Chaque année, nous louons les efforts réalisés par Huawei pour se montrer digne de sa troisième place au niveau mondial dans le classement des constructeurs. Chaque année, nous sommes agréablement surpris de l?évolution de la gamme, aussi bien sur la famille P que la famille Mate, et sur les choix parfois ambitieux du groupe chinois vis-à-vis de son positionnement. Ambitieux, car la notoriété de Huawei n'est pas encore au niveau de ses deux principaux concurrents, Apple et Samsung, et son image de marque pâtit encore de la réputation low-cost des fabricants chinois. Mais force est de constater que malgré l'amélioration séquentielle évidente entre deux générations de produit, il existe encore et toujours une distance entre les modèles de Huawei et ceux d'Apple et Samsung.
Opportuniste, mais pas assez
Nous espérions franchement qu'en l'absence du Galaxy Note 7 sur les étals des boutiques, Huawei mettrait toutes les chances de son côté pour illuminer le marché des phablettes sous Android, voir même celui des phablettes dans son ensemble. Oui, Huawei a effectivement mis tous ces atouts dans le Mate 9 : design, interface, puissance, photo, etc. Tout y est passé. Mais, comme vous le verrez tout au long de ce test, Huawei ne rattrape jamais vraiment son écart. Chaque marque a son talon d'Achille. Chez Samsung c'est Touchwiz. Chez Apple c'est la résolution de l?écran. Chez Huawei, c'est incontestablement HiSilicon dont les chipsets sont toujours en dessous de la concurrence (Apple A10, Snapdragon 820 et même l?Exynos 8890). Bref, à chacun son fardeau. Passons en revue la fiche technique :
- dimensions : 156,9 x 78,9 x 7,9 mm
- poids : 190 grammes
- Châssis en aluminium à l'arrière et protection en verre renforcé Gorilla de Corning
- écran IPS LCD Full HD de 5,9 pouces d'une résolution de 373 pixels par pouce
- rapport entre écran et taille du mobile : 77,5 %
- chipset HiSilicon Kirin 960 composé de 4 coeurs Cortex-A73 cadencés jusqu?à 2,4 GHz, de 4 coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,8 GHz et d'un GPU ARM Mali-G71 MP8
- 4 Go de mémoire vive
- 64 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC)
- batterie 4000 mAh non amovible
- double capteur photo certifié Leica avec un capteur principal de 20 mégapixels et un capteur secondaire de 16 mégapixels, objectif 27 mm ouvrant à f/2.2, stabilisateur optique d'image, flash dual-tone, autofocus à détection de phase et laser, zoom optique 2x, compatible 4K en vidéo
- webcam 8 mégapixels à l'avant avec objectif 26 mm ouvrant à f/1.9
- lecteur d'empreinte digitale à l'arrière
- compatible LTE catégorie 9, WiFi ac dual band (DLNA), Bluetooth 4.2, NFC, GPS Glonass, infrarouge et USB type-C
- Emotion UI 5.0 sur une base Android 7.0 Nougat
D'une année sur l'autre, vous constatez que certains composants ont été améliorés. Deux changements à noter. D'abord, le chipset est ici le fameux Kirin 960, premier processeur à intégrer les coeurs Cortex-A73 d'ARM, ainsi que le GPU associé, le Mali-G71, ici en version octo-core. Deux fois plus de coeurs graphiques que le Mate 8, donc. Second changement, le bloc photo inspiré du P9 avec deux capteurs, un stabilisateur optique, un autofocus hybride et une optique développée avec Leica.
Un design très classique
Comme cela était indiqué par Huawei lors de la conférence de lancement du Mate 9, la seule version proposée en France est la plus simple. Un Mate 9 « classique » qui montre d'ailleurs une certaine réserve, comme si Huawei craignait de manquer l'opportunité de profiter commercialement de l'absence inespérée de Samsung. Une réserve qui s'exprime d'abord visuellement avec son design, lequel est fortement inspiré du Mate 8. Si le Mate 9 n'arborait pas ce double capteur photo, nous aurions eu quelques difficultés à les distinguer.
