En février 2018, de nombreuses marques ont présenté au MWC des smartphones avec écran panoramique. Et parmi ces marques, certaines ont même intégré des « encoches ». Ce sont ces parties protubérantes de la bordure supérieure de l?écran qui vient rogner le parfait rectangle tactile. Le premier mobile avec une encoche à avoir été commercialisé est le PH-1 d'Essential Products. Mais le plus emblématique est évidemment l'iPhone X. Depuis l'arrivée du mobile d'Apple, la concurrence se presse pour copier cette nouvelle particularité ergonomique avec plus ou moins de succès.
Frénésie de l'encoche
Parmi ces marques se trouve Wiko. La filiale de Tinno en a dévoilé deux au Mobile World Congress 2018 : le Wiko 2, sujet de ce test, et le Wiko 2 Pro. Les deux sont très semblables physiquement, mais la version Pro est un peu plus puissante techniquement (et bien plus cher aussi). Le View 2 se positionne à 199 euros quand un iPhone X vaut 1000 euros. Soit cinq fois plus cher. Bien sûr, la comparaison est très délicate pour le View 2 dans la mesure où ce dernier est toujours en dessous de l'adversaire. Mais le fait est que le View 2 se prétend tout de même être une alternative low cost. Ce test vous dira donc si cette alternative est viable ou non. Avant cela, commençons par un petit tour de la fiche technique :
- dimensions : 154,5 x 72 x 8,3 mm
- poids : 153 grammes
- écran IPS HD+ de 6 pouces (résolution de 282 pixels par pouce) avec encoche
- verre minéral Gorilla de Corning à l'avant
- chipset Snapdragon 435 de Qualcomm avec huit coeurs Cortex-A53 cadencés jusqu?à 1,4 GHz
- GPU Qualcomm Adreno 505
- 3 Go de mémoire vive
- 32 Go de stockage interne (extensibles par microSDXC jusqu?à 128 Go supplémentaires sur un port SIM hybride)
- batterie de 3000 mAh (non amovible)
- compatible LTE catégorie 6, WiFi n, Bluetooth 4.2, GPS (Glonass), radio FM, NFC
- port microUSB 2.0 et port jack 3,5 mm
- lecteur d'empreintes digitales au dos
- capteur photo 13 mégapixels avec flash dual LED, autofocus à détection de phase et objectif ouvrant à f/2.0
- webcam 16 mégapixels avec flash frontal et objectif ouvrant à f/2.0
- dual SIM (nano SIM)
- Android 8.0 Oreo avec surcouche Wiko UI
Même s'il s'agit du modèle « porte-étendard » de Wiko pour 2018, vous constaterez que le View 2 est tout de même positionné sur le segment entrée de gamme : écran HD, chipset peu rapide, capteurs photo low cost. Même la batterie est assez décevante, puisqu'elle offre une capacité de 3000 mAh, alors que le mobile est assez grand. Et il n'est pas si fin que cela. La version Pro est certes plus affûtée, mais son positionnement tarifaire reste raisonné, sous la barre des 300 euros. Plus question pour Wiko d'aller chasser sur les terres de Honor ou celle de Xiaomi en frôlant les 400 euros : bien trop dangereux pour les affaires !
Un design passe-partout
Ergonomiquement, le View 2 est un mobile qui, éteint, ne paie pas tant de mine que cela. Si l'on ne sait pas que son écran est panoramique et qu'il mesure 6 pouces, il est clairement possible de passer à côté sans le remarquer. Il faut dire que le produit n'attire pas l??il, avec son design très sobre. Il ne fait pas dans le tape-à-l??il non plus. Et c'est peut-être une bonne chose.
La coque du mobile est faite de verre à l'avant et de métal sur les côtés. À l'arrière, il s'agit peut-être d'une plaque de verre minéral. Mais, sous le doigt, cela ressemble à du plastique (qui garde les traces de doigts). Ce dos héberge le lecteur d'empreinte digitale, à portée d'index, ainsi qu'un bloc photo qui aurait pu vous faire penser qu'il intègre deux capteurs. Mais non : c'est un trompe-l??il. Le flash est simplement aussi gros que l'objectif du capteur 13 mégapixels.
