection de modes de prise de vue (HDR, nuit, slow-motion, etc.). La bonne idée est de transformer, par défaut, les boutons de contrôle du volume en déclencheur mécanique. Cela offre une meilleure prise en main.
Un mobile décevant
Au final, nous avons été déçus par le Hisense H910. Et triplement. D'abord parce que les atours du mobile laissaient entendre un certain soin apporté à la conception de ce smartphone. Or, cette belle robe extérieure ne correspond pas à l'expérience utilisateur quotidienne. Ensuite parce que la plate-forme technique est clairement en dessous de ses réelles capacités et nous prouve que l'intégration d'un chipset et des différents éléments d'un mobile n'est pas chose facile. D'autant que Hisense avait promis l'intégration de Lollipop (aussi bien lors de notre rencontre au Medpi que sur le site institutionnel) et il n'en sera vraisemblablement rien. En tout cas pas au lancement en septembre.
Enfin, nous sommes déçus parce que l'ambitieux prix affiché par Hisense, 399 euros, appuyé par le châssis élégant, laissait entendre que le H910 serait un concurrent direct du R5 d?Oppo et du Galaxy A7 de Samsung. Et même si le prix du mobile depuis a été revu à la baisse d'une cinquantaine d'euros (359 euros selon nos informations), il nous est impossible de vous le conseiller plutôt qu'un R5, même s'il est plus onéreux. Dans notre panel comparatif, nous avons intégré le Xperia M4 Aqua et le 50 Diamond. Voilà deux mobiles qui vous apporteront largement plus de satisfaction, avec des composants similaires, une expérience de meilleure qualité et un prix plus doux.