Le Mate 9 reprend en effet le design et les lignes du Mate 8. À l'avant, les différents éléments techniques ont retrouvé leurs places, avec une très légère différence au niveau de l'objetif de la webcam, plus gros. Ce dernier ouvre ici à f/1.9 et non plus f/2.4. Les selfies seront plus lumineux. Nous retrouvons la finesse des bordures latérales autour de la dalle et l'absence de surface tactile dans la partie sous l?écran. À l'arrière même constat : La large partie centrale de la coque est en aluminium et les deux plus petites sont en polycarbonate, comme pour le Mate 8. La position du flash et du lecteur d'empreinte sont identiques.
Parmi les quelques petits changements à observer se trouve évidemment le bloc photo avec ses deux capteurs. À sa droite se trouve le laser pour l'autofocus, une nouveauté héritée du P9. Notez enfin, en bas, l'absence du logo graphique de Huawei (le paon) habituellement souligné par le nom de l'entreprise. Un changement assez récent, car le Nova en est pourvu. Sur les tranches enfin, les éléments techniques sont aux mêmes places. Remarquez juste que le micro secondaire, déporté à l'arrière du mobile, a laissé sa place à un port infrarouge (pour contrôler les téléviseurs), et que les vis qui ferment le smartphone encadrent le port USB (maintenant de type-C) et non les grilles de haut-parleur. Notez qu'une seule grille (celle de droite) cache effectivement un haut-parleur, lequel est assez puissant.
Mieux vaut deux mains qu'une seule
Toutes les tranches sont couvertes de métal, ce qui explique la présence des séparations anti « antenna-gate » de chaque côté des tranches latérales. Malgré des dimensions plus petites (presque 2 mm de largeur), un écran plus petit de 0,1 pouce et un léger embonpoint (5 grammes de plus), le Mate 9 conserve la prise en main de son aîné. La phablette est large avec un écran presque borderless, un effet appuyé par le verre Gorilla Glass qui la protège. Il vous faut utiliser vos deux mains pour le tenir, même si vous utilisez l'option « une main » qui permet de réduire la taille de l'interface.
L?écran est donc grand, très grand : 5,9 pouces. Plus grand que celui du Note 7 ou du Galaxy S7 Edge, mais il est loin d?être aussi qualitatif. Pour deux raisons. La première est la nature de la dalle : IPS LCD et non AMOLED (alors que la version Pro du Mate 9 est Super AMOLED). La seconde raison est liée à la définition : Full HD. Soit une résolution inférieure à 400 pixels par pouce. Le Mate 9 propose donc un écran d'une qualité moindre que celle de l'iPhone 7, du Galaxy S7 Edge, du Note 7, du OnePlus 3, etc. Un léger manque d'ambition qui ne touche pas le Mate 9 Pro, puisque son écran est Quad HD. Deux poids, deux mesures.
Une interface qui a été corrigée
Passons à l'interface et à la première bonne nouvelle : le Mate 9 fonctionne sur la dernière version d'Android, soit Nougat (version 7.0). Celle-ci est cachée derrière l'interface toujours extrêmement chargée et customisée d'Emotion UI (ou EMUI pour les intimes), ici en version 5.0. Il s'agit donc d'une nouvelle version, comparée à celle du P9 et du Mate 8. Et premier constat : Huawei a enfin pris la mesure de la proximité trop flagrante entre EMUI et iOS. Certains menus ont changé (comme celui du multitâche ou Paramètre). Les icônes ont été retravaillées pour s?éloigner de l'interface d'Apple.
Certaines fonctions ont été conservées, comme la recherche globale en glissant le doigt du milieu de l?écran vers le bas, ou l'absence de menu dédié aux applications. De plus, Huawei a conservé certains atouts propres d'EMUI, comme la gestion intelligente des gestes, les outils de nettoyage et d'optimisation, le menu flottant, action avec le lecteur d'empreinte, etc. EMUI est une ROM riche où il faut creuser pour dénicher tout ce qui peut être utile.