Tous les boutons mécaniques sont sur la tranche de droite, à hauteur du pouce. À gauche se trouve le tiroir pour les SIM (dont l'un des emplacements est hybride). Sur la tranche du bas se trouvent le haut-parleur, le micro et le port microUSB, une vieille connectique qui fait de la résistance. Et à l'opposé, en haut, le port jack 3,5 mm et le micro secondaire pour la réduction de bruit.
Un écran très grand et plutôt bon
À l'avant, vous retrouvez une grande dalle tactile très allongée qui monopolise 80,5 % de la surface du téléphone. Il est équipé d'une encoche au centre de la bordure supérieure. Celle-ci est presque circulaire, comme celle du PH-1 d'Essential Products. Elle héberge la webcam. Le haut-parleur est caché, avec les capteurs environnementaux et la LED de notification, dans la petite bordure qui surplombe l?écran. Sous l?écran, la bordure est bien plus épaisse. Elle n'intègre pourtant pas de zones tactiles puisque les touches de navigation d'Android sont intégrées à l'interface.
Qualitativement, l?écran est plutôt standard, outre son ratio de 19/9e. Il s'agit d'une dalle IPS très classique offrant une bonne luminosité, même en plein jour, et des angles de vision bien ouverts. En revanche, le taux de contraste est peu élevé, ce qui alterne les couleurs si la luminosité est justement élevée. En outre, le réglage par défaut des couleurs tire vers le bleu. La résolution est très moyenne (282 pixels par pouce) et les pixels sont presque visibles à l??il nu. Il n'y a cependant pas de quoi s'alarmer : l'affichage est parfaitement utilisable pour les applications quotidiennes.
Une encoche loin d'être maîtrisée
L'ergonomie du View 2 offre ici une prise en main très classique, mais plus pratique à deux mains. Car accéder au haut de l?écran peut s'avérer compliqué si vous avez de petites mains (et même des grandes) quand le téléphone mesure plus de 15 cm de haut et que l?écran s?étend pratiquement jusqu'au bout de la façade.
Dernier point enfin sur l'ergonomie générale : nous constatons que Wiko, dans son empressement d'intégrer une encoche le plus rapidement possible pour faire comme Apple, n'a pas toujours intégré intelligemment l'encoche. Car certaines applications sont tronquées et certaines écritures le sont aussi. Parfois les notifications oublient qu'il y a un trou entre les deux oreilles autour de l'encoche? Nous reviendrons dans la partie multimédia de ce test sur les implications de la présence de l'encoche et du ratio 19/9e sur les applications, les films et les jeux.
Une interface nettoyée
Mais observons d'abord les changements dans l'interface Wiko. Car, en passant à Android 8.0 Oreo, Wiko a aussi dépoussiéré sa surcouche. Déjà l'année dernière avec le Wim et le View, de nombreux éléments ont été supprimés ou simplifiés, rapprochant l'interface des prérogatives du Material Design de Google. Et il est heureux de constater que Wiko conforte son avancée sur ce chemin. Car cela facilitera les mises à jour et cela fluidifie l'expérience générale. Notez aussi la prise en charge des raccourcis en appuyant longtemps sur une application compatible (un peu comme ceux d'iOS avec 3D Touch)
D'ailleurs, une très grande partie des applications additionnelles croisées dans les précédentes générations de mobiles Wiko ont disparu. Au revoir donc « Ma Musique », « Météo », « Galerie », « 360 Security », « Fun Hub », « Phone Assist » ou « Wiko App Starter ». Adieu aussi liens commerciaux vers Amazon, Booking.com et jeux Gameloft. Même la Smart Left Page a été déboutée, remplacée par un écran Google Now / Google Assistant. Il ne reste que le pack Android basic et le pack Google Play. La place est nette pour accueillir VOS applications préférées (et non celles du constructeur).
