Une chose est sûre : Huawei a bien appris en regardant ses deux principaux concurrents, Samsung et Apple. La firme chinoise s'est largement inspirée de ces deux géants mondiaux. D'abord, elle s'en est inspirée pour concevoir ses produits, avec toute la proximité que cela induit parfois (nous en avons déjà parlé avec les anciennes versions d'EMUI). Heureusement, la montée en qualité du catalogue Huawei a mené la firme à se différencier aussi. Puis elle en a adopté certaines stratégies. La montée en gamme de la partie photographique, avec le partenariat signé avec Leica, en est un exemple flagrant.
Un renouvellement qui vaut le coût ?
Il y a un autre exemple qui devient évident avec le P10 : Huawei a adopté la mise à jour incrémentale. Celle où la différence entre deux modèles n'est plus si flagrante. Celle où l'on se pose non plus la question de la pertinence de changer pour ce mobile, car la qualité est indéniablement présente, mais s'il est pertinent d?échanger un prédécesseur contre un successeur. L'iPhone est l'archétype de cette question fondamentale : doit-on changer l'iPhone 6 contre l'iPhone 6S, ou l'iPhone 6S contre l'iPhone 7 ? Pour la première fois, nous évoquons donc cette question avec la gamme P de Huawei : le P10 vaut-il la peine d?être acheté quand on est déjà le propriétaire du P9 ? C'est tout l'enjeu de ce test que de le découvrir. Et nous allons commencer par l?habituelle fiche technique :
- dimensions : 145 x 70,9 x 6,95 mm
- poids : 144 grammes
- Protection à l'avant en verre renforcé Gorilla 5 de Corning
- écran IPS Neo LCD Full HD de 5,1 pouces d'une résolution de 432 pixels par pouce
- rapport entre écran et taille du mobile : 71,2 %
- chipset HiSilicon Kirin 960 composé de 4 coeurs Cortex-A73 cadencés jusqu?à 2,4 GHz, de 4 coeurs Cortex-A53 cadencés à 1,8 GHz et d'un GPU ARM Mali-G71 MP8
- 4 Go de mémoire vive
- 64 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC)
- batterie 3200 mAh non amovible
- double capteur photo 20 et 12 mégapixels, objectifs signés Leica 27 mm ouvrant à f/2.2 avec lentilles asphériques, flash true-tone, autofocus laser à détection de phase, compatible 2160p en vidéo
- webcam 8 mégapixels à l'avant avec objectif ouvrant à f/1.9
- lecteur d'empreinte digitale à l'avant
- compatible LTE catégorie 12, WiFi ac dual band, DLNA, Bluetooth 4.2, NFC, GPS (Glonass et Galileo) et USB 2.0 type-C
- EMUI 5.1 sur une base Android 7.0 Nougat
Vous remarquerez que les changements entre le P9 et le P10 ne sont pas si flagrants, même si certains sont très impactants, notamment le chipset. Nous verrons justement quel est l'impact dans la partie consacrée aux performances, d'autant que le P10 gagne aussi 1 Go de RAM supplémentaire. Le double capteur photo change aussi. La batterie est plus confortable, alors que le mobile ne grossit pas.
Un joyeux mélange de vieux, de neuf et d'emprunté
Justement, parlons du design du téléphone. Visuellement, le P10 est un savant mélange entre un P9 et un iPhone 7. Prenez le premier des deux mobiles. Conversez la coque métallique et la bande en verre minéral qui recouvre le double capteur photo. Changez de place le lecteur d'empreinte pour le positionner à l'avant du mobile (ce qui a une incidence sur la taille de l?écran, comme nous allons le voir). Puis modifier le tracé des séparations pour les antennes afin qu'elles suivent les bordures du téléphone. Placez le logo de la marque au beau milieu de la coque métallique, bien en évidence. Et vous obtenez... le P10 !
Outre ces quelques changements ergonomiques, le P10 est un vrai successeur au P9. Il en reprend les matériaux premium, ainsi que la majorité des lignes ergonomiques. La conception est très soignée. Un exemple : le bouton de mise en marche est texturé, le rendant plus facile à distinguer dans la poche. Un bouton qu'il est aussi plus facile à identifier puisqu'il est le seul à être surligné d'un liseré de couleur. Encore une nouveauté du P10 par rapport au P9.