Enfin, Huawei a réalisé un grand travail (encore à parfaire) sur la gestion des applications préinstallées et des partenariats commerciaux. Outre ses propres logiciels (HiCare, Gestionnaire de téléphone, Santé, HiCloud pour la sauvegarde en ligne, Thème, Musique, etc.), le Mate 9 ne compte qu'une demi-douzaine d'applications tierces préinstallées : Swiftkey (clavier par défaut), News Republic, Todoist, WPS Office, Twitter, Facebook et Booking.com. Les jeux recommandés sont accessibles par le biais d'une place de marché alternative, HiGame (comparable à Samsung Apps).
Un système qui pèse lourd
Cependant, il est heureux que Huawei a réalisé ce grand ménage, car EMUI 5.0 pèse 11 Go, ce qui est considérable, même si l'espace de stockage est relativement élevé (64 Go). Et si ce ne sont pas les applications préinstallées qui pèsent lourds, cela veut dire que ce sont les processus en arrière-plan qui le sont. L'empreinte du système sur la RAM est tout aussi importante : 44 % de la RAM est en permanence utilisée, laissant 2 Go à l'utilisateur (ce qui est largement suffisant au quotidien, mais qui peut s'avérer rapidement réduit en multimédia). En regardant la liste des processus les plus gourmands, nous retrouvons en tête le système Android (994 Mo), l'interface (147 Mo), Swiftkey (63 Mo), Google Play (37 Mo) et une bonne vingtaine de processus qui ne sont pas des applications installées pour les besoins du test.
Avec 4 Go de RAM et le Kirin 960, le Mate 9 reste cependant très fluide, grâce notamment à un écran Full HD peu gourmand (nous comprenons pourquoi le Mate 9 Pro, avec son écran QHD, est pourvu de 6 Go de RAM...). Et cette fluidité se retrouve dans les différents tests techniques effectués avec les benchmarks usuels. Le smartphone réalise un score sur AnTuTu v6 proche des 129 000 points. Dommage, l'iPhone 7 dépasse les 170 000 points et les plates-formes sous Snapdragon 820 ou Exynos 8890 se positionnent au-dessus des 130 000 points (voir 140 000 pour le Snapdragon). Cependant, la différence entre Kirin et Exynos n'a jamais été aussi mince. Il faudra cependant redoubler d'effort, car l?Exynos 8890 date d'un an maintenant...
Des performances graphiques mitigées
AnTuTu étant un test global (avec calcul pour le chipset, render 3D et affichage d'interface), nous avons effectué d'autres tests pour comprendre d'où vient cette différence entre le Snapdragon 820, l?Exynos 8890 et le Kirin 960. Sur Basemark OS II, la phablette réalise un score de 2840 points, soit au-dessus des scores des concurrents (mais toujours derrière l?A10 Fusion). Sur Geekbench, le Mate 9 réalise un score de 1941 points en single-core et 6177 points en multi-core. Ces scores sont largement comparables à ceux de l?Exynos 8890, une fois encore. Et ce sont certains des meilleurs de nos bancs de test (derrière les Galaxy S7 et le OnePlus 3).
Finissons avec les tests graphiques. 3DMark lui attribue 26828 points sur IceStorm Unlimited et entre 2200 et 2600 points sur Slingshot ES. Que ce soit sur le premier ou le second test, le Kirin se positionne toujours derrière l?A10 Fusion, l?Exynos 8890 et le Snapdragon 820 à plusieurs centaines de points près. La différence n'est donc pas négligeable. Nous attendions des performances un peu meilleures de la part du nouveau coeur graphique d'ARM, le G-71 (ici en octo-core). C'est peut-être pour cela que Samsung a placé 12 coeurs Mali-T880 dans son Exynos. Parce que justement, les architectures ARM n'offrent pas la même puissance que les GPU Adreno et PowerVR. Il faut donc les multiplier.