Quelques optimisations plutôt utiles
Même si le ménage a été profondément fait ces deux dernières années, nous retrouvons au moins deux applications survivantes: Wiko Launcher, qui gère l?écran d'accueil, et le contrôleur pour l'appareil photo. Nous reparlerons de ce dernier dans la partie multimédia. Quelques ajouts ont été réalisés au niveau des paramètres, comme le mode « une main » qui réduit la taille de l'interface pour accéder aux touches virtuelles les plus hautes. Cela ne suffira peut-être pas. Quelques « gestes intelligents » ont aussi survécu.
Certaines applications tiennent compte de l'encoche, grâce à un jeu de transparence ou la désactivation d'une partie de l?écran plus ou moins large, tandis que d'autres font comme si l?écran est parfaitement rectangulaire. C'est le cas de l'application qui gère les captures d?écran : elles sont parfaitement droites, alors que le mobile ne l'est pas.
A gauche, l'encoche masque un bout de texte ;
à droite, le mode plein écran supprime un bout d'application
Ce sont les applications système et celles de Google qui s'en tirent le mieux, heureusement. Elles ne sont cependant pas exemptes de quelques défauts d'affichage. Il existe une solution pour contrecarrer cela : réduire systématiquement la surface d'affichage des applications en appuyant sur un bouton virtuel situé à gauche des touches de navigation d'Android, en bas de l?écran. Mais certaines applications ne le prennent pas en charge et cela donne ce que vous voyez ci-dessous.
Des performances parfois justes
Dans un usage quotidien, les performances du mobile sont bonnes. Pas excellentes, mais pas mauvaises non plus. Internet, réseaux sociaux, Candy Crush, messagerie, un peu de photo : pas de problème. Le système d'exploitation réagit plutôt bien, malgré quelques petits accrocs. Nous ne saurions dire si cela vient de la couche tactile de l?écran ou du système d'exploitation. Système qui monopolise pas loin de 8 Go de stockage à lui seul, sans compter les applications Google préinstallées. En tout, un quart des 32 Go internes est déjà pris quand vous activez le téléphone. Côté RAM, le bilan est similaire : sur les 3 Go de mémoire vive, le système en gobe 1 Go environ.
Côté batterie, le View 2 aurait pu être meilleur. D'abord, il aurait pu bénéficier d'une plus grande batterie. Ensuite, même cette batterie aurait pu être plus endurante. Oui, il tient plus d'une journée complète si vous ne le sollicitez pas avec des applications gourmandes. Vous pouvez même aller jusqu?à deux jours en réalisant quelques réglages (notamment en éliminant l'usage des données en arrière-plan pour certaines applications). Mais dès que vous jouez ou prenez une vidéo Full HD, l?énergie de la batterie s?évanouit vite, car le chipset est un peu juste (et heureusement que l?écran n'est que HD+).
Abordons justement les performances. Les résultats du View 2 ne sont pas très bons, autant le dire. Vous pouvez consulter ci-contre les quelques résultats que nous avons obtenus aussi bien avec AnTuTu, Geekbench ou 3DMark (ici avec Icestorm Unlimited, nous avons choisi de ne pas faire subir le test Slingshot au View 2). Globalement, les scores du View 2 sont en dessous de certains concurrents situés dans la tranche de prix du mobile (autour de 200 euros). Le rapport entre le score du View 2 et de la concurrence peut-être de 1,5 fois à 3 fois moins. Un Redmi Note 5 parvient à 17000 points sur 3DMark, quand le View 2 frôle les 7000 points. Les tests 3D sont ceux qui souffrent le plus.
Pas vraiment le mobile de rêve en multimédia
L'expérience est donc bonne si l'on n'est pas trop regardant sur les quelques ralentissements quand le chipset est très sollicité, mais aussi sur les problèmes d'affichage. Car, la bonne intégration de l'encoche vis-à-vis des applications est très approximative. Nous avons déjà évoqué le problème plus haut. Mais en multimédia, la question se pose davantage.
Voici un exemple concret : certaines applications forcent l'affichage « plein écran » et bloquent l'accès à la barre de navigation d'Android. Impossible de sortir de l'application. Il faut verrouiller le mobile, le déverrouiller, lancer l'appareil photo pour afficher la barre de navigation afin d?être en mesure de revenir sur l'accueil général d'Android. Une mauvaise expérience qui n'est pas uniquement du fait de Wiko, mais qui donne à réfléchir sur les différents niveaux d'intégration de ces nouvelles dalles.
