Nous avons été surpris d'apprendre en début d'année que Google avait choisi de confier à Huawei le second modèle 2016 de la gamme Nexus. D'abord parce ce que Huawei n'a jamais collaboré sur un Nexus avant, même s'il faut une première à tout. Et Huawei n'a pas toujours été tendre avec Google concernant la politique de ce dernier sur Android et Android Wear. Seulement, contrairement à ZTE et Alcatel OneTouch qui s'y sont forgé une place, Huawei souffre d'une mauvaise image de marque outre-Atlantique. Accusé d'espionner les consommateurs américains pour le compte du gouvernement de Beijing, le fabricant a toutes les difficultés à remonter dans l'estime du grand public nord-américain. D'où l'importance de ce partenariat pour Huawei, car les États-Unis, encore aujourd?hui le second marché mondial, est un passage obligé s'il souhaite confirmer sa troisième place mondiale.
Chinois peut-être, mais surtout premium !
Pour assurer la promotion de la marque Huawei, le Nexus 6P a donc tout intérêt à être bon, aussi bien techniquement qu'ergonomiquement. D'autant qu'il succède au Nexus 6 de Motorola, une phablette qui nous avait bien plu à la rédaction l'année dernière. Il est donc temps de découvrir ce qu'il en est, en commençant par la traditionnelle fiche technique :
- dimensions : 159,3 x 77,8 x 7,3 mm
- poids : 178 grammes
- ratio écran / taille : 71,4 %
- écran LCD Quad HD de 5,7 pouces (résolution de 518 pixels par pouce)
- protection de l?écran Corning Gorilla Glass 4
- chipset Qualcomm Snapdragon 810 octo-core avec quatre coeurs Cortex-A57 cadencés à 2 GHz et quatre coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,55 GHz
- GPU Adreno 430
- Coprocesseur Android Sensor Hub
- 3 Go de mémoire vive
- 32, 64 ou 128 Go de stockage interne (non extensible)
- batterie de 3450 mAh (non amovible) compatible Quick Charge 2.0
- compatible LTE catégorie 6, WiFi ac MiMo, Bluetooth 4.2, GPS (Glonass), NFC, DLNA
- lecteur d'empreinte au dos
- connecteur USB type-C
- capteur photo 12,3 mégapixels avec double flash LED et optique ouvrant à f/2.0, autofocus laser. Compatible Ultra HD en vidéo (et slow motion à 240 images par seconde)
- webcam 8 mégapixels, optique grand-angle ouvrant à f/2.4, compatible 720p en vidéo
- Android 6.0 Marshmallow
Dans cette fiche technique, nous retrouvons le fameux Snapdragon 810 au tempérament fougueux. Il est accompagné d'une plate-forme relativement solide. Huawei n'a inclus ici que 3 Go de mémoire vive. D'où des scores dans les benchmarks, comme le nous le verrons, en retrait vis-à-vis d'autres modèles dotés du même chipset. Outre le très bel écran tactile Quad HD et ce chipset, nous disposons pour le reste d'une configuration qui rappelle le Nexus 5X. Notez que, dans la boîte, le Nexus 6P (contrairement au 5X) est livré avec deux câbles USB type-C, un pour le brancher à son adaptateur secteur, l'autre pour le connecter à un PC. Une bonne idée à cette heure où cette connectique n'est pas encore démocratisée. Mais cela ne remplace pas le chargement sans fil du Nexus 6...
Toutes les idées sont bonnes à prendre ?
D'aspect extérieur, le Nexus 6P est cependant bien différent de son petit frère créé par LG, malgré quelques points communs comme le lecteur d'empreinte au dos ou les deux haut-parleurs en façade. Il est même très différent de tous les autres Nexus rencontrés jusqu'ici, certainement parce que Huawei souhaitait marquer les esprits et imprimer sa marque dans la gamme. Curieusement, le Nexus 6P est également très différent de la gamme Huawei, que ce soit des Gx, des Px ou des Mate. Il est plus grand que le Mate S. Il est plus petit que le Mate 7. Si l'emplacement du lecteur d'empreinte est le même que sur le Mate S, celui du bloc photo est totalement différent, puisqu'il est situé dans la partie haute de la coque arrière, comme sur le P8.