Un lecteur d'empreinte double casquette
Autre nouveauté de cette année : le déplacement du lecteur d'empreinte, comme nous l'avons signalé. Il est logé dans un « faux bouton » qui se révèle être une surface tactile. Nous souhaitons revenir sur ce détail, car il a trois conséquences ergonomiques. D'abord, nous avons une préférence pour cet emplacement, car il est visuellement plus pratique. Certes, c'est une histoire de goût. Cependant, compte tenu du fait que les deux leaders mondiaux ont pris cette habitude (avec une légère transgression de Samsung pour le Galaxy S8), il nous paraît évident que de nombreux usagers sont autant habitués que nous à cette position.
Deuxième conséquence, les bordures autour de l'appareil sont plus larges que dans le P9. Cela ne joue à pas grand-chose. Mais le ratio écran/taille est en défaveur du P10. En outre, pour être en mesure d'incorporer ce bouton sans faire grossir son mobile, Huawei a réduit la taille de l?écran de 0,1 pouce. Dis comme cela, ce n'est pas grand-chose. Et pourtant... Troisième conséquence, Huawei apporte avec ce bouton une solution alternative aux touches virtuelles de navigation d'Android. Le lecteur d'empreinte devient ainsi un pavé interactif, comme le bouton mTouch chez Meizu. Les bonnes idées sont à prendre partout !
Un design classique (malgré tout)
Pour le reste, aucun changement vis-à-vis du P9 : SIM à gauche, volume et mise en marche à droite, haut-parleur mono sur la tranche inférieure, avec le port USB (ici type-C) et le jack 3,5 mm. La tranche supérieure est presque vierge (puisqu'elle n?héberge que le micro secondaire). Notez que la coque d'aluminium couvre bien les tranches, mais s'arrête sous la dalle de verre minéral 2.5D, comme avec le P9. Le P10 est d'ailleurs livré avec une protection supplémentaire pour l?écran, laquelle est préinstallée.
L?écran du P10 est donc plus petit que celui du P9, mais la définition est identique. Ainsi, la résolution de l?écran monte à 431 pixels par pouce. Même si ce chiffre est loin d?égaler celui de LG, Samsung ou HTC sur le haut de gamme, il est largement suffisant pour bien profiter de tous les contenus. D'autant que le P10 profite d'une luminosité largement meilleure que celle du P9. Son taux de contraste est aussi meilleur et les angles de vision sont toujours aussi larges. En revanche, les couleurs ne sont pas toujours bien respectées. Les blancs ne sont pas tout à fait blancs. Et tout est légèrement teinté de bleu. Ce n'est pas considérable non plus. D'autant qu'il est possible de contrebalancer ce problème au niveau logiciel.
La même interface que le Honor 8 Pro
Une fois l?écran allumé, nous arrivons dans EMUI 5.1, basé sur Android 7.0. Esthétiquement, cette interface est relativement identique à EMUI 4.1 (quelques widgets ont changé de place, mais c'est bien là tout ce que nous avons relevé comme changement), tout en prenant en compte quelques-unes des nouveautés d'Android Nougat. Nous avons largement évoqué les différents ajouts fonctionnels apportés par Huawei à EMUI 5.1 à l'occasion du test du Honor 8 Pro. Nous ne reviendrons pas en détail dessus. Notez cependant que l?habillage graphique (icônes et thèmes) est légèrement différent, certainement pour créer une distance entre les deux marques.
Notez que l'intégration du lecteur d'empreinte comme pavé tactile n'entraîne pas la suppression du menu flottant qui sert à améliorer l'expérience à une main du téléphone (en positionnant ce bouton virtuel à proximité du pouce). Il est toujours accessible depuis le menu des paramètres (rubrique « Assistance intelligente » où se trouvent aussi les contrôles par mouvement, les commandes vocales et même le « mode gant ») ou par le biais de la zone de paramétrage rapide. Notez aussi que Swiftkey est toujours le fournisseur de clavier intelligent de Huawei.
EMUI 5.1 est livré avec quelques applications supplémentaires vis-à-vis des prérequis (applications système et suite Google). Nous retrouvons avec plaisir Gestionnaire de téléphone, toujours très utile, HiGame, un raccourci marketing vers quelques jeux de Gameloft, HiCare, un hub pour le service client, ou encore Santé, une aide supplémentaire pour faire du sport. Le dossier Outils présente un logiciel de sauvegarde, le miroir, la lampe torche, un explorateur de fichiers, ou encore la météo. Outre Swiftkey et Facebook, les applications tierces sont Booking.com, Instagram, TripAdvisor ou Todoist.
