Sans l'ombre d'un doute, il y a une affection collective vis-à-vis de Nokia, ce fleuron de la téléphonie européenne avec qui nous avons connu nos premiers émois nomades (la Nokia N-Gage QD a encore sa place dans le petit tiroir à trésor de votre serviteur). Nous avons été déçus d'apprendre que Microsoft rachetait la marque, car nous connaissions le risque encouru par la firme de Redmond aussi bien pour les Lumia que pour Windows Phone : celui d?être le fournisseur de ses concurrents. Et cela n'a pas loupé. Nous avons été enthousiastes quand nous avons appris que les anciennes équipes de Nokia et Microsoft Mobile Oy reprenait la licence de la marque pour confectionner des mobiles et des smartphones.
Mieux vaut tard que jamais, vraiment ?
Et puis, début 2017, les premiers doutes sont apparus. D'abord avec l'annonce du Nokia 6, un mobile qui se déclare milieu de gamme sans en avoir complètement les attributs. Une annonce en Chine et pas à l'international. Il aura fallu attendre le Mobile World Congress pour enfin observer le téléphone de près. Ensuite avec les retards à répétition au lancement commercial dû à des problèmes d'approvisionnement des points. Un retard encore plus pénalisant sur un marché aussi dynamique et aussi concurrentiel que la téléphonie dite « économique », englobant les segments de marchés compris sous la barre des 300 euros et dans lequel se positionne le Nokia 6, sujet de notre test.
Quand nous avons enfin reçu à la rédaction le smartphone, nous avons apprécié les qualités du mobile, sur lesquelles nous nous étendrons tout au long de ce test. Mais nous nous sommes posé deux questions auxquelles nous répondrons en conclusion de cet article avec le plus de franchise et d'objectivité possible. La première, l'affection que nous portons à la marque obscucit-elle notre jugement ? Et la seconde, l'attente en vaut-elle la chandelle ? En théorie, non. Car la fiche technique du mobile n'est mirobolante. En voici les détails :
- Dimensions : 154 x 75,8 x 7,9 mm
- Poids : 169 grammes
- Ratio écran / taille : 70,7 %
- Écran IPS Full HD de 5,5 pouces (résolution de 403 pixels par pouce)
- Verre minéral Gorilla 3 de Corning
- chipset Snapdragon 430 de Qualcomm avec huit coeurs Cortex-A53 cadencés jusqu?à 1,4 GHz
- GPU Qualcomm Adreno 505
- 3 Go de mémoire vive
- 32 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC jusqu?à 128 Go supplémentaires sur un port SIM hybride)
- Batterie de 3000 mAh (non amovible)
- Compatible LTE catégorie 4, WiFi n, Bluetooth 4.1, GPS (Glonass), radio FM, NFC
- Port microUSB 2.0 et port jack 3,5 mm
- Amplificateur audio TFA9891 compatible Dolby Atmos
- Lecteur d'empreinte digitale en façade
- Capteur photo 16 mégapixels avec flash LED, autofocus à détection de phase et objectif ouvrant à f/2.0
- Webcam 8 mégapixels avec objectif grand-angle ouvrant à f/2.0 et autofocus standard
- Dual SIM
- Android 7.1.1 Nougat sans surcouche
Voilà donc le détail avec de bonnes surprises (capteur photo, écran Full HD, amplificateur compatible Dolby. Il y en a de moins bonnes comme la connectivité qui ne semble pas avoir bénéficié du même souci de détail que certains composants. Heureusement, un smartphone ne se définit pas uniquement par sa fiche technique, mais aussi par l'expérience que celle-ci procure. Regardons donc de quoi il en retourne une fois le mobile en main.
Un design qui nous rappelle de bons souvenis...