Smartphone melting-pot donc aux influences diverses et variées. Du Nexus 6, il reprend les deux haut-parleurs frontaux que les amateurs de multimédia apprécient chez HTC et Motorola. D'ailleurs toute la face avant lui ressemble, même si le modèle de Motorola est beaucoup plus rond dans ses courbes, alors que le Nexus 6P est bien plus rectangulaire. Il est cependant moins anguleux que le P8 et se rapproche davantage du Mate S. Comme d'autres Nexus, mais moins que le Nexus 5X, les bordures autour de l?écran du Nexus 6P sont assez larges. Le ratio écran / taille est supérieur à 70 % uniquement parce que la dalle mesure plus de 5,5 pouces. Sinon, elle serait certainement inférieure.
Une glace incurvée dans le premier Nexus métallique
Du P8, cette grande phablette reprend cette partie de la coque arrière vitrifiée où nous retrouvons le capteur photo, le double flash et l'autofocus laser. Contrairement à ce que peuvent montrer les photos officielles, cette partie n'est pas aussi protubérante qu'elle en a l'air. Cela nous a étonnés au départ, et même rassurés pour nos poches : si les appareils photo des Mate et des Honor ont tendance à frotter, nous craignions que cela soit encore pire avec ce modèle. Autre remarque sur cette vitre : elle est incurvée sur les côtés.
Du Mate S ou du G8, le smartphone reprend en partie la coque arrière métallique (une première pour un Nexus), ici en aluminium brossé très qualitatif, avec une petite partie en plastique tout en bas, certainement pour loger certaines antennes. Les contours métalliques montrent également des joints pour isoler les parties les unes des autres. Nous n'avons pas réalisé le test du bendgate sur ce smartphone : nous sommes donc dans l'impossibilité de confirmer ou non les vidéos qui ont été réalisées et diffusées sur YouTube. Durant la période de test, la construction du téléphone s'est montrée suffisamment bonne pour affirmer que, dans un usage quotidien normal, le Nexus 6P se comporte très bien.
Plus robuste d'apparence qu'en vrai ?
Le Nexus 6P est donc le juste milieu entre le Nexus 6, le Mate S et le Huawei P8. Trois belles références pour cette phablette dont la corpulence et le poids n'en font pas forcément un expert de la mobilité, mais une excellente plate-forme multimédia. Plutôt lourde (plus de 150 grammes) et large (77 mm), elle n'est pas très épaisse, mais ses dimensions n'en font pas un téléphone pour toutes les mains. Heureusement, la position des boutons matériels (tous concentrés à droite, à la hauteur du pouce) est judicieuse. En revanche, la position du lecteur d'empreinte est ambiguë : autant elle est bonne pour débloquer le mobile, autant elle est mauvaise quand vous naviguez dans les menus d'Android (car la taille de la dalle vous oblige à baisser le creux de la main vers les touches de navigation virtuelle). Nous trouvons la solution de Samsung, d'Apple ou de Sony plus intéressante. Et les protections Gorilla Glass, ici dans sa quatrième génération, sont toujours aussi bonnes. Vous noterez que le Nexus 5X dispose de la génération précédente. Un peu de favoritisme ?
L?écran du Nexus 6P est également bien différent des habitudes de Huawei. Comme le Nexus 6, Huawei intègre ici une dalle AMOLED Quad HD certainement créée par le leader mondial de la téléphonie. Le résultat est impressionnant avec des couleurs vibrantes, des contrastes profonds et un grain d'une grande finesse. Comme les Galaxy S6 Edge+ et Galaxy Note 5, le Nexus 6P propose une résolution supérieure à 500 pixels par pouce. Les angles de visions sont larges. La luminosité est bonne, sans avoir besoin de pousser le rétroéclairage au niveau maximum. Selon le patron des Nexus, Hiroshi Lockheimer, Google et Huawei ont réglé l?écran AMOLED du Nexus 6P pour contrebalancer les petits défauts colorimétriques de la technologie de Samsung. Et nous aurions tendance à le croire, car cette dalle est vraiment superbe.
Un Nexus pour surfer, se divertir et aussi travailler
Une fois le smartphone allumé, nous retrouvons Android 6.0 Marshmallow. Durant la période de test, nous avons eu l'agréable surprise de constater que Google respecte son engagement de mise à jour de sécurité régulière, puisque nous avons été informés de sa disponibilité (vous pouvez constater la date sur la capture d?écran : 1er novembre 2015). Il n'y a aucune véritable différence entre la version du Nexus 5X et du Nexus 6P. Nous vous conseillons donc de jeter un oeil sur le test du modèle de LG pour obtenir quelques renseignements supplémentaires à son sujet. Nous retrouvons Google Now préinstallé (il faut l'activer lors du processus de configuration initiale) et présent sur le panneau de gauche de l'accueil du système d'exploitation.