Une très bonne autonomie
Le système d'exploitation est aussi gourmand dans le P10 que le Honor 8 Pro. Et le P10, contrairement à la phablette de Honor, profite ici largement de son quatrième gigaoctet de mémoire vive, puisque le système d'exploitation en monopolise toujours 1,5 Go, ce qui en laisse toujours 2,5 Go à l'utilisateur pour les jeux ou la vidéo, par exemple. Même chose du côté du stockage, puisque le système d'exploitation et les applications préinstallées laissent plus de 50 Go à l'utilisateur pour stocker des photos, des jeux ou des applications. Ce qui nous amène à l'autonomie du mobile qui dépasse les 7 heures 30 d'utilisation continue (c'est-à-dire sans faire aucune pause, ce qui n'est pas une condition normale), soit un peu moins d'une heure de plus que le P9.
Venons-en aux performances. Pour rappel, le P10 est équipé d'un écran Full HD, de 4 Go de mémoire vive et d'un Kirin 960, déjà croisé avec le Mate 9 et le Honor 8 Pro. Comme toujours, nous publions ici le meilleur score obtenu dans chaque série de tests. Et nous ferons nos commentaires ensuite. Sur Antutu, nous obtenons 145566 points. Sur Basemark OS II, nous obtenons 2946 points. Sur Geekbench, nous atteignons 1865 points en single-core et 6388 points en multi-core. Sur Basemark X, nous obtenons 44403 points en qualité medium et 381236 points en qualité haute. Enfin, sur 3DMark, nous parvenons à 28346 points sur Ice Storm Unlimited, 26128 points sur Slingshot ES et 2113 points sur Slingshot ES Extreme.
Des performances largement améliorées
Nous avons comparé ces chiffres avec ceux que nous avons obtenus précédemment avec six terminaux : le P9, avec Kirin 955, les Mate 9 et Honor 8 Pro, avec Kirin 960, le OnePlus 3, avec Snapdragon 820, le OnePlus 3T avec Snapdragon 821 et le Galaxy S7 Edge, avec Exynos 8890. Nous avons écarté d'emblée les Helio X20/X25, largement en dessous, et l?Exynos 8895, largement au-dessus. Tout d'abord, nous confirmons ici que le Kirin 960 est largement au-dessus du Kirin 955. La différence sur tous les benchmarks est de l'ordre 30 % à 40 %. Cela est dû au Cortex-A73, qui remplace les Cortex-A72, mais aussi au nombre de coeurs graphiques, qui passe de 4 à 8.
Face aux deux Snapdragon 82x, le Kirin se situe entre les deux. Les scores du P10 le placent plus proches du Snapdragon 820 que du Snapdragon 821. Face au Galaxy S7 Edge, ses scores graphiques sont très similaires. En revanche, il est bien au-dessus sur les benchmarks globaux, grâce à ses 4 Go de RAM (contre 3 Go de RAM chez Samsung) et son écran Full HD (contre QHD pour le S7 Edge). Enfin, face aux deux autres modèles avec Kirin 960, le P10 s'en sort globalement bien mieux que le Mate 9 et pratiquement tout aussi bien que le Honor 8 Pro, avec un léger avantage pour ce dernier (certainement grâce aux 6 Go de RAM). Le P10 offre donc une plate-forme très équilibrée (plus que le Mate 9), nerveuse quand il le faut, mais pas toujours en mesure de lutter contre les modèles haut de gamme du début d'année, comme le Galaxy S8.
Du mieux en multimédia...
Cet équilibre et cette nervosité, nous la retrouvons en jeu vidéo. Notre jeu étalon, Dead Trigger 2 nous a fait la bonne surprise de se positionner automatiquement sur les meilleurs réglages graphiques, contrairement au Mate 9 et Honor 8 Pro avec lesquels il a fallu forcer ce paramétrage. Il s'agit, selon nous, d'une conséquence directe de l'intégration des 4 Go de RAM et du maintien de la définition Full HD. Le jeu ne s'y est d'ailleurs pas trompé : l'expérience ludique est très graphiquement bonne, avec de la fluidité dans les phases où les ennemis sont plus nombreux et de la précision dans les contrôles. Nous avons toujours un petit regret au niveau de l'emplacement du haut-parleur, lequel est régulièrement obstrué par un doigt.