Le Nokia 6 est une phablette assez massive et carrée, malgré des angles arrondis. Son écran de 5,5 pouces est surmonté d'un lecteur d'empreinte digitale flanqué de deux zones tactiles où sont logées les touches de navigation d'Android (il est possible de les désactiver dans le menu des paramètres). La zone du lecteur d'empreinte n'est pas un bouton physique, mais une surface tactile. La suppression des éléments mécaniques à l'avant des terminaux, comme chez Apple, semble se confirmer. Cela permet de garantir un certain niveau d?étanchéité (que nous n'avons pas testé...).
À l'arrière, vous retrouvez une ergonomie proche des smartphones de Nokia, notamment les derniers smartphones avant l?ère Microsoft. Nous pensons notamment au Lumia 800 / 800C, au Lumia 900 et au Nokia N9, des mobiles nés sous une étoile différente et pourtant si proche les uns des autres... Concrètement, nous retrouvons un bloc photo placé au centre de la partie supérieure de la coque du téléphone. Ce bloc, tout en longueur, est positionné verticalement. Le flash est sous le capteur photo. Gravée verticalement aussi, la griffe de la marque est dans le prolongement du bloc photo, sous ce dernier, tandis que le micro secondaire, pour la réduction de bruit, est à son opposé, au-dessus du bloc photo. Il y a visiblement une recherche d'un équilibre esthétique (sauf avec les mentions légales).
Le châssis (dos et tranches) est en métal. Pour preuve, des séparations pour les antennes sont presque visibles. Elles courent le long des tranches inférieure et supérieure. Sur les tranches, justement, peu d?éléments à noter : les boutons mécaniques pour la mise en marche et le contrôle du volume sont à droite ; le tiroir pour la SIM et la carte mémoire est à gauche ; le port microUSB 2.0, le micro principal et le haut-parleur sont en bas ; le port jack 3,5 mm est en haut. Aucune prise de risque ici, même dans les connectiques.
L?écran, qui mesure 5,5 pouces, est Full HD et IPS. Soit des caractéristiques assez classiques pour une phablette milieu de gamme. L'affichage offert par cette dalle est d'une bonne qualité, avec une colorimétrie relativement bien respectée (avec quelques tendances à aller vers le bleu...). Le contraste est très bon, ainsi que la luminosité (il vous faudra pousser un petit peu le rétro éclairage en plein soleil). L?écran est protégé par un verre minéral 2.5D Gorilla de Corning, assurant une bonne réactivité et une glisse parfaite sous les doigts.
Interface Android sans cosmétique
Comme promis par HMD Global, tous ses terminaux sous Android sont proposés avec l'interface la plus pure possible, sans additifs esthétiques ou applicatifs. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas de surcouche, qu'il n'y a pas de modification apportée à Nougat (puisque c'est la version 7.1.1 qui est présente ici) et qu'il n'y a pas (théoriquement) d'applications additionnelles, notamment marketing. Et c'est vrai : nous aurions pu presque nous croire dans un Nexus, s'il n'y avait pas un intrus dans ce beau tableau : « Support » (ou Nokia Mobile Care). Il s'agit d'un accès simplifié au support technique de Nokia si vous avez des problèmes d'accès.
Nous retrouvons donc une interface assez classique, avec un écran d'accueil allégé : moteur Google, widget Horloge et quelques applications : Play Store, Duo, Photos, Caméra, Chrome, Contact, Messenger, Téléphone. Si vous glissez votre doigt du haut vers le bas, vous accédez aux notifications et aux réglages rapides. Si vous glissez du bas vers le haut, vous ouvrez le tiroir des applications (avec le moteur de recherche intégré). L?écran à gauche de l'accueil héberge un fil d'actualité personnalisé type « Google Now » avec vos alertes et de l'actualité. Enfin, nouveauté de Nougat, si vous appuyez longuement sur une application, vous ouvrez un menu contextuel type « 3D Touch » d'Apple.