Nous retrouvons aussi toute la suite Google Play Services et les quelques applications Android stock que Google n'a pas modifiées : Agenda, Horloge, Contacts, Calculatrice, Telephone et Messenger. Le lanceur des applications dispose toujours des raccourcis adaptables (ils changent en fonction de vos usages) et du moteur de recherche qui vous propose de vous connecter au Play Store si vous ne trouvez pas votre bonheur dans votre mobile. Autre petit détail : nous constatons qu?Android Pay est pris en charge parmi les applications de paiement compatible, mais n'est pas explicitement installé. Encore une application fantôme... Enfin, nous constatons le retour du dossier « Créer » sur l?écran d'accueil, entre les dossiers « Google » et « Play ». Ce dernier, présent dans le Nexus 6, était absent du Nexus 5X. Nous supposions qu'il s'agissait d'une décision prise pour simplifier l'interface et alléger le poids du système. Il semble que Google estime plutôt que ses outils bureautiques ne sont pas valorisés sur un petit écran.
Android Pay compatible, mais indisponible (gauche et centre) ; retour de la suite bureautique (droite)
Un Android « stock » qui n'est pas si léger
Le poids du système est, curieusement, très similaire sur le Nexus 6P ou sur le Nexus 5X, que ce soit sur l'espace de stockage ou sur la mémoire vive. Heureusement, le Nexus 6P est mieux loti pour assumer l'ambition de Google vis-à-vis de Marshmallow et de la suite Play Services. Avec ses 3 Go de mémoire vive, le Nexus 6P est puissant et capable de supporter les usages multimédias que vous attendez, même s'il n'est pas le plus puissant des smartphones sous Snapdragon 810. Il obtient en effet 59 086 points sur le benchmark AnTuTu. À ce petit jeu, le Xperia Z5 et le Xperia Z5 Compact sont meilleurs. Et largement, malgré la présence d'une surcouche (qui devrait bientôt disparaître pour une expérience plus proche de Vanilla). Pire, le OnePlus 2 est également meilleur sur AnTuTu.
Sur Basemark OS II, le smartphone obtient 1856 points et parvient à prendre la première place du classement des Snapdragon 810 avec 1856 points, devant les Sony, avec un avantage sur la gestion de la mémoire (mais une moins bonne performance sur le système). Sur 3DMark, ici aussi, le Nexus 6P, avec 59 086 points, reste derrière les Sony, mais dépasse le OnePlus 2, le One M9 et le Xperia Z3+. Selon notre analyse, Google et Huawei ont joué la sécurité avec le Snapdragon 810 avec des réglages plus fermes sur les coeurs Cortex-A57 et sur l?Adreno 430. D'ailleurs, à mesure que le smartphone chauffait sous la pression des benchmarks (comme tous les smartphones du marché), les scores étaient de moins en moins bons.
Dans la même veine que le Nexus 6 en multimédia
Relativisons cependant. Ces scores démontrent que le Nexus 6P est une très bonne plate-forme technique qui se prête très bien aux usages multimédias, même si, comme toujours avec les plates-formes Nexus, nous sommes déçus des prestations du lecteur vidéo par défaut, toujours aussi incapables, toujours aussi chiches. Et pourtant, les intentions du Nexus 6P, comme du Nexus 5X, sont bonnes : avec ses deux haut-parleurs en façade, ce smartphone pourrait devenir un excellent baladeur audiovisuel. Pire, avec son écran Qud HD Amoled de 5,7 pouces, le Nexus 6P devrait être une plate-forme vidéo de référence. Encore faut-il lui donner les moyens de le devenir. Et pour cela, une petite application tierce dédiée serait la bienvenue. Rappelons que le Nexus 6P est livré avec un câble USB pour le brancher à un PC.