En vidéo, nous avons exactement les mêmes remarques qu'avec le Mate 9 et le Honor 8 Pro. Une bonne expérience globale, grâce à des écrans qui offrent une visibilité large et une bonne luminosité. Un haut-parleur pas très bien placé (heureusement, il y a une prise casque pour pallier cela). Une application vidéo pratique à utiliser, mais limitée au niveau de la compatibilité (même si nous avons vu bien pire). Un petit tour sur le Play Store contrebalance cela. L?étalonnage un peu froid de la colorimétrie est moins gênant avec un film qu'avec des photos. Cependant, puisque les couleurs tirent vers le bleu, la lumière émise vous fatiguera peut-être un peu plus les yeux, surtout le soir...
... mais aussi en photo
Enfin, parlons photo. Nous l'avons dit précédemment, le Huawei P10 est le troisième modèle de la firme chinoise à profiter du partenariat avec Leica. Pour cette troisième mouture, Huawei a conservé la configuration du Mate 9 avec un capteur 20 mégapixels, un second capteur 12 mégapixels, des objectifs avec lentilles asphériques qui ouvrent à f/2.2, un autofocus hybride, un stabilisateur optique et un flash dual-tone. Pour les besoins de ce test, nous avons réalisé deux séries de clichés : une première pour la comparaison avec les autres modèles afin d'observer l?équilibre lumineux, et une seconde pour utiliser le mode portrait avec le fameux effet bokeh, facilité grâce à un nouveau réglage manuel de l'ouverture (réglage très intéressant d'ailleurs) qui vient compléter le mode Pro intégré à EMUI il y a un an avec la version 4.1.
Quel est donc le résultat ? Il est mitigé. Pour la photo paysage, nous sommes un peu déçu. Certes, il y avait beaucoup de soleil le jour où nous avons pris la photo ci-dessous. Mais le capteur n'a pas su contrebalancer cela. Toute la série de photos, réalisée avec les réglages automatiques par défaut, est surexposée : les nuages et le mur brillent totalement. À l'inverse, le bâtiment en bas à gauche est plongé dans l'ombre. C'est un résultat moins saisissant que celui du P9, qui offrait un équilibre parfait. Parmi les points positifs, notez cependant un très bon piqué dans la photo. Le grain n'apparaît que très tardivement si vous zoomez.
Passons à la seconde photo. Celle-ci est bien meilleure. En jouant avec l'ouverture manuelle du capteur, nous obtenons une photo détaillée, équilibrée (même dans les parties floues en arrière-plan), avec une colorimétrie beaucoup mieux maîtrisée. Le résultat est enfin à la hauteur de la réputation de Leica. Notre conclusion : le double capteur du P10 offre des clichés très hétérogènes, voire aléatoires, notamment si vous laissez l'appareil prendre toutes les décisions. Si vous voulez obtenir des photos qualitatives (et le P10 en est largement capable), prenez un peu le temps de maîtriser les quelques réglages importants, comme l'ouverture et la balance des blancs.
Un successeur relativement prudent du P9
En conclusion, le P10 est un smartphone équilibré, nerveux et ambitieux, profitant de la montée en gamme progressive de Huawei sur le haut de gamme. Le mobile est sans l'ombre d'un doute meilleur que le P9 pratiquement à tous les points de vue (autonomie, interface, photo, puissance, ergonomie). Même l?écran, qui n'est pas une réussite totale ici, offre une amélioration vis-à-vis du P9. Les différences se feront surtout sentir par ceux qui utilisent justement un P9 au jour le jour, même si nous n'irions pas jusqu?à leur conseiller de renouveler leur mobile avec ce successeur. Nous irions presque jusqu?à conseiller de remplacer le P9 par le Honor 8 Pro (voire d'attendre le Honor 9...).
Car la différence est notable, mais elle ne vaut certainement pas le coût que cela induit. Ce qui nous amène à une réflexion plus globale sur le P10 : est-il vraiment un modèle haut de gamme ou est-il encore un modèle milieu de gamme premium ? Même si graduellement Huawei s'approche des standards du segment le plus onéreux où trônent Samsung et Apple, Huawei semble encore être réservé. Toujours un peu en retrait techniquement, que ce soit sur le chipset ou la photo. Jamais vraiment innovant au niveau ergonomique, avec un design déjà vu ou s'inspirant de la concurrence. Il manque encore dans les produits de Huawei une preuve flagrante de sa vibrante ambition de remplacer un jour Samsung à la tête du marché mondial. Entre un Galaxy S8 et un P10, il n'y a pas débat. Entre un iPhone 7 et un P10 non plus. Alors, à quand un flaghip chez Huawei qui mettra tout le monde d'accord ?