Une plate-forme multimédia agréable
C'est pour cette raison que, malgré les excellents scores du Kirin 960 dans les tests généraux, Dead Trigger 2, notre jeu étalon ne s'est pas positionné automatiquement sur la meilleure qualité visuelle une fois installé sur le Mate 9. L'application a préféré descendre d'un cran pour se positionner sur la qualité intermédiaire. Il ne rechigne cependant pas quand l'utilisateur lui demande, manuellement, d'opter pour la meilleure configuration. Ainsi, le jeu tourne plutôt bien, avec de très légers ralentissements qui ne gêneront pas, même les plus exigeants. La taille de l?écran est ici un avantage considérable : vos doigts ne cacheront que très rarement l'action.
Cette remarque sur l?écran se décline pour d'autres usages. La bureautique, pour afficher des pièces jointes au format Excel ou Word, lire des articles ou même des nouvelles sans se fatiguer les yeux, ou encore pour regarder des vidéos (films, séries ou blog vidéo sur YouTube). Si pour lire, une résolution plus fine aurait été plus adaptée afin que les caractères soient plus lisses, la définition Full HD est idéal pour les usages audiovisuels. Le Mate 9 est un baladeur multimédia largement capable. Un seul petit défaut : le lecteur vidéo d'EMUI n'a pas été mis à jour entre la version du P9 et celle du Mate 9. Mêmes qualités, mais aussi mêmes défauts : pas de sous-titres dans les MKV et quelques codecs manquants. Mais cela se rattrape assez vite en allant sur le Play Store.
Mais où est la lumière ?
Finissons par la photo. Rappelons tout d'abord l?équipement accessible à l'arrière du mobile : double capteur photo 20 et 16 mégapixels hybride (détection de phase et laser), flash dual-tone et zoom optique. Sur le papier, nous sommes donc sur une proposition entre le Xperia Z5 (pour la résolution du capteur) et l'iPhone 7 Plus (double capteur, zoom optique, stabilisateur). L'ensemble est piloté par la même interface photo que celle du P9 et du Nova, incluant le mode « professionnel » avec les réglages manuels.
Le résultat est intéressant, sans pour autant être parfait. Nous irions même jusqu?à dire que nous préférons le rendu du P9 que celui du Mate 9. Car les photos réalisées par le P9 sont plus contrastées que celles de la phablette. La faute en incombe certainement à la résolution du capteur qui atteint 20 mégapixels. Les pixels sont donc plus petits et absorbent moins de lumière. À cela s'ajoute l'objectif qui ouvre à f/2.2, une ouverture assez faible vis-à-vis de la concurrence (Galaxy S7, iPhone 7). Notons cependant que les photos sont très équilibrées (aucune zone d'ombre à remarquer) et offrent un bon piqué.
Photo prise avec le Huawei Mate 9
Une bonne proposition qui manque d'audace
En conclusion, le Mate 9 n'est pas le remplaçant du Note 7 que nous espérions. Sa version Pro pourrait l?être si elle était commercialisée en France. Plus beau. Plus léger. Plus mince. Plus incurvé. Plus lumineux. Plus rapide. Plus puissant. Le Mate 9 Pro est peut-être une copie du Note 7, mais aussi son plus beau reflet. C'est lui qui aurait dû être vendu mondialement. Pas son petit frère trop sage et trop ressemblant à son prédécesseur, même si le Kirin et le double capteur tentent courageusement de créer la différence.
Vendu 649 euros à son lancement, le Mate 9 est cependant la proposition la moins onéreuse sur le segment des phablettes haut de gamme. Ses concurrents les plus directs, le Galaxy S7 Edge et l'iPhone 7 Plus, sont vendus 100 euros plus chers au minimum. Il y a donc une pertinence dans le choix commercial de Huawei : offrir une plate-forme nerveuse, capable, à un prix moins élevé pour ceux qui ne souhaitent pas payer plus de 700 euros dans une phablette, même haut de gamme.