Pour jouer, le Nexus 6P est une excellente plate-forme, offrant une prise en main inattendue. En effet, la partie proéminente du téléphone, où sont logés les éléments photographiques, permet de caler le téléphone avec le haut de l'index. Nous ne pensons pas qu'il s'agit de la première fonction ergonomique de cette partie du châssis. Mais le hasard fait ici bien les choses. Côté jeu, nous avons eu la possibilité d'essayer Dead Trigger 2, notre jeu étalon. Rappelons qu?à la sortie du Nexus 5X, ce FPS plein de zombies n?était pas compatible, ce qui nous avait évidemment frustrés. Les développeurs de Madfingers ont donc, semble-t-il, mis à jour leur application. L?écran, les haut-parleurs, le verre Corning Gorilla Glass, le châssis et le Snapdragon 810 : voilà autant de raisons qui font du Nexus 6 une très bonne console de jeu portable. Un très bon résultat donc, d'autant que le jeu est parfaitement fluide.
De bonnes prestations en photo
Côté photo, le résultat est assez similaire à celui du Nexus 5X. Ce qui est logique puisque les deux smartphones disposent du même équipement photo, un capteur 12,3 mégapixels associé à une optique ouvrant à f/2.0 et un autofocus laser, procédé offert par LG. De plus, le processeur d'image, intégré au chipset Snapdragon 810 doit être relativement proche de celui du Snapdragon 808, même si ce dernier doit être un peu moins puissant. Enfin, parmi les points communs, et ce n'est pas forcément le meilleur argument en leur faveur, les deux capteurs sont contrôlés par la même application, Google Camera, qui est relativement facile à utiliser, mais aussi très frugale du point de vue des fonctionnalités. Tout est automatique, hormis l'activation (ou non) du flash, du minuteur et du mode HDR. Les modes Photo Sphere, Panorama et Focus offrent quelques améliorations, mais nous sommes loin des réglages fins et des filtres des applications Samsung ou Sony.
Le résultat n'est pas mal du tout. Avec ces gros pixels photosensibles, le Nexus 6P propose des prises de vue lumineuses et assez bien équilibrées au niveau de l?éclairage. La photo ci-dessous ne met certainement pas en valeur, au premier coup d'oeil, les qualités du capteur : lors de la prise de vue, il pleuvait sur Paris. Le ciel est donc chargé et les détails ne ressortent que très peu. Cependant, nous constatons un bon grain dans l'image, peu de distorsion sur les côtés et les couleurs sont bien respectées. Comme avec le Nexus 5X, le Nexus 6P n'offre pas des couleurs vibrantes dans ces prises de vue. Mais les conditions météorologiques n?étant pas bonnes, nous ne lui en tenons pas rigueur.
Photo prise avec le Huawei Nexus 6P
Il est premium dans tous les sens du terme...
Quel verdict donc pour ce Nexus 6P ? D'abord, le côté positif : c'est une belle réalisation, à la croisée du Nexus 5X (pour son interface et son autofocus laser), du Nexus 6 (pour sa grandeur, son poids, son écran et ses deux haut-parleurs), du Huawei P8 (pour une partie de son design) et du Huawei Mate S (pour son lecteur d'empreinte et sa coque en aluminium). Un mobile qui répond donc aux attentes. Et il y en avait : premier Nexus d'origine chinoise, premier Nexus avec un châssis unibody en aluminium, premier Nexus doté d'un écran de 5,7 pouces. Cette phablette cumule les casquettes, et reprend aussi le positionnement premium de ses principales sources d'inspiration, aussi bien chez Google que chez Huawei.
Car le Nexus 6P est aussi cher qu'un Nexus 6 et qu'un Mate S : 649 euros en 32 Go, 699 euros en 64 Go et 799 euros en version 128 Go. Rendez-vous compte qu'un Nexus est proposé aujourd?hui autour des 800 euros ! Jamais un Nexus n'aura été aussi cher (remarquez que nous disions la même chose de son prédécesseur). Les fans de Bugdroid passent leur temps à critiquer Apple. Ne devrait-il pas d'abord balayer devant leur porte ? En outre, comme pour le Nexus 5X, la pratique tarifaire française de Google pour le Nexus 6P est largement discutable. Et cela a clairement une incidence sur cet avis.
... mais vaut-il son prix ?
Si le Nexus 6P avait été irréprochable, nous aurions évidemment été plus cléments. Mais la plate-forme technique n'est pas toujours à la hauteur des prétentions. De fait, nous aurions tendance à lui préférer, tant qu?à casser la tirelire, le Xperia Z5 Premium et Galaxy S6 Edge+ (ou mieux encore, le Galaxy Note 5). Le Meizu Pro 5, qui devrait être disponible en France dans quelques semaines, pourrait également être un choix pertinent. Sans oublier le OnePlus 2, 300 euros moins chers pour la même configuration.