Côté applications préinstallées, il y a presque tout ce que peut proposer Google sur le Play Store : Duo, Drive, Keyboard, Gmail, Agenda, Camera, Photos, Play, YouTube, Messenger, Maps, Keep, Chrome, etc. Sans oublier les applications « Pay » : Play Store, Play Music, Play Kiosque, Play Livres, Play Vidéos, Play Jeux, etc. Si ça, ce n'est pas de la pub pour Google, qu'est ce que c'est ? Il n'est pas possible de les désinstaller pour gagner de la place (si jamais vous ne vous servez jamais de Google Duo par exemple), mais il est possible de les désactiver. Ce qui a pour effet de couper les accès réseau de l'application et de la masquer totalement. Bien sûr, l'inverse est également proposé.
Google Assistant préinstallé !
Notez aussi que le Nokia 6, Android 7.1.1 oblige, héberge Google Assistant. L'assistant virtuel de Google est proposé en français avec de nombreuses interactions possibles. Il vous faudra pour la plupart les découvrir, même si l'application vous propose, à la première activation, d'apprendre les principales commandes vocales. Pour accéder à Google Assistant, il suffit d'appuyer longtemps sur la touche d'accueil (comme Google Now on Tap avec Lollipop).
Malgré l'absence de surcouche et d'applications additionnelles, la version d'Android ici présente est assez significative. Son empreinte sur le système correspond à 1,5 Go de mémoire vive environ (sur 3 Go) et 9,8 Go d'espace monopolisé sur les 32 Go prévus par Nokia. Ce n'est évidemment pas tant le nombre de gigaoctets qui compte, mais le pourcentage entre le volume présent et le volume utilisé. Il y a pire, bien sûr, notamment du côté de la Corée, mais il y a mieux également.
Avec une batterie de 3000 mAh (ce qui est plutôt généreux pour un mobile de cette gamme), l'autonomie est très correcte : plus de 8 heures d'utilisation continue (voire même 9 heures selon les conditions et les paramètres). Ici aussi, il y a mieux, comme chez Motorola ou chez Honor (pour un prix équivalent). L?élément qui consomme le plus est l?écran, sans surprise. Le système d'exploitation, notamment les éléments en arrière-plan, arrive loin derrière.
Des performances déséquilibrées
Passons aux performances de la plate-forme. Rappelons les trois éléments importants ici : chipset Snapdragon 430, 3 Go de mémoire vive et écran Full HD. Nous aurions préféré un Snapdragon 435, autant être clairs, surtout avec un écran Full HD. Et même s'il fallait rester avec le Snapdragon 430, nous aurions préféré 4 Go de RAM, au moins pour éviter les quelques ralentissements (avec Google Assistant, par exemple). En outre, nous vous présentons ici les meilleurs résultats réalisés lors de notre prise en main. Le Nokia 6 obtient 47075 points avec AnTuTu v6, 684 points avec Geekbench (single-core) et 9461 points avec 3DMark (IceStorm Unlimited).
Avec ces trois tests, nous avons déjà une base de comparaison, mais n?hésitez pas à consulter les autres captures d?écran ici présentes pour vous faire une idée complémentaire. Premier constat : le Snapdragon 430 offre des performances assez proches de l?Exynos 7870 du Galaxy J5 (2017) et du Galaxy A3 (2017). Il est au-dessus des Snapdragon 615 et 616, ainsi que des octo-core MT6753 et MT6752 de MediaTek. Il reste cependant en dessous de l?Exynos 7870 du Galaxy J7 (2017) et du MT6755 de MediaTek.
Second constat : ce sont généralement son troisième gigaoctet qui le sauve quand il est comparé aux modèles de Samsung. Ce qui veut dire qu'il serait en dessous du J5 (2017) sans celui-ci. Le troisième constat le confirme : le Nokia 6 est meilleur que la concurrence directe dans les tests graphiques (3DMark) grâce à son Adreno et moins bon dans les tests applicatifs (Geekbench par exemple). Dernière remarque : Basemark OS II n'est pas parvenu à réaliser certains tests (le rendu des pages Web), ce qui a fortement baissé sa note globale. Nous avons communiqué ce résultat par souci de complétude, mais nous n'en tenons pas compte.