Autre point important : que cela soit en jeu ou en vidéo, le View 2 adopte un format d'affichage 16/9e classique afin d?éviter les problèmes dus à l'encoche. Cela a deux conséquences. D'abord, les touches de navigation sont présentes automatiquement (vous pouvez les enlever en passant en mode « plein écran »). Ensuite, de très (très, très) larges bandes noires apparaissent. L'avantage d'un écran panoramique pour lire des films est donc inexistant. Pire, si le flux vidéo est nativement 21/9e, comme au cinéma, vous ne profiterez pas des caractéristiques de l?écran.
Deuxième point : les performances. Comme nous l'avons vu précédemment avec les résultats des benchmarks, le bilan est discutable. Cela provoque évidemment des ralentissements dans les jeux en 3D, même pour Dead Trigger 2, un titre plus tout jeune maintenant. Ce dernier se positionne d'office dans la résolution la moins bonne. Les contrôles tactiles ne sont pas toujours réactifs. Le jeu reste cependant jouable, même en forçant le passage aux graphismes les plus qualitatifs. Hormis le petit problème de disparition (et d'inaccessibilité) de la barre de navigation d'Android, nous n'avons pas rencontré de gros défauts.
Des photos lumineuses quand les conditions sont bonnes
Passons à la photo. Rappelons la configuration du View 2 : un capteur simple de 13 mégapixels avec objectif ouvrant à f/2.0. C'est une offre plutôt simpliste que nous propose ici Wiko, clairement en manque d'inspiration et d'ambition. La configuration est en effet identique à celle du Wiko View 1er du nom. C'est à croire que Wiko pousserait presque les amateurs de photos à acheter le View 2 Pro plutôt que le View, comme Apple le fait avec les versions « Plus » de ses iPhone. Seulement, il y a une différence : le capteur des versions classiques de l'iPhone reste excellent, tandis que celui du View 2 est moyen.
Nous avons réalisé avec le smartphone deux séances photo au mois de juin. La première quand il pleuvait sur Paris. La lumière est donc diffuse. Et la seconde quand il a fait particulièrement beau avec des ombres et beaucoup de lumière. Les deux séances sont cruelles pour le capteur : la première demande beaucoup de contraste et de précision, tandis que la seconde requiert un excellent équilibre de luminosité.
Mode automatique (en haut) et mode portrait (en bas) du Wiko View 2
Malgré la présence d'un mode professionnel plutôt intéressant, avec accès à de nombreux réglages de prise de vue, les clichés ne brillent pas. Les premiers démontrent un manque de contraste, même en HDR, et des couleurs qui manquent de peps. Quand la luminosité est bonne, le résultat est bien meilleur avec un équilibre relativement bien respecté entre les zones d'ombre et de soleil. Les nuages sont bien dessinés dans le ciel. Attention aussi aux flous disgracieux sur les côtés. Enfin, en mode portrait, notez que le View 2 a quelques difficultés à faire la mise au point. Et même quand elle est faite, elle n'est pas forcément parfaite, dans tous les cas de figure.
Photos réalisées un jour moins ensoleillé
Un prix correct, mais la version Pro est préférable
En conclusion, le View 2 est un téléphone low cost qui, s'il n'avait pas d?écran panoramique à encoche, ressemblerait à tout autre smartphone de Wiko. Il y a un contraste saisissant entre la promesse suggérée par quelques atouts esthétiques (pas seulement l?écran, mais aussi la coque) et la réalité : une plate-forme pas toujours au rendez-vous, une prise en charge de l'encoche imprécise et une partie photo un peu terne, au propre comme au figuré. Tempérons cependant ce bilan un peu mitigé par une donnée essentielle : le View 2 est proposé sous la barre des 200 euros. À ce prix, le mobile peut se permettre quelques petits défauts. Mais nous pensons aussi que la version Pro, malgré l'écart de prix, offre une expérience qui vaut peut-être le surcoût.