Pas tout à fait une plate-forme multimédia
Ce petit souci d?équilibre (surpondéré par le GPU du Snapdragon 430) se ressent dès le lancement de Dead Trigger 2 : le jeu se positionne de lui-même sur la qualité graphique la plus faible. En forçant le passage sur la qualité la plus élevée, le jeu reste jouable, mais au prix de quelques ralentissements lors du chargement (quand ce sont les Cortex-A53 qui sont le plus sollicités) et d'une légère surchauffe que vous ressentirez surtout avec la main gauche, au niveau des tranches latérales et de la coque. Ce n'est pas grave, mais cela montre que la batterie est très sollicitée et que l'autonomie va en souffrir.
Côté vidéo, il n'y a pas de souci de ralentissement. L?écran offre une bonne visibilité et des angles de vision bien larges. En revanche, puisque Nokia n'offre pas d'applications supplémentaires, le moteur de rendu des fichiers vidéo est celui d'Android, lequel continue d?évoluer, mais à son rythme. Il est désormais compatible avec plus de formats de fichier (et de nouveaux codecs audio). Mais il n'est toujours pas capable de gérer les sous-titres (lesquels sont ici totalement absents). Notez qu'en l'absence de Galerie, l'accès aux vidéos est pris en charge par Google Photos.
Bonne surprise en photo
Finissons enfin avec la photo. Dans ce domaine, le Nokia 6 est une excellente surprise, même s'il ne faut pas avoir peur de refaire plusieurs fois la même prise de vue pour obtenir un très bon résultat. Rappelons au passage l?équipement du Nokia 6 : capteur 16 mégapixels, ouverture f/2.0 et autofocus à détection de phase. Un équipement théoriquement assez classique, notamment en terme de luminosité : la très grande majorité des terminaux milieu de gamme ont un objectif qui ouvre à f/2.0.
Seulement, le Nokia 6 parvient à sortir du lot de façon remarquable. Vous pouvez voir, avec le cliché ci-dessous que le Nokia 6 offre une scène équilibrée, sans surexposition dans le ciel ou sous-exposition dans la rue en contrebas. Voilà une belle photo où l'autofocus et la balance des blancs sont très bien faits. Si vous zoomez, vous garder du détail et le grain n'apparait pas trop vite. Il n'y a pas d'aberration dans les angles. Notez que nous ne sommes pas arrivés à ce résultat du premier coup. D'autres clichés sont largement moins bons... En outre, les conditions de lumière étaient bonnes. Ce qui facilite (un peu) la tâche.
Un bon mobile arrivé un peu tard
En conclusion, le Nokia 6 est un mobile avec de sérieux atouts, mais aussi quelques défauts. Du côté des atouts, nous retrouvons incontestablement le design, simple et fonctionnel, sans faute de goût, mais aussi recherché dans le positionnement de certains éléments. Nous retrouvons aussi l?écran, d'une bonne qualité, l'interface, elle aussi très simple (voire frugale parfois), et bien sûr la photo, une bonne surprise.
En revanche, côté point négatif, il y a la plate-forme, un peu chiche. Le Snapdragon 430 aurait au moins mérité un quatrième gigaoctet de mémoire pour fluidifier l'ensemble, à cause de l?écran Full HD principalement. Et le second vrai point négatif est son prix. À 260 euros, de nouveaux mobiles plus ambitieux sont arrivés cette année. Chez Huawei / Honor, chez Motorola ou chez Meizu, par exemple. Sur le milieu de gamme, la guerre est féroce. Et malgré ses belles qualités, sans oublier l'affection que nous portons pour la marque, le Nokia 6 est peut-être arrivé un peu tard. Il faudra donc être plus rapide à l'avenir !